Les nouvelles provenant du secteur de l’éducation nationale sont proprement stupéfiantes. Plus que la stagnation économique ou l’instabilité politique, la suppression du devoir d’assiduité dans les établissements scolaires est, de loin, le plus grave péril qui plane sur le destin du pays.
Les moments où les syndicats de l’éducation évoquent la scolarité des élèves sont si rares, qu’il est important d’y prêter attention. Ainsi, l’on apprenait hier que «dans certaines classes, nous avons dépassé les 80% d’absence». Le syndicaliste ajoutait qu’«aucune réglementation n’oblige les élèves à venir régulièrement».
Ce phénomène aussi nouveau qu’inquiétant touche les classes d’examen, en attendant que d’autres données de même gravité ne soient révélées à d’autres niveaux de scolarité.
C’est dans un climat général charriant de multiples turbulences, où une polémique chasse une autre et des crispations s’ajoutent aux accès de colère irrationnelle, que des formes de déliquescence ordinaire sont en train de saborder en profondeur l’évolution de la société et d’en compromettre la construction.
Les chances d’un sursaut national se retrouvent subitement rabougries dès lors que l’élève a le loisir de choisir le lieu de son enseignement et de sa formation, la salle de classe, les cours particuliers, la maison ou la rue. Il est vrai que cette situation a été en partie permise et aggravée par la crise sanitaire, qui a amené les élèves et leurs parents à recourir aux plateformes numériques et au soutien scolaire prodigué à la télévision.
La virulence pandémique ayant largement reflué, le temps est peut-être venu de remettre la question scolaire, sous tous ses aspects et exigences, au cœur du débat. L’institution éducative doit-elle être réhabilitée, remise sur pied ou livrée à la déstructuration et à la désintégration ? L’école s’est-elle à ce point métamorphosée, vidée de sa substance, pour que la sacro-sainte discipline scolaire soit évacuée d’un revers de main ? Naguère, un retard équivalait à un renvoi et l’absence était soumise à la commission de discipline.
Aujourd’hui, tous les protagonistes se sont ligués pour, au final, précipiter l’élève dans une chute libre, avec, pour seule chance de sauvetage, un effort pécuniaire pour payer quelques séances de cours particuliers. Le comble est que les salles de classe sont parfois solidairement désertées par les élèves et les enseignants qui se retrouvent dans le même antre des cours privés et informels. Un dommageable transfert de pratiques observées dans le secteur de la santé publique où des malades sont tout simplement réorientés vers des cliniques où les mêmes soignants officient à temps partiel.
La réglementation, plus que la moralisation – un mot tant galvaudé –, s’impose dans nombre de secteurs de la vie nationale. Celui de l’éducation est particulièrement névralgique et déterminant pour l’avenir du pays, puisqu’il forme les générations devant relever, à terme, les défis dans un monde bâti sur la compétitivité et l’innovation. Il y a près de trois décennies, des Etats généraux des patriotes républicains étaient organisés dans une dynamique citoyenne de résistance contre un péril imminent.
A présent, des assises similaires sont à l’ordre du jour autour de l’école algérienne. Dans une même démarche patriotique, l’enjeu est la reconstruction de la citoyenneté.