Décès de Djamel El Foul : Un pionnier du génie parasismique s’en va

05/02/2022 mis à jour: 10:06
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Décédé récemment à l’âge de 78 ans, la disparition de Djamel El Foul, l’un des pionniers du génie parasismique en Algérie, s’est malheureusement déroulée dans l’anonymat. Pour son compagnon et ancien collègue Azzedine Boudiaf, le défunt mérite un hommage à la hauteur de sa personnalité et de son implication dans la recherche dans le domaine de la géologie et de la sismologie.
 

Ingénieur géologue au CTC (Centre technique de la construction), il a beaucoup donné lors du fameux séisme de Chlef en 1980. «Il avait accompagné toutes les équipes scientifiques internationales qui s’étaient déployées dans la région de Chlef pour l’analyse et l’interprétation des effets du séisme sur le sol», témoigne le consultant géologue Azzedine Boudiaf. Et de poursuivre : «En 1983, juste après mon service national, jeune ingénieur, je l’avais rejoint au CTC en tant que géologue. A cette époque, l’Algérie avait obtenu de nombreux fonds pour gérer l’après-séisme par des actions visant à réduire l’impact des futurs séismes dans la région.»
 

Selon notre interlocuteur, le défunt a été un acteur majeur dans ces actions, en chapeautant notamment une équipe dédiée à l’étude de microzonage sismique de Chlef et de huit autres sites urbains détruits par le séisme (Boukadir, El Abadia, El Attaf, Oued Fodda, Oued Sly, El Karimia et Sendjas), en contribuant à la création d’un centre arabe de génie parasismique, à l’acquisition d’une table vibrante et d’un mur de réaction pour la modélisation analogique des constructions parasismiques et le déploiement à travers le territoire national de 90 accélérographes type SMA (Strong Motion Accelerograpsh), qui ne sont que des sismographes pour l’ingénieur. «Ces actions étaient gérées par notre petite équipe menée par M. El Foul», se rappelle-t-il. 

A l’époque, l’action prioritaire était l’étude de microzonage. Et toujours d’après notre source, cette première étude du genre en Algérie avait été confiée conjointement «à notre équipe du CTC et à un bureau d’études californien (Woodward Clyde Consultants). M. El Foul et moi-même avions fourni d’importants efforts pour la réussite de ce projet. On avait même travaillé sur le terrain à Chlef au mois d’août en plein Ramadhan. Pour gérer ce projet, nous avions créé, au sein du département technique du CTC, un service qu’on avait dénommé ‘‘cellule de microzonation’’. 

Sa seule mission était de mener à bien et à terme cette première étude, qui était une grande inconnue pour nous et pour tous les scientifiques algériens de l’époque». Il rappelle qu’entre 1983 et 1985, cette étude a été une grande réussite et a été citée en exemple dans la stratégie parasismique recommandée par les Nations unies et l’Unesco. Et c’est suite à cette réussite que la cellule a été érigée en 1985 en Département de génie parasismique, dénommé DGPS, au sein du Département technique du CTC, se souvient notre interlocuteur.
 

«Puis entre 1985 et 1987, le défunt Djamel El Foul et moi-même avons été chargé d’intégrer une commission ministériel dont l’objectif était d’élaborer des actions visant à organiser le sauvetage et l’organisation des secours», raconte-t-il, ajoutant que le plan Orsec (organisation des secours) a été le principal aboutissement de très longues séances de travail et de préparation. «Nous avions même pris l’exemple de l’hôpital Mustapha comme bâtiment stratégique à protéger et nous avons réalisé de nombreuses enquêtes de terrain et conçu des fiches concernant cette infrastructure», cite-t-il en guise d’exemple.

 Il se souvient, aussi, que parallèlement aux travaux de la commission du plan Orsec, le ministère de l’Habitat de l’époque a mandaté le CTC, notamment le département de génie parasismique et à sa tête M. El Foul, pour créer un centre national de génie parasismique. «Après plusieurs mois et séances de travail et tractations avec les différentes institutions étatiques (ministères du Plan, des Finances et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique), l’organigramme du CGS a été validé par toutes ces instances et le Centre national de recherche appliquée en génie parasismique (CGS) a été créé dans la foulée de la restructuration du CTC en 1987. M. El Foul et moi-même avions intégré le CGS en 1987, et en 1991, j’avais entamé ma thèse de doctorat, et depuis nos chemins se sont séparés.»
Djamel El Foul, l’enfant de Miliana, a toujours travaillé dans l’ombre. 

Aujourd’hui, c’est toute sa ville et ses anciens amis qui le pleurent. Cette personnalité, ô combien modeste, a été pourtant une pionnière dans le génie parasismique dans notre pays. «Il a travaillé inlassablement pour que la politique nationale d’atténuation du risque sismique soit une réussite», conclut le consultant géologue Azzedine Boudiaf. Parti sur la pointe des pieds, M. El Foul mérite pourtant des hommages, lui qui est diplômé de l’université d’El Paso (Etats-Unis) et qui a tant donné à son pays, l’Algérie !
 

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