De l’eau et des barbelés : Une journée avec les migrants sur le Rio Grande

27/09/2023 mis à jour: 00:02
AFP
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Le soleil se lève à peine lorsque des premiers migrants luttent contre les eaux tumultueuses du Rio Grande pour sauver un bébé, dernière étape de l’odyssée de sa famille vers le rêve américain. 

Avec l’arrivée quotidienne de centaines, voire de milliers, de migrants, la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique connaît des moments de tension et d’émotion pour ceux qui crapahutent des milliers de kilomètres sans visa dans l’espoir de refaire leur vie aux Etats-Unis. Dimanche, à la traversée du fleuve Rio Grande, dernière épreuve d’un long périple, la petite Olga, un an, est restée dans les bras de Yonder Urbina, lui-même coincé au milieu du fleuve, pendant que sa mère atteignait la côte américaine, sous les yeux d’une patrouille texane. Alors, des migrants attachent leurs ceintures les unes aux autres pour former une corde et tenter d’extirper Olga et Yonder Urbina des eaux. Mais la corde improvisée cède sous la force du courant. 

Des migrants crient, Olga pleure. De peur. Le groupe récupère une corde pour la lancer au cousin de Yonder Urbina, qui marche vers le milieu du Rio Grande pour atteindre l’homme et le bébé et les aider à fendre les eaux plus profondes. Une fois à proximité des berges, un autre homme s’empresse d’escorter Yonder et Olga sur les derniers mètres. 

Arrivé de l’autre côté, la tension tombe d’un coup et les applaudissements se mettent à fuser. Mais cette joie vive reste de courte durée car un dernier obstacle s’impose au groupe une fois le fleuve traversé : un enchevêtrement de barbelés. Les autorités du Texas, Etat américain à la lisière du Mexique, ont placé cette structure métallique pour tenter de décourager, voire d’empêcher, migrants et demandeurs d’asile de passer en sol américain. 

Les barbelés sont déposés par les autorités là où il n’y a pas de mur en dur pour délimiter la frontière. Mais au bout d’un si pénible périple, il en faut plus pour décourager ces dizaines de migrants, qui parviennent à tracer un chemin à travers les barbelés. Pendant qu’une patrouille de gardes-frontières aide le reste du groupe prisonnier du Rio Grande, d’autres migrants sur la rive mexicaine commencent à peine à s’y jeter dans un cycle quasi-incessant de traversée. «Nous voulons simplement élever nos enfants», souffle Yusmayra Pirela, une Vénézuélienne de 38 ans. 
 

Tout abandonner

La plupart des rescapés transportent peu d’affaires : des vêtements, des smartphones endommagés par le voyage, des documents et des informations sur leurs proches aux Etats-Unis. Le reste de leurs objets personnels ont été abandonnés sur la rive mexicaine. But de l’exercice : s’alléger pour faciliter le passage à travers le fleuve. 

Dans l’après-midi, alors que plus de 300 personnes ont déjà traversé, une mère avec trois enfants arrive sur la côte américaine. Mais, désespérée, elle blesse ses enfants en tentant de passer entre les rasoirs tranchants des barbelés. En fauteuil roulant, Maria Argentina, 32 ans, une Hondurienne mère d’un enfant de deux ans, se hisse, elle, sur une petite île au milieu du fleuve grâce à l’aide de son frère et d’autres migrants. 

Mais un défi l’attend encore : traverser la partie profonde du fleuve. Alors des hommes apportent un gilet de sauvetage pour enfant et portent Maria sous le regard des patrouilleurs qui disent ne pas pouvoir intervenir en raison de la force du courant.  Malgré les efforts des hommes pour la faire franchir le fleuve, Maria sombre. Les hommes rebroussent chemin vers l’île avant de réessayer... et réussir la traversée. Une fois sur l’autre rivage, Maria, trempée et recouverte de boue, éclate en sanglots devant sa fille Nathalie. «Dieu merci, nous y sommes parvenus», s’exclame, lui, le Vénézuélien Lionel Fernández. 

 En fin d’après-midi, sous un mercure qui retombe après avoir flirté avec les 40 degrés au zénith, les patrouilleurs américains continuent de s’activer sous le flot incessant de traversées. 

«C’est un point chaud ici», lance l’un d’eux qui ne peut dévoiler son identité réelle. «Aujourd’hui, c’était tendu. Mais pour nous, c’était un jour comme les autres à la frontière», dit-il, au soleil couchant.
 

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