Prévues depuis des mois, ces cérémonies de mariage sont organisées à travers l’Etat et intégralement financées par le gouvernement local pour aider les plus pauvres à s’unir, dans un pays durement frappé par la crise économique. Vendredi, Yusuf a passé une partie de la journée à la mosquée centrale de Kano, la capitale de l’Etat du même nom, où il a assisté aux rites religieux, parmi près de 400 futurs mariés parés d’ensembles blancs et bonnets rouge. Tout comme leurs épouses, vêtues de longues robes au voile rouge, dans la partie de la mosquée réservée aux femmes.
A l’extérieur, une foule de plus de 1000 personnes s’étaient massée autour de l’édifice pour célébrer l’événement. Le lendemain, une réception pour célébrer les mariages était organisée au sein de la résidence du gouverneur de l’Etat, où les 1800 couples venus de toute la région ont convergé dans la matinée. «La vie est vraiment difficile, c’est pourquoi, je n’ai pas pu me marier jusqu’à maintenant», confie Yusuf. Car convoler en justes noces coûte cher et n’est plus à la portée de tous au Nigeria, qui se débat dans la crise économique alors que la majorité de sa population vit déjà avec moins de deux dollars par jour.
Dans cet Etat du nord musulman et conservateur où les normes culturelles sont fortes, la famille de la mariée doit habituellement acheter le mobilier et les ustensiles de cuisine. Le marié doit de son côté payer la dot (vieille tradition qui scelle l’union entre deux familles), fournir le logement et le trousseau comprenant des vêtements, des produits de beauté, des bijoux, des chaussures et des sacs à main. Mais «la situation économique désastreuse du pays fait qu’il est difficile pour les mariés de fournir les meubles et le trousseau nécessaires au mariage», déplore Abba Sufi, le directeur général de la police de la charia de Kano, présent à la cérémonie. Pour ces 1800 couples, c’est le gouvernement de Kano qui a ainsi payé la dot de 50 000 nairas (62 euros) et offert des meubles et des denrées alimentaires, à savoir un sac de riz, un carton de pâtes et un bidon d’huile de cuisine.
Les autorités locales ont également remis une subvention de 20 000 nairas (25 euros) à chaque épouse «comme capital de départ pour lancer une petite affaire», après leur avoir permis de participer, jeudi, à une journée de formation professionnelle. L’idée c’est de «rendre plus autonomes les jeunes mariées parce que la vie est devenue si chère», explique à l’AFP Na’isa Ahmad, l’un des formateurs. Dans le nord conservateur du Nigeria, la responsabilité financière du ménage revient d’abord à l’homme.
Mais l’extrême pauvreté et l’inflation galopante qui s’est accentuée ces derniers mois poussent les autorités à encourager le travail des femmes. «Si vous avez un métier qui vous rapporte un peu d’argent, vous pouvez payer vos petites dépenses en liquide, ce qui soulage votre mari», déclare l’une des femmes présentes à la formation de jeudi, Maimuna Yaqubu Yakasai. Agée de 47 ans et divorcée d’un premier mariage, Mme Yakasai s’est remariée vendredi à la mosquée. Le lendemain à la résidence du gouverneur de Kano, les couples ont défilé un à un devant ce dernier, qui a remis à la mariée le montant de la dot et du «capital de départ», ainsi qu’un exemplaire du Coran. Les autres cadeaux (lit, commode, armoire, denrées alimentaires) les attendaient à l’extérieur, alignés dans la cour.
A Kano, le mariage collectif est souvent apprécié chez les femmes, car il leur accorde une certaine protection, en interdisant les divorces sans l’accord des épouses, sous peine d’emprisonnement. Il permet notamment d’aider les femmes veuves ou divorcées avec enfants, souvent démunies, à se remarier. Lors de la cérémonie, les 1800 couples ont ainsi dû signer un engagement qui consiste à ne pas divorcer sans le consentement de la police islamique, à laquelle ils devront soumettre leurs «différends», a indiqué M. Sufi. Selon ce dernier, l’organisation de ce mariage collectif a coûté environ 900 millions de nairas (1,10 million d’euros) à l’Etat de Kano.