D-Day, faillite et retournement de l’histoire

09/06/2024 mis à jour: 04:27
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Le 6 juin, les pays du front européen et les Etats-Unis ont célébré en grande pompe le 80e anniversaire du débarquement allié en Normandie, sur la côte nord-ouest de la France. 

25 chefs d’Etat, dont les présidents américain Joe Biden, français Emmanuel Macron et le roi Charles III d’Angleterre ont pris part à l'événement marqué, cependant, par l’absence attendue mais fort remarquée du président russe. Vladimir Poutine n’a pas été invité, «vu les circonstances», a expliqué laconiquement l’Elysée. 

Et c’est justement ces «circonstances» qui donnent une des résonances particulières à ce 80e anniversaire de la formidable prouesse logistique et militaire qui avait, en combinaison avec l’offensive de l’Armée Rouge sur le front Est allemand, fait basculer définitivement l’équilibre des forces et décidé de l’issue de la Deuxième Guerre mondiale.  


Quatre-vingts ans après, le monde fonctionne avec une partition dysfonctionnelle et selon une mécanique de tensions qui ne se démarque pas forcément de celle qui a conduit l’humanité, tête baissée, dans l’hécatombe universelle du conflit global. L’issue de la Deuxième Guerre mondiale, le conflit le plus meurtrier de l’histoire, et sans doute l’un des plus insensés, a façonné la carte géopolitique de la planète sur les bases qu’ont décidées les vainqueurs et que leurs luttes précoces et acharnées de leadership ont pu dégager : partage des territoires et des zones d’influence idéologique et instauration du concept de «puissances» que l’institution de l’ONU est venue rapidement matérialiser. 

Les quelques mois et années qui ont suivi la victoire contre l’Allemagne nazie ont vu se planter les balises du nouveau monde et aussi les points de fixation et les articulations de ses conflits à venir (création de l’OTAN et édification du Mur de Berlin). Très vite également, la course à l’arme nucléaire, argument de dissuasion absolu qui a effroyablement fait ses preuves à l’été 1945 sur Hiroshima et Nagasaki, s’installera comme la donne stratégique fondamentale configurant la logique des blocs et les relations internationales.

 Après près de 45 ans de guerre froide, avec la menace cyclique de voir se rompre le fameux «équilibre de la terreur», et des décennies d’apaisement de surface après l’effondrement de l’ex-URSS, le risque est de nouveau d’actualité à la faveur du front ukrainien. Le 18 mars dernier, juste après sa réélection à la tête de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine avertissait qu’un conflit ouvert entre son pays et l’OTAN «marquerait l’ultime étape avant une Troisième Guerre mondiale». 

Le maître du Kremlin réagissait à l’implication de plus en plus directe des pays de l’Alliance dans la fourniture d’armements à Kiev. Le propos est traité parfois de fantaisiste ou procédant de la guerre psychologique dans les médias occidentaux, mais de plus en plus de voix sérieuses affirment voir se mettre en place, glissement après glissement, les conditions objectives d’un conflit généralisé et imprévisible. 

L’autre résonance forte vient de la terre de Palestine. Un «Etat hébreu» y a été monté de toutes pièces, il y a 79 ans, par des alliés disposant de l’histoire et de la géographie comme d’un butin de guerre. Benyamin Netanyahu, prototype actualisé du parfait sioniste, y mène une guerre génocidaire contre une résilience palestinienne qui refuse de céder au viol depuis au moins quatre générations de combattants, d’exilés et de déplacés. 

Après avoir convoqué obsessionnellement la Shoah, dans un chœur parfait avec ses soutiens occidentaux, le Premier ministre israélien doit désormais composer avec le risque d’être appelé à comparaître devant la Cour pénale de La Haye pour «crime de guerre». 

L’Occident, qui tire mérite d’avoir jeté les bases de la justice internationale, en 1946, en jugeant 24 responsables du troisième Reich hitlérien lors du procès de Nuremberg, se retrouve aujourd’hui à se liguer contre la CPI pour faire obstacle à la condamnation de son protégé. La boucle est bouclée dans le fracas, le sang et l’arbitraire, et l’histoire se mord la queue dans un absurde et tragique retournement.  
 

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