Crise socioéconomique en Tunisie : Ce que Kaïs Saïed attend d’Ahmed Hachani

24/08/2023 mis à jour: 06:47
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Le Premier ministre tunisien Ahmed Hachani (ici avec le président Kaïs Saïed) a hérité d’une mission difficile - Photo : D. R.

La principale mission d’Ahmed Hachani est de mettre en œuvre les réformes annoncées par le président Saïed et planifiées sous Bouden. Les responsables sont réservés quant à l’application de la 2e reddition des comptes en 12 ans, ordonnée cette fois par la Présidence. Ce n’est point la joie dans les coulisses de l’Exécutif tunisien qui parvient difficilement à faire face à la grave crise socioéconomique et financière.

Le président Saïed a déjà annoncé les dossiers transmis à Ahmed Hachani. Il attend de son Premier ministre que ses consignes soient exécutées immédiatement. Il s’agit d’abord de l’assainissement de l’administration des recrutements douteux, qu’ils soient avec diplômes falsifiés ou par connivence. Il a ensuite évoqué la lutte contre les pratiques spéculatives et la corruption dans la distribution des produits subventionnés, comme la farine, la semoule, l’huile végétale, etc.

Il y a enfin les projets qui traînent, alors que les fonds afférents sont là comme le Centre hospitalier universitaire Roi Salman, le centre d’oncologie de Gabès ou le centre de transformation des ordures à Sfax. Saïed a chargé Hachani de mettre en marche ces réformes afin de lancer des signaux clairs sur ses intentions réelles, alors que le Président va boucler la 4e année de son mandat et s’apprête à candidater pour une 2e législature. En revanche, la Présidence donne l’impression d’être complètement indifférente par rapport au dossier des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) malgré que les ministres soutiennent qu’il est encore tôt pour pouvoir compter uniquement sur soi.

Les tâches allouées au nouveau chef du gouvernement indiquent clairement que la Tunisie est loin de toute quiétude politique et socioéconomique après quatre années de gouvernance de Saïed. Les deux premières étaient certes partagées avec les islamistes d’Ennahdha, dans la continuité de l’après-2011, alors que les deux dernières années sont passées sous l’emprise totale du président de la République sur tous les rouages de l’Etat après le coup de force du 25 Juillet 2021. Hachani est appelé à pallier les défauts constatés avec Bouden, en corrigeant la gouvernance de l’Etat et des affaires publiques afin que la «machine Tunisie» reprenne sa marche productive. Le président Saïed a surtout recommandé d’améliorer les procédures et de mettre les bonnes personnes aux commandes.

La tâche ne sera pas d’autant facile avec un Budget 2023 nécessitant encore une loi de finances complémentaire pour être bouclé. En plus, la croissance est quasi-nulle avec 0,6% durant le 2e trimestre, qui a vu la chute de 61,5% de l’activité de raffinerie de pétrole, entraînant une balance énergétique déficitaire de 1,6 milliard d’euros. Par ailleurs, malgré la réduction de 8% des importations durant le 1er semestre 2023, la balance commerciale continue à traîner un déficit hors-énergie de 1,5 milliard d’euros. Le Trésor tunisien a toutefois honoré jusque-là ses prêts extérieurs pour 2023. Il s’attend néanmoins à une année difficile en 2024 avec des échéances supérieures à huit milliards d’euros.

Améliorer la gouvernance

Si la mission de Hachani semble orientée vers l’amélioration de la gestion de l’Etat, cela n’empêche qu’il est également attendu de lui qu’il améliore les Gros ratios qui sont la croissance, l’inflation, le déficit budgétaire et celui de la balance des paiements. A ce niveau, ce n’est pas un hasard si le Président Saïed a, pour la première fois depuis son accession au pouvoir en 2019, appelé les Tunisiens à travailler davantage.

Ce fut lors de son discours de passation de pouvoir entre Najla Bouden et Ahmed Hachani, au début de ce mois d’août 2023. En effet, l’après-Ben Ali est caractérisé par un net recul de la productivité des Tunisiens, comme cela a été soulevé par les gouvernements successifs sans être jamais traité. L’exemple le plus frappant c’est la compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) qui produisait huit millions de tonnes en 2010 avec un effectif de 8000 personnes, alors qu’elle n’a produit que près de 3,7 millions de tonnes en 2022, avec un effectif supérieur à 20 000. La moyenne de production a avoisiné les 2,5 millions de tonnes durant la dernière décennie. Ce déficit s’est répercuté sur la production des acides du groupe chimique, qui a été sauvé de la faillite par l’Etat tout comme la CPG.

Avec de tels résultats, c’est normal que les impôts occupent 87% des recettes de l’Etat. Le coût de production de l’extraction et du transport du phosphate (fait en partie par des camions !) devient exorbitant à un point tel que la CPG est devenue déficitaire en 2017, 2018 et 2019. Par contre, durant le 1er semestre de 2023, la productivité de la CPG s’est améliorée et la compagnie a retrouvé certains de ses anciens marchés en Europe, Asie et Amérique du Sud. La CPG compte produire 5,6 millions de tonnes en 2023 et en exporter 450 000 tonnes.

La tâche de Hachani, c’est d’installer les mécanismes afin que cette reprise se développe, pas uniquement dans le phosphate mais  également dans le pétrole et le gaz. La Tunisie compte attribuer de nouvelles licences d’exploration et faciliter l’installation aux investisseurs étrangers. Hachani compte par ailleurs investir lourdement dans le transport du phosphate pour améliorer les ratios du secteur. La stabilité politique pourrait aider à la reprise des investissements et du travail en Tunisie. 

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