Crise politique malienne : La junte appelle à manifester contre les sanctions ouest-africaines

12/01/2022 mis à jour: 00:58
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Le colonel Assimi Goïta a indiqué que l’heure est au rassemblement de tous les Maliens sans exclusive / Photo : D. R.

Le colonel Goïta et le gouvernement ont à nouveau fustigé, lundi soir, les décisions de la Cédéao, au «caractère illégitime, illégal et inhumain».

La junte au pouvoir à Bamako appelle les Maliens à manifester, vendredi, contre les sanctions imposées par l’organisation des Etats ouest-africains, tout en se disant ouverte au dialogue.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a durement sanctionné, dimanche, le projet de la junte de continuer à diriger le pays pendant plusieurs années et le manquement à sa promesse de tenir le 27 février des élections ramenant les civils à la direction du pays.

L’effet de ces mesures de rétorsion sur la junte mais aussi sur la population ajoute à l’incertitude des lendemains dans un pays au cœur de l’instabilité sahélienne, théâtre de deux putsch depuis 2020.

La situation au Mali, plongé dans une profonde crise sécuritaire et politique depuis le déclenchement d’insurrections indépendantiste et terroriste en 2012, devait être discutée, hier, lors d’une réunion régulière du Conseil de sécurité de l’ONU.

Les autorités maliennes ont continué lundi soir à faire assaut de pugnacité et à se draper dans la défense de la patrie et de sa souveraineté, autour desquelles elles exhortent au ralliement.

«L’heure est au rassemblement de tous les Maliens sans exclusive pour réaffirmer nos positions de principe et défendre notre patrie», a déclaré, dans un discours à la nation, le colonel Assimi Goïta, porté à la tête du Mali par un premier coup d’Etat en août 2020 et intronisé président «de la transition» à la suite d’un second en mai 2021. Le gouvernement installé par les militaires a pour sa part appelé dans un communiqué à la «mobilisation générale» sur tout le territoire vendredi.

«Illégal et inhumain»

Le colonel Goïta et le gouvernement ont à nouveau fustigé les décisions de la Cédéao, au «caractère illégitime, illégal et inhumain» selon le premier. L’embargo imposé par la Cédéao sur les échanges commerciaux et les transactions financières, hors produits de première nécessité, suscite la crainte de l’inflation et de la pénurie dans un pays pauvre et enclavé, éprouvé par les violences de toutes sortes et la pandémie de Covid-19.

Le colonel Goïta et le gouvernement assurent que des dispositions ont été ou seront prises pour parer le risque, sans dire lesquelles. Le colonel Goïta a appelé au «calme» et à la «résilience». Les sanctions de la Cédéao ont suscité, sur les réseaux sociaux, de vives expressions de nationalisme ombrageux et d’hostilité contre la Cédéao.

Le gouvernement a accusé la Cédéao de s’être laissée «instrumentaliser par des puissances extra-régionales», référence claire à certains partenaires internationaux aux premiers rangs desquels la France, engagée militairement au Sahel, mais avec laquelle les relations se sont sérieusement dégradées depuis 2020.

Très peu de voix significatives, y compris parmi les adversaires de la junte, se sont élevées pour critiquer cette dernière et soutenir la Cédéao. Epreuve de force passagère ou durable, les intentions de la junte sont inconnues. «Le Mali reste ouvert au dialogue avec la Cédéao pour trouver un consensus», a déclaré le colonel Goïta.

Frontières

Mais ni lui, ni le gouvernement n’ont pour le moment offert de perspective de sortie de crise. Le gouvernement a au contraire dit son intention d’élaborer «un plan de riposte». Les colonels s’étaient engagés en 2020 à rendre les commandes aux civils au bout de 18 mois. Ils disent à présent ne pas être en mesure de respecter l’échéance prévue du 27 février 2022 pour organiser des élections.

Ils ont demandé jusqu’à cinq années de plus, un délai «totalement inacceptable» pour la Cédéao. L’ambassadeur français à l’ONU, Nicolas de Rivière, a affirmé lundi «le plein soutien» de la France à la Cédéao. Autre partenaire important du Mali, les Etats-Unis «saluent les mesures vigoureuses» de la Cédéao dans un communiqué.

L’ambassadeur russe adjoint à l’ONU, Dmitry Polyanskyi, a dit, quant à lui, «comprendre» les difficultés des autorités maliennes.

Les sanctions de la Cédéao ferment les frontières des Etats membres avec le Mali. Cependant, la junte au pouvoir en Guinée a annoncé, lundi soir, que ses frontières étaient «toujours ouvertes à tous les pays frères».

La junte guinéenne, portée au pouvoir en septembre 2021 par un troisième putsch en un an dans la sous-région, a souligné que le pays, comme le Mali, avait été suspendu des organes de la Cédéao. La Guinée n’a donc «en aucune façon été associée» aux sanctions, dit un communiqué lu à la télévision nationale. Le Mali a quelque 800 km de frontière commune avec la Guinée. Outre cinq pays de la Cédéao, le Mali a des frontières avec l’Algérie au nord et la Mauritanie à l’ouest.

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