Crise politique en Tunisie : Le président Saïed détaille son programme

23/05/2022 mis à jour: 01:40
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Photo : D. R.

Le chef de l’Etat tunisien propose un projet entier de Constitution pour le référendum du 25 juillet 2022. Une instance nationale consultative pour une nouvelle République sera par contre présidée par le doyen Sadok Belaïd. Le président Saïed veut une validation populaire de son projet.

Le référendum du 25 juillet 2022 en Tunisie prend enfin forme avec le décret 2022-30 du 19 mai 2022, annonçant la mise en place de l’Instance nationale consultative pour une nouvelle République et la nomination de son président, le doyen Sadok Belaïd.

La feuille de route annoncée parle d’un projet de Constitution à soumettre au peuple lors du référendum du 25 juillet, coupant ainsi avec l’idée de réformes constitutionnelles proposant un régime présidentiel. Une commission de réflexions et une autre de synthèses juridiques des propositions. La société civile prend le paquet ; les partis politiques sur la touche.

Le décret 2022-30 installe l’Instance nationale consultative pour une nouvelle République, qui synthétise les travaux de trois commissions. La première est en charge des questions économiques et sociales ; la deuxième s’occupe des questions juridiques, alors que la troisième, celle du dialogue national, est chargée de faire la synthèse. La première commission est présidée par le bâtonnier des avocats, Brahim Bouderbala.

Elle est formée par les représentants de cinq organisations nationales ; les centrales UGTT et UTICA, l’Union de l’agriculture et de la pêche (UNAP), la LTDH et l’Union nationale de la femme tunisienne. Les partis politiques n’y figurent pas. La deuxième commission est composée par les doyens des facultés de droit, elle est présidée par le plus âgé d’entre eux.

Son rôle est de rédiger le projet de la Constitution, en fonction de la synthèse proposée par la commission du dialogue national. Les partis politiques ne sont pas directement représentés. Mais, chaque commission pourrait se faire aider par les experts qu’elle juge nécessaire. Le projet de la nouvelle Constitution doit être soumis en un mois au président Saïed.

Il est clair que le président Saïed avance à pas sûrs vers le référendum du 25 juillet, qui fait énormément peur aux autres composantes de la scène politique. Les représentants de l’opposition au projet de Saïed défilent à longueur de journée sur les plateaux et s’expriment sur les journaux pour s’attaquer au président et à son projet.

Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), l’un des partis les mieux placés dans les sondages, considère qu’«il y a eu braquage de l’Etat tunisien !» Pour sa part, le parti islamiste Ennahdha a publié un communiqué qualifiant de «parachutée» et d’«une consécration du coup d’Etat du 25 juillet et de l’autocratie» les décisions contenues dans le décret 2022-30. Ennahdha considère le référendum du 25 juillet «dépourvu de toute légitimité suite aux changements opérés à l’Instance des élections». Mais, de l’avis des observateurs, l’opposition ne dispose pas d’écoute auprès de la population. On attend la réaction officielle de l’UGTT et de l’Utica.

Changement

Le trio de juristes, Sadok Belaïd, Mohamed Salah Ben Aïssa et Amine Mahfoudh, a fini par avoir gain de cause en faisant adopter par le président Kaïs Saïed l’idée de soumettre un projet de nouvelle Constitution au peuple tunisien lors du référendum du 25 juillet. L’idée de départ se limitait à disposer d’un appui populaire pour des réformes constitutionnelles.

Mais, ces juristes sont adeptes d’une petite Constitution de principes généraux, comme n’a cessé de l’affirmer le professeur Amine Mahfoudh dans ses interventions publiques. «Le principal problème avec la Constitution de 2014 consiste dans les multiples interprétations du texte, en plus d’un régime électoral empêchant la composition d’une majorité pouvant gouverner», a-t-il déclaré depuis l’adoption du texte par l’Assemblée nationale constituante le 27 janvier 2014.

Les bâtonniers Belaïd et Ben Aissa et le professeur Mahfoudh ont convaincu le président Saïed de la nécessité de rédiger une nouvelle Constitution et de la soumettre à référendum. Cela éviterait, selon eux, toutes les éventuelles contradictions et les recours multiples aux référendums, d’une part, ainsi que les dérapages possibles d’une gouvernance par décrets.

Les défis étaient toutefois multiples, dont notamment la satisfaction du président Saïed concernant son souhait de «prévoir l’exercice de la souveraineté par le peuple, directement par référendum, voire des pétitions populaires ou à travers ses représentants élus».

Mais, il fallait, également, et selon le professeur Mahfoudh, préserver les acquis des Constitutions du 1er juin 1959 et du 27 janvier 2014 et garantir comme il se doit les principes fondamentaux de la démocratie et de l’Etat de droit, comme la suprématie de la Constitution ou la séparation et l’équilibre des pouvoirs. Il est clair que le projet de Constitution est en cours de finalistion, si l’on lit entre les lignes des déclarations du professeur Mahfoudh.

 


 


 

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