Crise libyenne : La Libye retombe dans ses travers

11/05/2022 mis à jour: 01:39
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Photo : D. R.

Concertation avec les différentes composantes de la société libyenne ; proposition américaine d’une commission ad-hoc présidée par un Libyen pour gérer les revenus du pétrole ; pressions internationales pour la tenue rapide des élections législatives et présidentielle.

A peine une année et rebelote en Libye, avec le retour de deux gouvernements et du blocage du pétrole. Face à Abdelhamid Dbeyba qui s’attache au pouvoir et qui continue à gouverner à partir de Tripoli, Fathi Bachagha appelle à un dialogue national pour préserver la souveraineté nationale et prévenir davantage d’intervention étrangère en Libye. Entre-temps, le blocage du pétrole a fait chuter la production à 50% des normes habituelles, avec 650 000 barils quotidiens.

C’est le retour à la case départ d’avant-Genève 2021. Fathi Bachagha et son équipe veulent créer une dynamique nationale pour isoler populairement le gouvernement de Abdelhamid Dbeyba.

Ainsi, ils ont appelé à un dialogue avec la participation de toutes les composantes actives de la société libyenne, dans toutes les régions, afin de préparer l’assise à l’application de son programme de réconciliation nationale et asseoir les assises sociétales des prochaines élections législatives et présidentielle. Sur un autre niveau, le gouvernement Bach Agha a préparé un budget 2022 de près de 95 milliards de dinars, qu’il a transmis au Parlement.

Lequel budget est en débat par les commissions parlementaires spécialisées. Les observateurs s’interrogent toutefois si le gouvernement Bach Agha peut avoir l’écho nécessaire, puisqu’il ne dispose pas de fonds pour appliquer son programme.

Le blocage de la production pétrolière commence néanmoins à prendre de l’impact en ces temps de crise internationale d’énergie, causée par la guerre d’Ukraine. Ainsi, la Banque centrale libyenne a décidé de publier régulièrement des rapports sur la destination de ses ressources, sous une autre forme, tenant en considération plus de transparence. Le bilan du 1er trimestre 2022 laisse déjà apparaître un grand déficit avec des dépenses représentant le triple des recettes.

Le chef du gouvernement, Fathi Bachagha, a appelé avant-hier à Derna, à la fin de la réunion de son équipe, au retour de la production pétrolière, à condition de garantir la transparence dans la gestion des revenus du pétrole et l’équité dans leur distribution.

Bachagha veut exploiter cette période pour se rapprocher des citoyens libyens et écouter leurs doléances. «A l’opposé de Dbeyba, qui évolue dans un rayon ne dépassant pas 50 kilomètres autour de Tripoli, Bachagha peut sillonner les régions libyennes et c’est un grand avantage à l’approche des élections», selon le politologue Ezzeddine Aguil.

Blocage

Au niveau diplomatique, les choses n’avancent pas non plus. Il ressort des récentes rencontres au Caire de l’ambassadeur américain, Richard Norland, avec Salah Aguila, le président du Parlement libyen, d’une part, et Khaled Mechri, le président du Conseil de l’Etat, que les Américains maintiennent leur appui aux travaux des commissions des législateurs libyens pour une assise constitutionnelle consensuelle pour les élections attendues.

Norland a exprimé l’inquiétude des Etats-Unis en rapport avec le blocage de la production pétrolière, en insistant néanmoins sur une répartition équitable des revenus du pétrole. Il a proposé à Aguila une commission en charge de gérer les revenus pétroliers, dans la transparence et l’équité.

C’est dire qu’il n’y a pas une quelconque pression américaine en vue d’une solution rapide en Libye. Côté afro-maghrébin, l’ambassadeur algérien à Rome, Abdelkarim Touahria, a réitéré, dans une déclaration à l’agence Nova, le rejet de l’Algérie de toute implication étrangère en Libye. «Nous sommes convaincus en Algérie que les Libyens sont appelés à résoudre, eux-mêmes, leurs problèmes ; l’intervention étrangère ne contribuerait pas à installer la paix, elle l’empêcherait.» Touahria a souligné que la dernière visite de Abdelhamid Dbeyba en Algérie a été faite à sa propre demande.

Par ailleurs, Tunisiens et Algériens soutiennent une solution interlibyenne à laquelle les Libyens n’y sont pas encore parvenus. Concernant la diplomatie africaine, il est à rappeler que la situation en Libye figure à l’ordre du jour du Conseil de paix et de sécurité en Afrique, qui se tiendra le 28 mai.

Les Africains veulent maintenir leur pression sur le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en vue de nommer un Africain à la tête de la délégation onusienne en Libye. Mais si la Russie et la Chine soutiennent cette proposition, les Etas-Unis, la Grande-Bretagne et la France s’y opposent. La solution en Libye n’est pas pour demain.

 

 


 

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