Crimes de guerre contre l’humanité et génocide commis par Israël : La CPI face à ses lourdes responsabilités

07/11/2023 mis à jour: 16:15
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Siège de La Cour pénale internationale à La Haye (Pays-Bas)

Les violentes images de bombardements des rares écoles, transformées en refuges pour la population civile, ont fait des dizaines de milliers de morts. Jour et nuit, la machine de guerre israélienne n’a épargné ni les habitants qui fuyaient les tirs intensifs, ni les ambulances transportant des blessés, ni les hôpitaux où les médecins travaillent dans des conditions extrêmes, ni les journalistes bien identifiés, ni le personnel humanitaire de l’ONU qui assure la prise en charge des civils. 

L’armée d’occupation n’a pas lésiné sur les moyens (bombes à phosphore blanc et à fragmentation, armes d’attaque, missiles, etc.) pour massacrer la population de Ghaza, dans ce qui s’apparente à une punition collective. Les faits documentés sont qualifiée de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide, aussi bien par des responsables de l’ONU que par plusieurs ONG des droits de l’homme et des experts du droit. Mais face à cette situation, la Cour pénale internationale (CPI) n’a pas été aussi réactive que dans le dossier de l’Ukraine. En effet, dès le début du conflit, des pays membres de la CPI, dont l’ensemble des pays européens, la Suisse, l’Australie et le Canada, ont poursuivi la Russie, pour crimes de guerre. Le procureur de cette juridiction s’est empressé de délivrer un mandat d’arrêt international contre le président Vladimir Poutine. 

Dès le début de l’opération «Déluge» de la résistance palestinienne, le 7 octobre dernier, et l’offensive militaire qui s'en est suivie, le procureur de la CPI, Karim Khan, en déplacement à Rafah, seul accès à l’enclave, a déclaré que son institution menait des «enquêtes actives» sur ce qu’il a appelé «les massacres du 7 octobre» et la «réponse» d’Israël ainsi que sur la «situation en Cisjordanie». 

Khan a déclaré que son bureau enquêtait «activement» sur «les crimes commis sur le territoire de la Palestine et sur tous les autres, qu’ils aient été perpétrés par Israël ou par la Palestine, et qu’ils aient eu lieu sur le territoire de la Palestine ou en Israël, depuis la Palestine». Près d’un mois après, c’est toujours le silence, alors que la population de Ghaza subit de jour comme nuit les bombardements intensifs, transformant l’enclave palestinienne en un immense charnier. 

Les lenteurs de la CPI, tout comme le soutien militaire des USA à Israël, la complicité des gouvernements occidentaux, à des exceptions et le silence de nombreux pays arabes, ont été violemment critiqués par des ONG de défense des droits de l’homme. C’est ainsi que Reporter sans frontière (RSF) a annoncé avoir saisi, le 31 octobre dernier, la CPI, pour «les crimes de guerre commis contre les journalistes».

 

«Ghaza, un exemple frappant de génocide»L’organisation a précisé avoir 

«détaillé les cas de neuf des journalistes tués depuis le 7 octobre dernier, et de deux blessés dans l’exercice de leurs fonctions», tout en mentionnant «la destruction intentionnelle, totale ou partielle, des locaux de plus de 50 médias à Ghaza». «L’ampleur, la gravité et la récurrence des crimes internationaux visant les journalistes en particulier à Ghaza appellent une enquête prioritaire du procureur de la CPI. Nous l’y appelons depuis 2018. Les événements tragiques en cours démontrent l’extrême urgence de sa mobilisation», a souligné Christophe Deloire, secrétaire-général de l’ONG. Quelques jours auparavant, Amnesty International, a appelé à une enquête de la CPI, sur ce qu’elle a qualifié de «possibles crimes de guerre» commis à Ghaza. Le 10 octobre dernier, le Haut commissaire des droits de l’homme à l’ONU (HCDH) a déclaré que «le siège total de Ghaza était interdit par le droit humanitaire international» et évoqué le terme de «punition collective» de la population, alors que Craig Mokhiber, membre du bureau onusien des droits de l’homme, a remis, le 30 octobre dernier, sa démission au Haut commissaire, Volker Türk, pour exprimer sa protestation contre l’inertie de l’ONU, face aux graves dérives de l’entité sioniste. Dans sa lettre, il a qualifié la situation en Palestine d’«exemple frappant de génocide en cours», puis a ajouté : «Le projet colonial européen, axé sur l’ethno-nationalisme en Palestine, entre maintenant dans sa phase terminale, conduisant à l’accélération de la destruction des dernières traces de la vie palestinienne autochtone en Palestine.»
 

Avocats algériens de la partie

Pour le responsable onusien, «le génocide auquel nous assistons en Palestine est le résultat de décennies d’impunité israélienne, soutenue par les Etats-Unis et d’autres gouvernements occidentaux, ainsi que de décennies de déshumanisation du peuple palestinien par les principaux médias occidentaux (…). Les deux phénomènes doivent cesser immédiatement». 

Sa sortie médiatique est intervenue, une semaine seulement après la publication d’une pétition signée par 800 universitaires spécialistes du droit international, études sur les génocides et conflits, à travers laquelle ils ont mis en avant une série d’actes en violation du droit international et exprimé leurs inquiétudes quant à la possible commission d’un génocide à Ghaza, avant de conclure que leur mise en garde n’était pas «formulée légèrement mais motivée par la gravité exceptionnelle de la situation». 

Mardi dernier, l’Ordre national des avocats de Tunisie a annoncé la constitution d’une commission juridique regroupant des spécialistes et des représentants des organisations nationales de soutien à la résistance palestinienne, chargée de lister les violations commises par Israël et de déposer une plainte auprès de la CPI, dans la perspective d’enquêter sur les génocides commis dans la Bande de Ghaza et sur les territoires palestiniens et de poursuivre en justice les dirigeants et militaires sionistes.

 Dans son communiqué, l’ordre des avocats a affirmé avoir décidé d’adresser des courriers au SG de l’ONU, à l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) à Tunis et à tous les ambassadeurs des pays qui soutiennent «l’attaque sioniste» contre le peuple palestinien en protestation contre «les positions honteuses face au génocide et aux crimes commis contre l’humanité, ainsi qu’à la politique du deux poids deux mesures». 

En France, l’avocat Gilles Devers, du barreau de Lyon, et avec bon ombre de ses confrères à travers le monde, compte déposer le 9 novembre prochain une plainte devant la CPI, pour les crimes commis à Ghaza. A ce titre, il a expliqué que cette action «ne vise pas à prendre partie sur le sujet politique ni sur le conflit» et qu’«il ne s’agit pas de donner notre assentiment aux actions menées par certaines organisations palestiniennes mais simplement de raisonner en qualité de juriste, eu égard aux qualifications étant susceptibles d’être caractérisées à Ghaza au cours des trois dernières semaines. Notre qualité d’avocat et de gardien des libertés fondamentales, nous oblige en ce sens». 

Les initiateurs de cette action internationale, à laquelle un groupe d’avocats algériens s’apprête à adhérer, ont appelé tout avocat à signer la plainte avant d’exprimer leur souhait de «recueillir un maximum de signatures avant le 7 novembre, parce que chaque voix compte». Toutes ces voix qui dénoncent le terrorisme d’Etat d’Israël et qui agissent pour que ces actes qui violent le droit international soient poursuivis se heurtent, pour l’instant, à l’immunité et au soutien accordé au bourreau par les USA et l’Occident. 

 

 

 

 

 

Cour pénale internationale (CPI), quel rôle ?

La Cour pénale internationale (CPI), dont le siège est situé à La Haye (Pays-Bas), mène des enquêtes et, le cas échéant, juge les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime d’agression. En qualité de juridiction de dernier ressort, elle s’efforce de compléter les juridictions nationales et non de les remplacer. Régie par un traité international appelé le Statut de Rome, la CPI est la première juridiction pénale internationale permanente. Ils sont 39 Etats parties à avoir adhéré à cette juridiction, à ce jour. 
Le 5 février 2015, la Chambre préliminaire de la CPI a décidé à la majorité que la compétence territoriale de la Cour dans la situation en Palestine, un État partie au Statut de Rome de la CPI depuis le 7 janvier 2015, s’étend aux territoires occupés par Israël depuis 1967, à savoir Ghaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.

Les quatre crimes qui relèvent de la compétence de la CPI

1- Le génocide est caractérisé par l’intention spécifique de détruire, en tout ou partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux par le meurtre de ses membres ou par d’autres moyens : atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; ou transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

2- Les crimes contre l’humanité sont de graves violations commises dans le cadre d’une attaque de grande envergure lancée contre toute population civile. Les 15 formes de crimes contre l’humanité énumérées dans le Statut de Rome comprennent des délits tels que le meurtre, le viol, l’emprisonnement, les disparitions forcées, la réduction en esclavage, notamment celle des femmes et des enfants, l’esclavage sexuel, la torture, l’apartheid et la déportation.

3- Les crimes de guerre, qui constituent des infractions graves aux Conventions de Genève dans le contexte d’un conflit armé, comprennent, par exemple, le fait d’utiliser des enfants soldats ; le fait de tuer ou de torturer des personnes telles que des civils ou des prisonniers de guerre ; le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des hôpitaux, des monuments historiques, ou des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative.

4- Le crime d’agression qui est l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité ou l’indépendance d’un autre État. La définition de ce crime a été adoptée en apportant des amendements au Statut de Rome lors de la première Conférence de révision du Statut qui s’est tenue à Kampala (Ouganda) en 2010.
 

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