COVID-19 : Le Chu de Blida fait son bilan

18/06/2023 mis à jour: 23:55
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Trois ans après le début d’une pandémie mortelle qui a duré dans le temps, l’heure est au bilan après le retour à la normale constaté depuis quelques mois. Même si le virus est toujours parmi nous, il est devenu moins virulent et vite toléré par notre corps.
 

C’est dans ce contexte que le Chu Frantz Fanon de Blida a organisé, jeudi dernier, une journée scientifique intitulée «Covid-19 : expériences, impact et séquelles». Parmi les médecins intervenants, celui qui aura marqué sa présence durant les moments les plus difficiles qu’a connus le Chu en question, et ce, grâce à sa remarquable et courageuse lutte pour sauver des vies humaines à l’unité de réanimation, le Dr Adel Boudahdir, ce qui lui a valu beaucoup de reconnaissance.

 Il dit, tout d’abord, qu’il a été «particulièrement marqué par le  mouvement de solidarité des citoyens des différentes wilayas d’Algérie envers la wilaya de Blida dans les moments tragiques, avec l’envoi de caravanes d’aide lorsque cette wilaya était l’épicentre du coronavirus». Se montrant reconnaissant envers le président de la République après la promulgation d’une loi présidentielle visant la protection des professionnels de la santé en plein Covid-19, il estime que cette loi «est venue au bon moment» et cela, pour préserver une noble profession faisant l’objet de plusieurs pressions. 

Par ailleurs, le Dr Boudahdir se rappelle, avec beaucoup d’émotion, la période où il y a eu explosion des cas, où l’accès aux soins a été particulièrement difficile lors de la vague du variant Delta. «C’était une période très difficile. Heureusement qu’on a pu mettre en place une organisation avec des circuits de prise en charge bien définis, ce qui a permis d’améliorer un tant soit peu la situation. 

D’ailleurs, le travail multidisciplinaire et la coordination entre les établissements hospitaliers de toute la wilaya de Blida ont été des points forts de cette organisation.» Dans la foulée, il profite de l’occasion pour rendre hommage notamment au corps des médecins anesthésistes-réanimateurs, ainsi que les auxiliaires médicaux en anesthésie-réanimation, les médecins généralistes et les paramédicaux, lesquels «ont joué un rôle extrêmement important dans la prise en charge des patients en réanimation pendant la pandémie». Selon lui, leur expertise et leur dévouement ont été essentiels pour assurer des soins de qualité aux patients les plus gravement atteints par la Covid-19. «Leur travail en équipe, en collaboration avec d’autres professionnels de la santé, a créé une solidarité et une cohésion au sein du personnel médical, ce qui a influé positivement sur la prise en charge des patients en réanimation», précise le spécialiste.
 

Burn out 

Le Dr Adel Boudahdir constate que les séquelles de la Covid-19 sont toujours là. «Rien que pour l’exemple, le personnel hospitalier souffre encore d’épuisement à cause d’un travail sans cesse et sans relâche pendant plus de deux ans». Il regrette qu’une diminution du nombre de médecins anesthésistes-réanimateurs est observée chaque année, avec des départs vers le secteur privé et l’étranger, et ce, au détriment de la santé publique. Aussi, le nombre de lits de réanimation reste, selon lui, insuffisant par rapport aux besoins : «Notre souhait est que le service d’anesthésie-réanimation soit doté de moyens humains et matériels pour pouvoir répondre à tous les besoins des malades.» 

Et de poursuivre : «La principale leçon tirée de cette expérience est la nécessité de disposer de services de réanimation préparés à l’avance, avec un personnel qualifié et des capacités extensibles en cas de besoin». Il est important, selon lui, d’investir dans le facteur humain en formant notamment des infirmiers spécialisés en soins intensifs, tout en garantissant la disponibilité du matériel nécessaire. M. Boudahdir assure que la simulation de scénarios difficiles avec les parties prenantes permet de maintenir les compétences acquises et d’en acquérir de nouvelles, ce qui est précieux en cas de besoin, y compris lors de situations de catastrophe ou de pandémie. «La formation initiale et continue du personnel médical, paramédical et technique revêt également une importance capitale», ajoute-t-il. 

Pour lui, il est essentiel, voire urgent, d’améliorer les conditions de travail de tout le personnel, en particulier ceux exerçant dans des spécialités difficiles, afin de maintenir leurs compétences et de conserver un effectif suffisant pour garantir des soins de qualité optimale, surtout dans des situations où l’urgence s’impose. «Une coordination hospitalière efficace entre les services est également un élément essentiel pour satisfaire les citoyens et améliorer les conditions de travail du personnel médical», conclut-il. 

Le Pr Bachir Chérif, chef de service médecine interne et président du conseil scientifique au Chu Frantz Fanon se souvient d’une époque où plus de 400 radios par scanner/jour ont été effectuées  au moment où le test PCR était encore rare et nécessitait plusieurs jours pour avoir ses résultats. «On avait recours au scanner pour confirmer les cas positifs afin de les prendre en charge», se souvient-il. 

Une époque (Variant Delta, été 2021) où les décès étaient par dizaines jour et où l’oxygène était une denrée rare, où il était impossible de satisfaire la forte demande d’oxygène émanant de personnes atteintes de la Covid-19 et présentant une insuffisance respiratoire aiguë. Pour le protocole médicamenteux utilisé, des médecins rencontrés évoquent le recours à la chloroquine au début, et ce, avant d’abandonner cette thérapie suite aux recommandations de l’OMS pour la remplacer par les corticoïdes pour les cas graves, les antibiotiques et la vitamine C associée à du zinc pour les formes légères et modérées. Le recours aux anti-coagulants pour certains cas a été aussi cité. 

Un hommage au personnel hospitalier a été rendu à l’occasion au professeur Si Ahmed qui figure parmi les premiers médecins victimes de la Covid-19 en Algérie. «Plusieurs médecins et paramédicaux ont développé des maladies chroniques comme le diabète et l’hypertension à cause notamment du stress. Ils souffrent en silence... Ils n’ont même pas le temps et le moral pour qu’ils se fassent un suivi psychologique. D’autres continuent de souffrir d’épuisement et de burn-out. Ils méritent plus d’attention de la part des pouvoirs publics», ont-ils insisté. 

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