Contribution / El Watan, une mission culturelle au-delà de l’entreprise

23/07/2022 mis à jour: 01:08
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El Watan est un immense journal, avec ses grandes forces mais aussi ses faiblesses, ce qui en fait un journal vivant et proche de ses lecteurs. El Watan compte énormément dans le paysage médiatique francophone algérien. El Watan compte dans le cœur des lecteurs algériens, car il fut le premier quotidien indépendant en Algérie. El Watan a toujours ouvert ses colonnes aux intellectuels algériens : universitaires, historiens, littéraires, philosophes, sociologues, psychologues, scientifiques, toutes les tendances confondues. 

Ces intellectuels algériens mais aussi européens s’y exprimèrent pour dire l’Algérie. Le titre El Watan, (la nation, le pays) n’a pas été choisi par ses fondateurs par hasard. Toute une symbolique s’y inscrit ! El Watan compte en son sein des journalistes professionnels de grande qualité, dont nombre d’entre eux sont d’ailleurs romanciers, poètes ou dramaturges. El Watan a toujours eu une équipe directionnelle qui mérite le respect, et cela depuis son lancement : dévouement pour la vie et la survie du journal fut une priorité, en défense des pluralités de points de vue. 

La qualité rédactionnelle de ce quotidien a toujours été à la hauteur, car une grande exigence était le «motto» des rédacteurs en chef. En tant que Professeur des Universités et chroniqueur littéraire dans El Watan depuis ses débuts, à la demande de Ali Bahmane, je m’y suis exprimé durant des années sur des textes littéraires africains, édités en Algérie ou en France, avec une liberté totale, je me dois de le dire. 

Un grand nombre de ces chroniques africaines furent édités à l’OPU et à l’ENAG. Mes chroniques furent parties prenantes dans le supplément culturel «Arts et Lettres» dirigé par Améziane Ferhani. 

Il faut le souligner, El Watan a toujours accordé une place conséquente à la culture, à la vie culturelle dans les pages du journal, ce qui n’est pas à négliger ou balayé d’un revers de la main. El Watan a ainsi toujours été un miroir des expressions littéraires et artistiques algériennes. 

Humblement, de par ma spécialité d’africaniste comparatiste, j’affirme qu’El Watan a toujours accordé la plus grande attention à la littérature africaine subsaharienne en me donnant carte blanche pour des chroniques africaines régulières.

Il a été montré, à travers le site d’El Watan, combien étaient nombreux les lecteurs africains du journal : au Mali, au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Niger, au Bénin, en Côte d’Ivoire et bien entendu en Afrique du Nord. Dans le contexte de la bataille des langues, la presse francophone est mise à mal pour des raisons idéologiques, et pourtant comme l’a exprimé avec brio Kateb Yacine : «Le français est un butin de guerre» en Algérie. 

D’ailleurs, la presse francophone l’a prouvé, car la présence de l’Algérie dans le monde, culturellement, est importante grâce à des journaux comme El Watan qui accordait une grande place au fait culturel. En géopolitique, est-il nécessaire de rappeler qu’El Watan ne doit pas disparaître, comme ce fut le cas malheureusement pour le journal Liberté. La mission culturelle d’un tel quotidien reste des plus significatives aujourd’hui. 

Au vu des maisons d’édition et de leurs multiples publications en littérature algérienne francophone. El Watan doit continuer pour en parler, pour en débattre. El Watan doit poursuivre sa tâche envers ses très nombreux lecteurs algériens, doit faire réactiver son site pour la diaspora algérienne dans le monde, et pour ses lecteurs subsahariens. 

Au-delà de l’entreprise, la mission du quotidien El Watan devrait se maintenir pour le rayonnement de la littérature algérienne et africaine. Une telle noble mission est nécessaire. Elle est vitale pour le pays. 

L’algérianité du quotidien El Watan n’est plus à démontrer, et dans ce sens ce média historique de la presse indépendante doit être présent pour longtemps encore.

Par Benaouda Lebdai
Professeur des Universités et critique littéraire

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