Cette décision a suscité une réponse officielle du Conseil national de déontologie médicale (CNDM). Ce dernier, dans un communiqué daté d’hier, 5 janvier 2025, a déclaré que cette mesure n’avait pas été prise sous sa supervision et qu’elle était contraire à la législation en vigueur.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins algériens (COMA) a annoncé, dans une correspondance officielle datée du 31 décembre 2024, «la suspension de la délivrance des attestations d’exercice pour les médecins inscrits, et ce, jusqu’à nouvel ordre». Cette mesure, signée par le président du COMA, le Dr Mohamed Bekkat Berkani, «fait suite aux résolutions adoptées lors de la réunion du 27 décembre 2024 par la Section ordinale nationale des médecins», lit-on dans ce document. Selon des sources proches du COMA, «la délivrance de l’attestation de bonne conduite n’est pas concernée par cette mesure».
Cette décision a suscité une réponse officielle du Conseil national de déontologie médicale (CNDM). Ce dernier, dans un communiqué d’hier, 5 janvier, a déclaré que cette mesure n’avait pas été prise sous sa supervision et qu’elle était contraire à la législation en vigueur, notamment à l’article 166 du décret exécutif 276/92. Le CNDM a rappelé que plusieurs décisions judiciaires récentes, notamment celles du Conseil d’Etat et des tribunaux administratifs d’Alger, avaient invalidé des démarches similaires. Le CNDM se dissocie donc de cette suspension et a annoncé qu’il entreprendrait des démarches judiciaires pour protéger ses prérogatives et garantir le respect de la légalité.
Si cette décision provoque déjà des réactions mitigées au sein de la communauté médicale, elle intervient dans un contexte social tendu, marqué par plus de deux mois de grève des étudiants en médecine, dont une partie des résidents continuent à observer un mouvement de protestation.
La suspension de la délivrance des attestations d’exercice, documents indispensables pour participer à des concours internationaux ou exercer à l’étranger, n’est pas une première. En janvier 2018, une décision similaire avait été prise par le COMA avant d’être rapidement annulée. A l’époque, l’interruption avait été justifiée par des «raisons techniques et organisationnelles», selon le Dr Bekkat Berkani.
La reformulation administrative des attestations de conformité des diplômes et des documents de bonne conduite était alors invoquée comme motif principal. Toutefois, cette mesure avait été perçue par certains comme une réaction indirecte aux changements réglementaires, opérés par le gouvernement français pour recruter des médecins étrangers.
«Obstacle administratif supplémentaire»
En 2024, le contexte est différent, mais tout aussi complexe. La persistance des grèves dans les facultés de médecine, où les étudiants dénoncent des conditions précaires et un manque de reconnaissance de leurs revendications, jette une ombre sur la gestion du secteur médical.
Pour certains observateurs, la suspension actuelle pourrait aggraver la situation en affectant davantage le moral et les perspectives professionnelles des jeunes praticiens. La décision du COMA suscite déjà des inquiétudes parmi les praticiens, notamment ceux qui avaient prévu de participer à des concours ou de s’engager dans des projets à l’étranger.
Beaucoup dénoncent une mesure brusque et peu expliquée, qui risque de freiner leur carrière et d’ajouter de nouvelles frustrations dans un contexte déjà tendu. «Nous sommes confrontés à un obstacle administratif supplémentaire qui pourrait compromettre nos projets professionnels», confie un médecin résident encore en grève. La communauté médicale appelle à davantage de transparence de la part du COMA, ainsi qu’à des mesures plus adaptées aux besoins des praticiens.
Cette suspension arrive à un moment où le secteur médical algérien est sous pression. Sur les ondes de la Radio Chaîne 3, le doyen de la faculté de médecine d’Alger, le professeur Merzak Gharnaout, a écarté tout risque d’année blanche malgré deux mois de grève des étudiants en médecine. Il a affirmé que toutes les dispositions ont été prises pour rattraper le retard, notamment en réadaptant les programmes et en ajustant les calendriers des examens. Soulignant que les principales revendications des étudiants, telles que l’augmentation des postes de résidanat et la révision du concours, ont été satisfaites, le Pr Gharnaout appelle à une reprise des cours dès hier.
Convaincu que l’année se déroulera normalement, il a annoncé que les cours et stages seront intégralement réalisés, avec une fin de programme prévue pour septembre au lieu de juillet. Les mesures prises incluent également la transparence dans la gestion des certificats, la réduction des effectifs dans les facultés de médecine dès la prochaine rentrée et la revalorisation des bourses.
Entre les grèves des étudiants, l’appel à la reprise des cours, les attentes croissantes des patients et les défis organisationnels du système de santé, la décision du COMA est perçue comme une mesure qui alourdit un climat déjà complexe. «Pour rétablir la confiance, le Conseil devra non seulement clarifier rapidement les raisons précises de cette suspension, mais aussi garantir qu’elle ne pénalise pas indûment les professionnels de santé. Si en 2018, une gestion rapide avait permis de désamorcer la situation, il reste à voir si le COMA saura cette fois répondre aux attentes des médecins dans un contexte beaucoup plus tendu», estiment plusieurs praticiens.