La visite de l’émissaire américain à Kiev intervient alors que le président ukrainien a été la cible d'attaques verbales inédites de Donald Trump, qui a mis en cause sa légitimité, sa volonté de trouver une issue au conflit et semblant le tenir responsable de l'intervention russe en Ukraine.
L'émissaire du président américain, Keith Kellogg, a effectué hier une visite à Kiev assurant vouloir «écouter les préoccupations» des Ukrainiens, au lendemain des très vives critiques de Donald Trump à l'encontre de leur président, Volodymyr Zelensky, rapporte l’AFP. Arrivé en train depuis la Pologne, il a assuré comprendre le besoin de «garanties de sécurité» pour l'Ukraine. «Une partie de ma mission est de m'asseoir, d'écouter vos préoccupations en ce qui concerne les Etats-Unis», a-t-il ajouté.
Le président ukrainien a été la cible d'attaques verbales inédites du président américain, qui a mis en cause sa légitimité, sa volonté de trouver une issue au conflit et semblant le tenir responsable de l'intervention russe en Ukraine. Dans ses déclarations, il a accusé le président Zelensky d'être impopulaire, a critiqué l'absence d'élections et assuré qu'une partie de l'aide américaine a été détournée.
Si le mandat de V. Zelensky aurait en soi dû expirer en mai 2024, l'Ukraine n'a pas organisé d'élections dans un contexte de loi martiale, alors que des millions d'Ukrainiens ont fui à l'étranger, que 20% du territoire est sous occupation russe, que le pays est coupé par une ligne de front de plus de 1000 km et que les villes sont bombardées quotidiennement.
Donald Trump a assuré que Washington a «donné 350 milliards» à l'Ukraine et accusé V. Zelensky de ne pas savoir «où était la moitié de l'argent», alors que l'Institut économique IfW Kiel chiffre l'aide américaine à 114,2 milliards de dollars depuis 2022. Aucun des alliés de Kiev n'a jusqu'ici accusé l'Ukraine de détourner massivement les fonds versés par les Occidentaux et le président américain n'a pas étayé ses propos.
De son côté, Volodymyr Zelensky a jugé, lors d’une conférence de presse à Kiev hier, que son homologue américain vivait «dans un espace de désinformation» russe. Il a aussi accusé l'administration américaine d'aider Vladimir Poutine à «sortir d'années d'isolement» vis-à-vis de l'Occident, le président russe ayant été traité en paria par les Occidentaux depuis le début de l'invasion de l'Ukraine en février 2022.
De son côté, le président russe, Vladimir Poutine, a estimé hier qu'il est nécessaire de renforcer la «confiance» avec les Etats-Unis pour mettre un terme à l'assaut russe contre l'Ukraine, se félicitant des pourparlers «positifs» russo-américains qui ont eu lieu mardi en Arabie Saoudite.
«Renforcer le niveau de confiance»
Il s'agit de la première réaction de V. Poutine à ces discussions qui se sont tenues mardi entre les chefs de la diplomatie russe et américaine, Sergueï Lavrov et Marco Rubio, pour la première fois à ce niveau depuis le début de l'assaut russe contre l'Ukraine en février 2022. «Sans renforcer le niveau de confiance entre la Russie et les Etats-Unis, il est impossible de résoudre de nombreux problèmes, y compris la crise ukrainienne», a déclaré V. Poutine, selon des propos retransmis à la télévision publique russe.
Il a dit «évaluer positivement» les pourparlers avec les Américains, se félicitant du fait qu'«il y a un résultat». «Je rencontrerais avec plaisir Donald (Trump, ndlr) (...). Et je pense que lui aussi», a-t-il ajouté, précisant toutefois ne pas pouvoir dire d'ici combien de temps une telle rencontre pourrait être organisée.
A l'issue des discussions, Moscou et Washington ont décidé de restaurer les missions diplomatiques dans chaque pays, posant les jalons du rétablissement de leurs relations, de créer un «mécanisme de consultation» pour surmonter leurs contentieux et de nommer des négociateurs pour l'Ukraine. «Nous nous sommes mis d'accord pour reprendre un travail diplomatique normal», a souligné hier V. Poutine. «Nous avons fait le premier pas pour reprendre le travail dans des domaines très différents», a-t-il ajouté. Il a aussi assuré que la rencontre avec les Américains a été «très amicale, très accueillante», jugeant l'équipe envoyée par Donald Trump «ouverte au processus de négociation». «L'objectif et le sujet de nos négociations étaient de restaurer les relations russo-américaines (...) et d'accroître la confiance entre la Russie et les Etats-Unis», a-t-il répété.
Il a aussi affirmé une nouvelle fois que la Russie «n'a jamais refusé de négocier avec l'Ukraine». «Ce sont nos partenaires dans ces négociations qui ont refusé. Les Européens ont cessé tout contact avec la Russie. La partie ukrainienne s'est interdite de négocier», a-t-il affirmé. Et de soutenir : «Personne n'exclut l'Ukraine de ce processus.»
Plus tôt, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a estimé hier que le président américain, Donald Trump, a reconnu «haut et fort» qu'une cause du conflit ukrainien était le soutien affiché précédemment par Washington aux ambitions de l'Ukraine de rejoindre l'Otan.
«Il est le premier et jusqu'à présent le seul dirigeant occidental à dire haut et fort qu'une cause profonde de la situation ukrainienne était (...) la position de l'administration (américaine) précédente qui voulait entraîner l'Ukraine dans l'Otan», a-t-il affirmé devant les députés russes, estimant que D. Trump comprend la position du Kremlin, qui justifie notamment son assaut par son opposition à l'ambition de Kiev de rejoindre l'Alliance atlantique.
Lors des pourparlers mardi à Riyad, en Arabie Saoudite, Russes et Américains ont posé les jalons du rétablissement de leurs relations, convenant d'établir un «mécanisme de consultation» destiné à régler leurs contentieux et de nommer des négociateurs pour l'Ukraine, un processus dont sont exclus à ce stade Kiev et les Européens.
Au-delà de l'Ukraine, la Russie veut discuter avec les Etats-Unis de l'architecture de la sécurité en Europe dans son ensemble. Moscou réclame un recul en Europe orientale de l'Otan, qu'elle considère comme une menace existentielle.
Le Kremlin a jugé hier que ces discussions représentaient un «pas très, très important» en vue d'un «règlement pacifique» du conflit en Ukraine. «Les deux parties ont fait preuve de la volonté politique nécessaire», a affirmé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Tenus à l'écart, les Européens et le Canada, ont prévu une réunion hier à Paris à l'invitation du président Emmanuel Macron, après une première rencontre lundi avec les principaux soutiens européens de l'Ukraine.