Le ministre allemand de la Défense s’est dit hier ouvert à l’envoi de soldats allemands en Ukraine, si une zone démilitarisée y était instaurée pour garantir le respect d’un hypothétique cessez-le-feu avec la Russie.
Dans un entretien au journal Süddeutsche Zeitung, relayé par l’AFP, Boris Pistorius s’est aussi positionné pour un budget de défense «plutôt» à hauteur de 3% du PIB, alors que Donald Trump a exigé 5% pour les membres de l’Otan.
«Nous sommes le plus grand partenaire de l’OTAN en Europe. Il est évident que nous jouerons un rôle et que nous devrons en assumer la responsabilité», a déclaré Boris Pistorius, interrogé sur l’éventuel envoi de troupes allemandes pour participer à la sécurisation d’une zone tampon entre les deux belligérants. Mais «la question sera discutée le moment venu», a aussi dit le ministre social-démocrate, qui espère conserver ses fonctions à l’issue des élections législatives anticipées du 23 février. L’Ukraine n’est pas aujourd’hui dans la position de force nécessaire avant l’ouverture d’éventuelles négociations de paix avec la Russie, a averti lundi le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte.
Si «la Russie occupe environ 18 ou 19% du territoire» ukrainien, a observé Boris Pistorius, elle n’a «pas obtenu davantage» en presque trois ans de guerre, et ce, malgré «des pertes élevées dans sa propre armée», a-t-il constaté. Interrogé sur l’effort demandé à Berlin dans le cadre de l’Otan, Boris Pistorius a estimé qu’il «faudra, dans le doute, plutôt parler de 3% plutôt que de 2%», l’actuelle part du budget de la défense dans le PIB. Le chancelier Olaf Scholz, social-démocrate comme Boris Pistorius, a déjà rejeté la proposition du nouveau président américain, qui impliquerait, selon lui, de consacrer annuellement 200 milliards d’euros aux dépenses de défense, à comparer au budget fédéral d’environ 490 milliards prévu pour 2025.
Jeudi, le président Volodymyr Zelensky et le Premier ministre britannique, Keir Starmer, ont signé un accord «historique» sur un partenariat «sur 100 ans» entre Kiev et Londres, peu avant le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Le document prévoit un renforcement de la coopération en matière de défense et de sécurité maritime, mais aussi «des partenariats scientifiques et technologiques» dans la santé, l’agrotechnologie, l’espace et les drones, selon le texte publié par Kiev. L’Ukraine, dont l’armée est épuisée et recule sur le front, après près de trois ans de l’intervention russe, et ses alliés européens craignent un éventuel désengagement américain, Donald Trump ayant déclaré à plusieurs reprises qu’il voulait mettre un terme à cette guerre rapidement.
Pacte avec Londres
L’objectif «principal» est «de s’assurer que l’Ukraine est dans la position la plus forte possible au cours de l’année 2025», a souligné K. Starmer devant les médias britanniques, en rendant visite à des soldats ukrainiens blessés dans un hôpital. Les deux responsables ont discuté de la possibilité de stationner des troupes occidentales en Ukraine pour superviser un éventuel accord de cessez-le-feu, une proposition initialement avancée par le président français, Emmanuel Macron. Keir Starmer ne s’est pas engagé à envoyer des troupes, mais il a, jeudi soir, déclaré à Sky News qu’il discuterait de la possibilité d’un tel déploiement avec d’autres pays. «Nous en discuterons avec un certain nombre d’alliés, dont bien sûr le président Macron et le président Zelensky ici présent, et nous jouerons pleinement notre rôle.» «Il est trop tôt pour discuter des détails», a dit V. Zelensky, selon lequel, un tel contingent ne pourrait constituer qu’«un segment des garanties de sécurité» pour son pays, dont la configuration globale pourrait être déterminée après des pourparlers avec l’administration de Donald Trump. «Nous n’envisageons pas de garanties de sécurité pour l’Ukraine sans les Etats-Unis», a souligné le président ukrainien. «Nous n’avons pas encore eu de conversation de fond sur les garanties de sécurité avec la nouvelle administration.»
Keir Starmer a, de son côté, promis de travailler avec Kiev et les alliés pour mettre fin à la guerre et «garantir la sécurité de l’Ukraine, garantir toute paix possible et dissuader toute agression future». Donald Trump, qui doit être investi demain, a affirmé qu’il est en train de préparer une rencontre avec Vladimir Poutine pour «en finir» avec le conflit en Ukraine.
Le républicain a clairement affiché son scepticisme sur les milliards d’aide dépensés par Washington pour soutenir Kiev face à la Russie. Lors de son audition mercredi, Marco Rubio, le secrétaire d’Etat désigné par Donald Trump, a appelé à une «diplomatie audacieuse» des Etats-Unis pour mettre un terme à la guerre. Le principal problème de l’Ukraine, a-t-il affirmé, n’est pas qu’elle se trouve «à court d’argent, mais plutôt qu’elle soit à court d’Ukrainiens».
Le Royaume-Uni est l’un des principaux soutiens militaires de Kiev depuis le début de la guerre. Il fournit notamment à l’armée ukrainienne des missiles Storm Shadow, utilisés par Kiev pour frapper des cibles militaires et énergétiques en sol russe, une ligne rouge pour Moscou. Londres a promis 12,8 milliards de livres (15,2 milliards d’euros) d’aide militaire et civile à l’Ukraine depuis le début de l’offensive russe, et a formé plus de 50 000 soldats ukrainiens sur le sol britannique, d’après des chiffres officiels.
Par ailleurs, trois personnes ont été tuées dans une attaque russe à Kiev, a annoncé hier le président ukrainien, une frappe avec des missiles balistiques qualifiée d’«odieuse» par Kiev et de représailles par Moscou.
Un précédent bilan donné un peu plus tôt par l’administration militaire de la capitale ukrainienne faisait état de quatre morts. Au moins trois autres personnes ont été blessées durant cette attaque, tandis qu’une autre frappe nocturne sur la ville méridionale de Zaporijjia a fait dix blessés. Kiev est fréquemment ciblée par des drones et des missiles russes, mais les victimes sont rares dans la capitale, fortement protégée par des systèmes de défense aérienne et mieux à même de repousser les attaques que partout ailleurs dans le pays. L’armée russe a, de son côté, déclaré avoir frappé un site militaire à Kiev en représailles à l’utilisation par l’Ukraine de missiles américains ATACMS. «Les forces armées russes ont mené une frappe groupée avec des armes à guidage de précision contre des installions militaro-industrielles ukrainiennes, notamment un site qui fabrique des missiles à longue portée», selon le ministre russe de la Défense.
«Encore une preuve que Poutine veut la guerre, pas la paix», a déclaré le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Sybiga, dans un message posté sur les réseaux sociaux.
Le président russe «doit être contraint d’accepter une paix juste par la force et par une pression économique et militaire maximale», a-t-il ajouté. «Tous ceux qui aident l’Etat russe dans cette guerre doivent être soumis à une pression telle qu’ils ne la ressentent pas moins que ces frappes. Nous ne pouvons le faire qu’en unité avec le monde entier», a, pour sa part, déclaré le président Zelensky sur les réseaux sociaux. Les missiles abattus sont «tombés» sur le quartier central de Shevchenkivsky, à Kiev, endommageant un bâtiment industriel, un passage menant au métro ainsi que des immeubles résidentiels, selon la même source, ajoutant que l’approvisionnement en eau local a été temporairement impacté.