Conflit russo-occidental sur l’Ukraine : Moscou élargit le recours possible à l’arme nucléaire

20/11/2024 mis à jour: 07:16
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Moscou menace d’utiliser l’arme nucléaire en Ukraine

Le président russe, Vladimir Poutine, a signé hier, au millième jour de son offensive contre l’Ukraine, le décret élargissant les possibilités de recours à l’arme nucléaire, juste après que les Etats-Unis ont autorisé Kiev à frapper le sol russe avec leurs missiles à longue portée, rapporte l’AFP. 

«Parmi les conditions justifiant l’utilisation des armes nucléaires figure le lancement de missiles balistiques contre la Russie», selon ce décret. «Il était nécessaire d’adapter nos fondements à la situation actuelle», a expliqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, face à ce que Vladimir Poutine considère comme étant des «menaces» émanant de l’Occident contre la sécurité de la Russie. Le président russe a prévenu dès fin septembre que son pays pourrait désormais utiliser l’arme nucléaire en cas de «lancement massif» d’attaques aériennes contre la Russie et que tout assaut mené par un pays non nucléaire, comme l’Ukraine, mais soutenu par une puissance disposant de l’arme atomique, comme les Etats-Unis, pourrait être considéré comme une agression «conjointe», nécessitant potentiellement un recours à l’arme nucléaire. 

Autre cas qui ouvre la voie à un tel recours, «la mise à disposition de territoires et de ressources pour une agression contre la Russie», poursuit le texte signé par Vladimir Poutine. Un peu plus tard, Moscou a accusé l’Ukraine d’avoir tiré dans la nuit de lundi à hier six missiles américains ATACMS de longue portée contre un site militaire de la région frontalière russe de Briansk. «A 3h25, l’ennemi a frappé un site de la région de Briansk» avec des «missiles tactiques ATACMS», selon un communiqué du ministère de la Défense, qui assure que cinq missiles ont été détruits et un autre a été endommagé par la défense antiaérienne russe. «Ses fragments sont tombés sur la zone technique d’un site militaire dans la région de Briansk, provoquant un incendie qui a été rapidement maîtrisé», selon le ministère. Ces frappes n’ont pas fait de victimes. 

Un haut responsable ukrainien a confirmé ces frappes. «L’attaque contre la région de Briansk a été menée avec des missiles ATACMS», a-t-il déclaré sous le couvert de l’anonymat. Le président américain, Joe Biden, a donné, il y a quelques jours, son feu vert à Kiev pour utiliser les missiles us sur le territoire russe, a confirmé un responsable américain. Les modalités exactes de cette autorisation, qui n’a pas été officiellement annoncée par Washington, restent toutefois inconnues. Selon des médias, le feu vert américain pourrait se limiter à des frappes contre la région russe de Koursk, partiellement contrôlée par l’armée ukrainienne et où les troupes nord-coréennes seraient déployées. 

Kiev cherche depuis de longs mois à obtenir leur autorisation d’utiliser des missiles de longue portée contre la Russie. Vladimir Poutine a prévenu explicitement mi-septembre qu’une telle décision signifierait que «les pays de l’Otan sont en guerre contre la Russie». Il a alors dit que son pays pourrait avoir recours à l’arme nucléaire en cas de «lancement massif» d’avions, missiles ou drones contre son territoire. La Russie a déployé pendant l’été 2023 des armes nucléaires tactiques au Bélarus, son plus proche allié, qui a également annoncé en mai un exercice synchronisé avec Moscou pour vérifier ses lanceurs d’armes nucléaires tactiques.


Les promesses de l’Europe

De leur côté, des pays européens sont prêts à assumer l’aide financière et militaire à Kiev si Washington réduit la sienne, a déclaré hier le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, à l’issue d’une réunion diplomatique à Varsovie. L’Ukraine, l’avenir des relations transatlantiques après l’élection américaine et la défense européenne étaient au menu d’une rencontre à Varsovie des chefs de la diplomatie française, allemande, italienne, espagnole et britannique, au millième jour de l’agression russe contre l’Ukraine. «Je note avec satisfaction que les principaux pays de l’Union européenne sont prêts à assumer la charge du soutien militaire et financier à l’Ukraine dans le contexte d’une éventuelle réduction de l’engagement des Etats-Unis», a déclaré R. Sikorski, qui a également souligné la nécessité de renforcer l’UE en matière de défense. Selon lui, c’est la première fois que les cinq plus grands pays de l’Union européenne (UE) se sont prononcés à Varsovie «en faveur d’euro-obligations de défense. C’est quelque chose de sérieux», s’est félicité R. Sikorski lors d’une conférence de presse commune. Son homologue italien, Antonio Tajani, s’est également réjoui de l’annonce. «Aujourd’hui, on a élaboré une stratégie. 

C’est la stratégie de soutenir la défense européenne, d’avoir des euro-bonds (...). Il faut aller de l’avant», a-t-il dit. Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a évoqué dans ce contexte la mobilisation de «tous les leviers à notre disposition, y compris la capacité financière et économique de l’Union européenne, pour notre sécurité, pour le développement de la base industrielle et technologique de défense européenne». En juin, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a chiffré à 500 milliards d’euros les besoins de l’industrie de défense pour les dix prochaines années face à la menace russe. hier, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a souligné que l’Europe devra continuer à s’armer «tant que la Russie (...) poursuivra ses objectifs impériaux».

 «C’est maintenant qu’il faut sauver l’Europe», a-t-elle indiqué, sans se rapporter directement à la question des obligations paneuropéennes. Mme Baerbock a également souligné le rôle de l’Otan qui est, selon elle, «la colonne vertébrale» de la défense commune, de la liberté, voire même de la Charte des Nations unies qui parle de l’interdiction du recours à la force. Tant la ministre allemande que son homologue italien, Antonio Tajani, ont d’un côté évoqué la nécessité de «travailler ensemble» avec les Etats-Unis, mais, de l’autre côté sur celle de «renforcer le pilier européen de l’Otan». Selon A. Tajani, cela va «renforcer aussi l’amitié et les relations transatlantiques». Dans une déclaration commune signée lors de la réunion, les participants ont dénoncé «le révisionnisme» russe et ses violations du droit international.

 Ils se sont engagés à investir dans leurs «capacités militaires essentielles», notamment la défense aérienne, les frappes de précision en profondeur, les drones et la logistique intégrée, ainsi que dans les infrastructures essentielles et la cyberdéfense. La rencontre, à laquelle a participé aussi la future cheffe de la diplomatie européenne, l’Estonienne Kaja Kallas, et, via une visioconférence, les chefs de la diplomatie espagnole, José Manuel Albares, et britannique, David Lammy, s’est tenue au lendemain d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles.

 Par ailleurs, des milliers de soldats de l’Otan participent ce mois-ci à un exercice d’artillerie à grande échelle, organisé pour la première fois dans l’Arctique finlandais, une opération perçue comme une démonstration de force face à la Russie voisine. Jusqu’à 3600 soldats venus des Etats-Unis, de Suède, du Royaume-Uni, de France et d’autres pays de l’Otan prennent part à des exercices de tirs réels tout au long du mois. Ces manœuvres s’inscrivent dans le cadre de «Dynamic Front 25», le plus grand exercice d’artillerie de l’Alliance jamais organisé en Europe, avec des exercices de tir en Finlande ainsi qu’en Estonie, en Allemagne et en Pologne.
 

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