Le chef de l’armée a appelé, avant-hier, à Port-Soudan, à «en finir avec la rébellion» des paramilitaires, refusant «les discussions», après plus de quatre mois de guerre.
Le chef de l’armée soudanaise, le général Abdel Fattah Al Burhane, est arrivé, hier, en Egypte, son allié, pour son premier voyage à l’étranger, en quatre mois d’une guerre contre les paramilitaires qui a de nouveau tué des dizaines de civils, rapporte l’AFP citant des médias. Le président Abdel Fattah Al Sissi a accueilli le général Al Burhane, à sa descente d’avion à El Alamein, dans le nord de l’Egypte, selon des médias de l’Etat égyptien.
Al Burhane entend se présenter à l’étranger comme le chef du Conseil de souveraineté, la plus haute autorité du pays depuis le putsch en 2021 qu’il avait alors mené avec le général Mohamed Hamdane Daglo, désormais son grand ennemi. Depuis le 15 avril, la guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo a fait au moins 5000 morts, un bilan très sous-estimé, en raison du chaos général.
Hier, de nouveau, au moins 39 personnes, en majorité des femmes et des enfants, ont péri à Nyala, chef-lieu du Darfour-Sud (ouest), tués par des roquettes tombées sur leurs maisons lors de combats entre armée et paramilitaires, selon un médecin et des témoins. «Cinq familles entières ont été tuées en une journée et d’autres ont perdu trois ou quatre de leurs membres», rapporte de son côté le militant des droits humains Gouja Ahmed, originaire de Nyala.
Selon l’ONU, depuis le 11 août, plus de 50 000 personnes ont été forcées à fuir Nyala, deuxième ville la plus peuplée du Soudan, en raison de l’intensité des combats. Fief des FSR dont le gros des troupes a été formé dans les rangs des Janjawids, accusés d’atrocités durant la sanglante guerre du Darfour des années 2000. Le Darfour est probablement la région du Soudan où les combats sont les plus meurtriers.
Dans certaines villes, assure l’ONU, des civils armés et des combattants tribaux se sont jetés dans la bataille désormais menée sur des bases ethniques. Des centaines de milliers de Darfouris ont fui au Tchad voisin et l’ONU a recensé, à travers tout le Soudan, plus de 4,6 millions de déplacés et réfugiés. Le chef de l’armée a appelé, avant-hier, à Port-Soudan, à «en finir avec la rébellion» des paramilitaires, refusant «les discussions», après plus de quatre mois de guerre.
Langage belliqueux
Depuis que le chef de facto de l’Etat est sorti, il y a quelques jours, du QG de l’armée où il était assiégé depuis le 15 avril par les FSR, les rumeurs de négociations entre généraux à l’étranger se multiplient. «Personne ne m’a aidé à sortir du QG de l’armée, je ne suis pas sorti au prix d’un accord», a ajouté le général Al Burhane, alors que des commentateurs spéculent sur un accord entre les deux camps lui ayant permis de passer. «Nous nous mobilisons partout pour en finir avec la rébellion des mercenaires venus du monde entier», a-t-il déclaré devant les soldats et la presse sur une base navale.
Et de poursuivre : «Le moment n’est pas aux discussions, nous nous concentrons sur la guerre», alors que le général Daglo a proposé, dimanche dernier, sur X (ex-Twitter) un plan intitulé «Renaissance du Soudan - Vision pour un nouvel Etat». Cette feuille de route prévoit, notamment, «une armée unique, professionnelle, nationale et apolitique», la pomme de discorde qui a précisément mené à la guerre en avril. Lorsqu’il a quitté Khartoum, jeudi dernier, les observateurs ont noté une inflexion dans le discours du général Al Burhane.
Il ne menaçait plus la «rébellion». Lundi dernier, son discours a changé. Les FSR «ont envahi Khartoum (...) et des villes du Darfour, ils n’ont rien à voir avec les Soudanais», a-t-il encore dit au lendemain de son arrivée à Port-Soudan, unique ville à disposer d’un port et d’un aéroport en activité.
Les FSR «ont commencé cette guerre en disant que c’est l’armée de l’ancien régime et des islamistes, c’est un mensonge», a-t-il observé alors que paramilitaires et civils l’accusent de chercher à restaurer la dictature militaro-islamiste d’Omar Al Béchir, déchu en 2019.
Au début de la guerre en avril, l’Arabie saoudite et les Etats-Unis ont invité des négociateurs des deux camps à tenter de parvenir à un cessez-le-feu. Les nombreuses trêves annoncées n’ont que très peu duré. L’Egypte a réuni, le mois dernier, les six autres pays voisins du Soudan pour plaider ensemble pour un soutien des bailleurs internationaux face à l’arrivée des réfugiés de guerre.