Conflit du Sahara Occidental : Dans le désarroi et lâché par l’UE, le Maroc s’attaque à la Tunisie

28/08/2022 mis à jour: 20:01
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Le président de la RASD, Brahim Ghali, a eu droit en Tunisie à un accueil de chef d’Etat, comme l’exige l’Union africaine

L’ouverture, hier, du Ticad 8 (Tokyo International Conference on African Development - Conférence Afrique-Japon) à Tunis a été marquée par le retrait du Maroc en raison, semble-t-il, de la participation de la République arabe sahraouie démocratique. La RASD est pourtant membre fondateur de l’Union africaine et a donc le droit de participer à toutes les rencontres de l’organisation panafricaine. 

Le Maroc a pris notamment prétexte de l’accueil réservé par le président Kaïs Saïed à son homologue sahraoui Brahim Ghali pour s’attaquer à la Tunisie et rappeler son ambassadeur pour consultation. Une décision des plus étonnantes surtout que Marocains et Sahraouis ont l’habitude de se croiser lors de rendez-vous de l’Union africaine. 

L’attaque du Maroc contre la Tunisie est donc gratuite et ne peut obéir qu’à des objectifs malsains. En tout cas, elle renseigne sur le niveau de déchéance des autorités marocaines qui ont perdu de nombreuses batailles diplomatiques en rapport avec le dossier du Sahara occidental. La dernière sortie du chef de la diplomatie européenne sur le conflit du Sahara occidental a, par exemple, traumatisé le makhzen. D’où l’hystérie et l’agressivité actuelles du Maroc. Quoi qu’il en soit, le gouvernement tunisien ne s’est pas laissé faire et a répondu du tac au tac au makhzen. 

Le ministère tunisien des Affaires étrangères a ainsi exprimé hier, dans un communiqué rendu public, son «étonnement» concernant cette réaction, en assurant s’en tenir aux règles protocolaires d’usage lors de pareilles manifestations. En réaction, la Tunisie a également rappelé son ambassadeur à Rabat pour consultation. Tout a commencé par l’accueil réservé par le président tunisien, Kaïs Saïed, au président de la RASD, Brahim Ghali, qualifié par toutes les sources marocaines «d’élogieux et digne des chefs d’Etat». 

Le communiqué marocain reproche à la Tunisie «des positions et actes négatifs à l’égard du royaume du Maroc et de ses intérêts». Le Maroc a ainsi décidé de ne pas participer au Ticad 8 et de rappeler son ambassadeur à Tunis pour consultation. En réponse, le ministère tunisien des Affaires étrangères a exprimé «le profond étonnement de la Tunisie contre la désinformation pratiquée par le Maroc, en rapport avec la participation de la délégation de la RASD au Ticad 8». La Tunisie a rappelé «avoir gardé la neutralité sur la question du Sahara occidental, dans le respect de la légalité internationale, jusqu’à l’obtention d’une solution pacifique acceptée par tous». 
 

Le Makhzen panique
 

Le MAE tunisien a mis l’accent dans son communiqué sur le respect par la Tunisie des décisions de l’Union africaine, en plus des décisions de l’ONU. Il a insisté en outre sur le fait que c’est l’UA qui a invité tous les pays membres à participer au Ticad 8, avant que la présidence de la commission africaine n’invite personnellement le président du RASD. Ces deux invitations viennent suite à la décision du Conseil exécutif de l’UA, prise lors de sa récente réunion à Lusaka les 14 et 15 juillet 2022, toujours selon le communiqué tunisien, qui rappelle que la délégation de la RASD avait déjà participé, en présence de la délégation du Maroc, au Ticad 6 à Nairobi en 2016 et au Ticad 7 à Yokohama en 2019, en plus du sommet euro-africain à Bruxelles en février 2022. Le communiqué tunisien conclut à «l’absence de toute justification raisonnable du communiqué marocain, surtout que la Tunisie a respecté toutes les dispositions (…) conformément aux références juridiques africaines en la matière». 
 

Le politologue tunisien Khelil Rekik a expliqué, sur la chaîne tunisienne El Ghad, les dessous de la position marocaine, officielle, et japonaise, officieuse. «Les Japonais veulent la réussite de ce sommet, tout comme le président en exercice de l’UA, le président sénégalais, Macky Sall ; ils ont donc conseillé une solution consensuelle à ce différend sur la question de représentation, parce que l’absence du Maroc nuirait à la représentativité du sommet, et pour que tous les partenaires réussissent la Conférence», a expliqué le politologue, ajoutant que «si le Maroc est mécontent, c’est parce que la Tunisie n’a pas cherché à trouver des formules protocolaires adaptables à pareilles situations. Il arrive que ce ne soit pas le Président du pays hôte qui accueille tous les visiteurs». 

Par ailleurs, toujours selon le politologue, «la Tunisie a certes respecté les règles protocolaires en exercice en la matière, mais, il y a également un désir clair du président Saïed de renvoyer l’ascenseur à l’Algérie, qui a prêté main-forte à la Tunisie sur la question de l’énergie, alors que le Maroc n’a cessé de détourner des investissements devant atterrir en Tunisie». 

Le politologue a souligné en outre que «le Maroc n’a jamais pardonné à la Tunisie le fait qu’elle soit parvenue à accueillir et le Ticad 8 et le sommet de la francophonie, prévu en novembre, auxquels les Marocains aspiraient». Le retrait du Maroc du Ticad 8 en terre tunisienne est loin d’être un acte anodin.
 

Tunis
De notre correspondant. Mourad Sellami
 

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