Des dirigeants du football africain ne veulent pas s’émanciper de la domination quasi-absolue des clubs, ligues et fédérations européennes qui, dès qu’arrive la Coupe d’Afrique des nations (CAN), compétition reine de la Confédération africaine de football (CAF), mettent la pression sur des joueurs et fédérations africaines pour qu’ils gardent leurs joueurs-employés africains lorsque la CAN arrive.
Le gardien camerounais André Onana, qui joue à Manchester United (Angleterre) est le dernier (mauvais) exemple. Alors que sa sélection était sur le point de boucler sa préparation à la CAN 2024 et poser les pieds en Côte d’Ivoire, le joueur camerounais a surpris les supporters de son pays en annonçant qu’il allait retarder son arrivée au pays des Éléphants parce que Manchester United, son club, avait encore besoin de lui la veille du début de la 34e édition de la CAN.
Sa décision a fait grand bruit sur le continent. C’est loin d’être un cas isolé. Les clubs européens ont gardé leur mauvais réflexe vis-à-vis du football africain. Ils ne se privent jamais de mettre toute la pression sur les joueurs africains pour faire l’impasse sur la CAN.
De toute façon, ce n’est pas nouveau. Cela a toujours existé même s’il faut juste reconnaître une légère évolution sur ce chapitre. Depuis les années 1980 et la multiplication du nombre de joueurs africains évoluant au sein de clubs européens, ces derniers ont toujours employé diverses méthodes pour dissuader le plus grand nombre d’entre eux de rejoindre leurs sélections respectives durant la CAN. Souvent, des joueurs se sont inclinés devant le dictat de leurs employeurs pour «sauver» leur carrière, comme ils le disent.
C’est là que devraient intervenir les fédérations et surtout la Confédération africaine de football (CAF) pour faire cesser définitivement le chantage éhonté des clubs européens.
Durant ses mandats à la tête de l’instance faitière du football africain, le Camerounais Issa Hayatou, en tant que vice-président de la FIFA et membre du COMEX de celle-ci, a obtenu quelques substantielles avancées dans ce domaine en faisant fléchir sur le sujet l’UEFA et les clubs européens. Ces derniers n’ont jamais caché leur volonté de garder les joueurs africains pendant la CAN au motif que c’est eux qui doivent les payer.
Souveraine dans ses décisions, la CAF a maintenu le cap, a fermé les yeux parfois (des cas isolés disait-elle). Elle a toujours évité un choc frontal avec les clubs européens. En chemin, elle a oublié une chose essentielle : la sensibilisation des joueurs africains sur ce sujet et surtout les initier à la défense de leurs droits de rejoindre leur sélection.
Peut-on oublier les assauts répétés du président de la FIFA, Gianni Infantino, qui sur la poussée des clubs et Ligues européennes a fait le forcing sur la CAF pour qu’elle modifie la périodicité du déroulement de la CAN ? Il a proposé qu’elle se déroule une fois tous les 4 ans et non plus tous les 2 ans, et que le tournoi final soit programmé en été (comme la Coupe du monde). Il a oublié deux choses essentielles. La CAN constitue les bijoux de famille de la CAF. C’est elle qui renfloue ses caisses et comptes bancaires. C’est sa meilleure ressource. Elle ne pourra jamais changer de périodicité au risque, si elle le fait, d’être asphyxiée financièrement.
Le second motif du refus de programmer la CAN en été est lié aux conditions climatiques du continent qui ne sont pas les mêmes que celles en Europe à la même période. En Afrique, mis à part la zone nord, en été c’est la saison des pluies et de l’harmattan. André Onana, comme beaucoup de ses prédécesseurs, a pris une décision, rejoindre les Lions Indomptables à la dernière minute, qui allonge la liste des joueurs, avant lui, qui n’ont pas privilégié les intérêts de sa sélection. L’équipe d’Algérie elle aussi a vécu pareille situation dans les années 1980, 1990. Des joueurs avaient hésité à rejoindre les Verts sous la pression de leurs clubs.
Ce mauvais feuilleton doit définitivement cesser. Les fédérations, la confédération et les joueurs professionnels ont un grand rôle à jouer dans ce chapitre. Les premiers concernés (les footballeurs) ne pourront refuser le chantage de leurs clubs européens que s’ils sentent soutenus et défendus par leur fédération et confédération. Alors là il n’y aura plus de cas André Onana.