Trois soldats sud-africains ont été tués et 18 autres blessés lors d’affrontements avec le groupe armé antigouvernemental M23 dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ont indiqué hier des sources concordantes, citées par l’AFP.
D’intenses combats font rage entre le M23, soutenu par le Rwanda, et l’armée congolaise, près de la capitale provinciale du Nord-Kivu Goma.
En soutien à Kinshasa, l’Afrique du Sud a déployé 2900 soldats fin 2023 dans le cadre d’une force régionale (SAMIDRC). Ces troupes de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) comprennent également des militaires du Malawi et de la Tanzanie.
Plus tôt, l’UE a exhorté le groupe armé antigouvernemental M23 à cesser son avancée dans l’est de la RDC et demandé au Rwanda d’arrêter de le soutenir, se disant «profondément préoccupée par l’escalade du conflit». «L’UE demande instamment au M23 d’arrêter son avancée et de se retirer immédiatement. L’UE réaffirme que le Rwanda doit cesser de soutenir le M23 et se retirer», a indiqué la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas, dans un communiqué signé au nom des 27 pays membres.
L’UE «condamne fermement la présence militaire du Rwanda en RDC, qui constitue une violation manifeste du droit international». «L’avancée continue du M23 aggrave encore la crise humanitaire désastreuse qui sévit dans l’est de la RDC», a ajouté la cheffe de la diplomatie européenne.
La ville de Goma est soumise à une pression immense. «La menace du M23 de conquérir Goma est inacceptable et a en soi de graves conséquences humanitaires et sécuritaires sur le terrain», dénonce l’UE. Dans le même temps, l’UE continue d’exhorter la RDC à cesser de coopérer avec les FDLR et d’autres groupes armés.
Les FDLR, groupe armé formé par d’anciens hauts responsables hutus du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 et depuis réfugiés en RDC, combattent le M23, tout comme une nébuleuse de milices pro-Kinshasa dans l’est. «L’UE examinera tous les outils à sa disposition afin de demander des comptes aux responsables du maintien du conflit armé, de l’instabilité et de l’insécurité en RDC», selon le communiqué. De son côté, l’organisation Human Rights Watch (HRW) a déclaré hier que les populations civiles dans l’est de la RDC font face à des risques grandissants à l’approche du groupe armé antigouvernemental du M23, soutenu par le Rwanda, de la ville de Goma. «Les civils dans l’est de la RD Congo font face à des risques grandissants alors que le violent groupe armé M23 s’approche de Goma», écrit l’organisation HRW dans un rapport qui décrit les conséquences catastrophiques des combats sur la situation humanitaire.
«La situation à laquelle font face les civils de Goma devient de plus en plus dangereuse et les besoins humanitaires sont énormes», a ajouté Clémentine de Montjoye, chercheuse au sein de HRW, évoquant de «terribles exactions commises par le M23, les Wazalendo (miliciens pro-Kinshasa) et les forces rwandaises et congolaises». Selon une source humanitaire interrogée par l’ONG, «environ 30 à 40% des blessés cherchant actuellement à être soignés à Goma sont des civils».
Des sources à Goma s’inquiètent également que les Wazalendo, en se retirant vers Goma, puissent attaquer des civils et s’y livrer à des pillages, a souligné le rapport. «Les forces rwandaises, le M23 et l’armée congolaise et ses alliés ont un lourd passé d’atrocités, notamment de meurtres, de viols et de pillages», a précisé Mme de Montjoye.
L’ONG affirme mener une enquête concernant des informations selon lesquelles «le M23, avec le soutien de l’armée rwandaise, est responsable de travail forcé, de recrutement forcé et d’autres pratiques abusives».
Par ailleurs, le président angolais Joao Lourenço a exhorté les parties au conflit dans l’est de la RDC à reprendre leurs pourparlers de paix, qui avaient échoué l’an dernier, a indiqué le ministère des Affaires étrangères. «Les défis sécuritaires et le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo n’ont pas de solution militaire», a dit le ministère dans un communiqué tard vendredi, relayé hier par l’AFP, ajoutant que le président «a exhorté les parties à retourner immédiatement à la table des négociations».
«Dangereuse escalade»
D’intenses affrontements ont opposé vendredi dans l’est de la RDC le groupe armé antigouvernemental M23, soutenu par le Rwanda, et l’armée congolaise, appuyée par des unités d’élite de Casques bleus des Nations unies.
Une rencontre entre les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame, dans le cadre d’un processus de paix chapeauté par l’Angola, désigné médiateur par l’Union africaine, a été annulée en décembre faute d’entente sur les conditions d’un accord. Depuis cet échec, le M23 a repris du terrain ces dernières semaines et les combats se sont intensifiés autour de la capitale provinciale du Nord-Kivu, Goma, qui compte un million d’habitants et au moins autant de déplacés.
Les attaques «reflètent une dangereuse escalade dans le conflit, avec d’énormes implications pour la fragile situation humanitaire, en particulier autour de la ville de Goma, aujourd’hui assiégée», a poursuivi la diplomatie angolaise.
Le président Lourenço «condamne fermement ces actes irresponsables du M23 et de ses partisans, qui compromettent tous les efforts et progrès réalisés dans le cadre du processus de Luanda en vue d’une résolution pacifique de ce conflit, et déplore les conséquences dangereuses pour la sécurité régionale», a-t-elle ajouté. Le conflit entre le M23, soutenu par 3000 à 4000 soldats rwandais selon l’ONU, et l’armée congolaise dure depuis plus de trois ans et a aggravé une crise humanitaire chronique dans la région.
De nombreux civils ont, une énième fois, dû quitter leur foyer. Selon l’ONU, 400 000 personnes ont été déplacées par les combats depuis début janvier.
L’ONU, dont le secrétaire général Antonio Guterres s’est inquiété jeudi d’un regain de violences qui pourrait aggraver «le risque d’une guerre régionale», a convoqué une réunion d’urgence du Conseil de Sécurité lundi. La RDC accuse le Rwanda de vouloir faire main basse sur les richesses de l’Est congolais, ce que Kigali conteste.
Un accord de cessez-le-feu a été signé cet été après deux ans et demi d’affrontements et d’accords rompus. Mais il a rapidement été mis à mal par les offensives du M23 et des accrochages réguliers avec les forces armées congolaises.