Colombie : Le serpent de mer du métro de Bogota

30/05/2023 mis à jour: 07:51
AFP
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Colombie Le serpent de mer du métro de Bogota l L’aire urbaine de Bogota s’est hissée à la première place du classement des villes avec le plus de temps perdu dans les transports : l’équivalent d’un mois par an pour des millions de Bogotanais se rendant quotidiennement à leur travail.

Le premier projet date de 1942. Et depuis rien de concret, ou presque... En Colombie, le métro de Bogota est un interminable serpent de mer, au grand désespoir des habitants de la capitale engluée dans des embouteillages infernaux. «Si seulement cette fois ça pouvait marcher», souffle Luis, un chauffeur de taxi coincé dans les bouchons, à l’évocation de la construction d’un métro dans la mégalopole de 8 millions d’habitants.

 La seule ville d’une telle envergure sur le continent américain à ne pas disposer de cette infrastructure. La voisine équatorienne Quito, 2 millions d’habitants, est la dernière en date à avoir inauguré le sien, en 2022. La même année, l’aire urbaine de Bogota s’est hissée à la première place du classement des villes avec le plus de temps perdu dans les transports : l’équivalent d’un mois par an pour des millions de Bogotanais se rendant quotidiennement à leur travail, selon une étude de référence.
 

«Transmilenio»  
 

Au lancement du premier projet en 1942, la ville compte alors moins d’un demi-million d’habitants. Mais éclate en 1948 un conflit interne et des millions de Colombiens s’exilent vers les centres urbains, en particulier vers la capitale. Dans les années 50, «alors que le développement de la ville s’organise autour de la voiture, Bogota croît de manière informelle et imprévisible», explique à l’AFP Valentina Montoya, professeure à l’Université des Andes. 

«A Buenos Aires, le métro a été construit au début du XXème siècle. A Bogota le retard pris a fait que le projet était de plus en plus difficile en termes d’infrastructures et de plus en plus coûteux», souligne-t-elle.  Au pied de la cordillère des Andes orientale, à près de 2.600 mètres d’altitude, Bogota a aussi la particularité d’avoir une périphérie beaucoup plus dense en population que son centre, entraînant au quotidien des migrations pendulaires majeures. Dans les années 90, le métro semble enfin sur le point de se concrétiser. 

Las! Le pays entre dans une crise économique majeure. Son PIB chute brutalement et les politiques d’ajustement forcent à l’abandon des financements des grandes infrastructures. A la place du métro, le maire libéral d’alors, Enrique Penalosa, opte pour un système de bus disposant de leurs propres voies rapides : le «Transmilenio», aujourd’hui vieillissant, saturé et critiqué. 
 

Aérien ou souterrain ?  

La répartition des pouvoirs et des financements autour du projet, entre une municipalité chargée de la conception et de la gestion tandis que les fonds proviennent de l’Etat, complique la donne. «Dès qu’il y a une avancée, les administrations changent (...) chacun vient avec ses propres idées», et au final «se perd l’opportunité de réaliser de grands projets comme le métro», constate Dario Hidalgo, professeur à l’Université Javeriana. Maire de Bogota entre 2012 et 2015, l’actuel président de gauche Gustavo Petro avait lancé les études pour un métro souterrain. 

Mais son successeur et adversaire politique Enrique Penalosa modifie les plans à son arrivée, réclamant un métro aérien. Elu à la tête du pays en 2022, M. Petro revient aujourd’hui à la charge... contre le projet de l’actuelle maire de centre-gauche, et pourtant alliée politique du chef de l’Etat, Claudia Lopez. Les complications sont multiples et vont au-delà du politique. La construction du métro en 1995 à Medellin, deuxième ville du pays, et le doublement au final du prix des estimations initiales, a donné lieu à «une loi imposant des exigences et procédures administratives» supplémentaires, fait remarquer Mme Montoya. Autre écueil répété par les Bogotanais exaspérés : la corruption et les milliards de pesos envolés dans des dizaines d’études, consultances sans lendemain et projets inaboutis.
 

Bout du tunnel  

Des travaux ont cependant commencé. Ceux de la ligne n°1 (longue de 23,9 km), chiffrés à près de 5 milliards d’euros, selon la mairie, et réalisés par un conglomérat majoritairement chinois sur la base des plans élaborés sous la mandature d’Enrique Penalosa. Au coeur de la ville, des engins de chantier creusent les premières fondations. L’objectif affiché est une inauguration en 2028, tandis qu’un appel d’offres a été lancé pour une seconde ligne.  Mais la querelle entre le président Petro et la maire Lopez sur un métro aérien ou souterrain pourrait cependant venir retarder ce beau programme. Encore vendredi, M. Petro se demandait sur Twitter «qui sont les responsables du naufrage de ce projet?», estimant que le métro souterrain de Bogota serait déjà terminé si les plans établis sous son mandat de maire avaient été respectés. 

Le bout du tunnel est encore loin pour les Bogotanais. «La croyance populaire c’est que le métro va être une solution à tout», prévient Mme Montoya, or tous les experts interrogés sont unanimes : le métro ne suffira pas à résoudre les gigantesques problèmes de mobilité à Bogota.

 

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