Dans certains pays, le football, sport spectacle, est devenu un business comme un autre, et pour les acteurs économiques, c’est un investissement qui peut créer de la valeur financière. L’économie du football tourne autour de la valorisation de trois actifs immatériels ; le capital humain (joueurs), le capital «marque» notoriété et image du club et le capital «clients» des spectateurs, valeur à venir provenant des supporters, des abonnés et des sponsors.
Chez nous, les clubs des Ligues 1 et 2 ont le statut de sociétés commerciales avec un cadre juridique tout à fait comparable à celui des entreprises et sociétés des autres secteurs économiques, même si la réalité économique actuelle des clubs est assez différente.
Ce sont des sociétés qui ne génèrent pas de chiffres d’affaires même en considérant les droits audiovisuels et produits liés aux sponsors et même les recettes de matchs. En témoignent les dettes et déficits financiers qui caractérisent la gestion des clubs, principalement dus à la rémunération globale du personnel composé essentiellement des joueurs et des entraineurs qui représentent environ 80 à 85% des charges d’exploitation des clubs, ce qui induit théoriquement un déficit d’exploitation cumulé de l’ensemble des clubs, dans cette situation, de plusieurs centaines de millions de DA.
Les clubs ne réalisent pas de gain de productivité et déjà fortement endettés, continuent à gonfler leur masse salariale dans des conditions totalement incompatibles avec leur situation financière rendant difficile la maîtrise de leur équilibre d’exploitation. Par conséquent, les clubs sont structurellement déficitaires et lorsqu’un bénéfice apparaît, il sert juste à combler les déficits antérieurs. Ainsi, les défaillances d’un certain nombre de clubs montrent à quel point les systèmes de contrôle interne et externe peuvent avoir de sérieuses conséquences.
De là, elle ne font que souligner l’impérieuse nécessité d’une régulation à mettre en place à travers une commission de contrôle de gestion d’inspiration DNCG qui aura pour objectif de suivre l’évolution financière des clubs qui participent aux championnats professionnels, afin de cerner leurs problèmes et d’envisager des solutions, avec la nécessité d’une surveillance toujours plus attentive, afin d’assurer l’équilibre financier et d’ imposer aux clubs un minimum de règles de gestion, dès lors que l’objectif des clubs en général est d’optimiser le résultat sportif sous la contrainte d’équilibre des comptes.
La création de ce dispositif de contrôle assorti de pouvoirs et de sanctions réels ; (interdictions ou encadrement des recrutement, rétrogradation, contrôle des politiques salariales), contribuera, d’une part, à l’assainissement de la gestion des clubs professionnels et, d’autre part, permettra de voir comment se fait le pilotage du résultat sportif au niveau des clubs professionnels, notamment, et entre autres thèmes, au plan administratif, en considérant que les clubs sont des PME, très souvent sous administrés, au plan de la perception et la gestion du risque par rapport à l’équation recettes/dépenses et objectif sportif, pour certains clubs (participation aux compétitions africaines et ou arabe), et qui souvent achètent et rétribuent très chèrement des joueurs qui s’avèrent être au rendement insuffisant, pour d’autres clubs le maintien en Ligue 1 ou Ligue 2, au plan des prévisions budgétaires, le suivi des ressources et des dépenses, le mode de fonctionnement des clubs et leur outillage de contrôle de gestion et, enfin, l’existence, ou pas, de stratégies de création de valeur économique. Le constat qui ressort des championnats professionnels des Ligues 1 et 2 permet d’établir une typologie des clubs selon l’importance de leurs budgets, et en fonction de leurs projets stratégiques, de leur financement, de leurs résultats sportifs et de leur gouvernance.
Les grands clubs à dimension africaine avec un risque réduit par leur capacité financière des groupes économiques qui les gèrent, les clubs de dimensions nationales qui aspirent à construire une histoire cohérente et affirmer une marque au niveau national sur la durée et les autres clubs qui doivent pérenniser par des résultats leur présence en Ligue 2, en s’appuyant notamment sur le soutien des collectivités locales.
Tout en contribuant à l’amélioration de la structure de leur bilan (ratio/dettes-fonds propres), les augmentations de capital devraient permettre aux clubs professionnels de financer l’achat de grands joueurs, dont la valeur sportive serait supérieure ou égale à leur valeur économique, ainsi que des investissements et densification de leurs activités de leurs produits dérivés.
Les dirigeants des clubs professionnels de football, par rapport à la situation qui prévaut, devrait inscrire cet objectif au cœur de leur projet d’entreprise dès lors que l’état des lieux au niveau de la majorité des clubs professionnels montre que tous les indicateurs de gestion sont au rouge, et la FAF, qui devrait impérativement imposer son exigence de rigueur financière, a dû intervenir pour débloquer la situation-contentieux relative aux dettes CNRL, liées à l’interdiction de recrutement contre des engagements signés par les clubs d’honorer leurs dettes vis-à-vis de leurs créanciers.
Partant de ce constat principal, il faudrait s’attacher, d’une part, à instaurer le fair-play financier comme cela est imposé en Europe depuis 2011 qui vise l’équilibre financier et l’absence des arriérés de paiement et qui impose aux clubs que les dépenses ne doivent pas dépasser les recettes sous peine de sanctions et, d’autre part, à identifier les principaux enjeux économiques auxquels les clubs professionnels de football sont confrontés, en particulier, la gouvernance des clubs, les niveaux de fonds propres, la nécessaire diversification de leurs recettes, la maîtrise des dépenses salariales et la recherche de nouveaux investisseurs, et ce, dans le but de les amener à viser la performance économique et l’équilibre financier au même titre que le résultat sportif.
Il faut noter, également, les disparités entre les clubs où l’on constate, depuis quelques années, une segmentation en deux sous-ensembles, les clubs ayant vocation à jouer chaque saison les premières places et disputer, notamment, les compétitions africaines et ou arabe et les clubs dont le format est plutôt conçu pour le championnat national.
Cette segmentation se ressent d’un point de vue strictement budgétaire, même si la corrélation des résultats sportifs aux moyens financiers n’est pas toujours évidente. Le statut «professionnel» des clubs exige une gestion rigoureuse et innovante afin de trouver l’équilibre nécessaire entre les recettes et les dépenses et de maximiser sans cesse leurs revenus. C’est un défi permanent afin de maintenir leur compétitivité aussi bien économique que sportive.
Par Abdelmadjid Djebbab , Ex D.G des Sports MJS