En effet, la sonnette d’alarme se fait entendre à plusieurs niveaux dans le marché immobilier. Les deux années et demi de crise sanitaire ont carrément gelé ce marché pourtant très actif par le passé. Aujourd’hui, le nombre d’agents immobiliers rétrécit dans le secteur formel et passe plutôt à l’informel. «Les chiffres officiels font état de 1300 agences immobilières agréées dans le pays. Ce chiffre ne reflète pas vraiment la réalité puisque plusieurs agences ont mis la clé sous le paillasson sans pour autant geler leurs agréments. Donc statistiquement, elles existent toujours mais sur le terrain non. Quoiqu’un agent immobilier ne peut pas faire un autre travail que vendre et louer des biens. Ils versent tous dans le circuit de l’informel», déclare Noureddine Menaceri, président de la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI), qui explique que le chiffre officiel devrait être revu logiquement à la baisse étant donné que cette année 2023 est celle du renouvellement automatique des agréments. Cette nouvelle mise à jour devrait démontrer l’impact réel des 3 dernières années sur le métier d’agent immobilier, qui n’assure réellement que 10% des transactions immobilières. Selon notre interlocuteur, les 90% restants passent tous par le circuit informel. «C’est l’anarchie totale sur le marché. Un petit tour sur les plateformes d’annonces, telles que Ouedkniss, ou les réseaux sociaux est suffisant pour mesurer l’ampleur de ce tissu informel. Tout le monde est devenu agent immobilier. Donc réellement, nous n’avons ni le regard ni la main sur le marché de l’immobilier. Les transactions de vente et de location passent, dans leur majorité, dans le circuit noir. Pis encore, 75% de ces opérations sont sous-déclarées. Il y a un véritable manque à gagner pour le Trésor public», ajoute M. Menaceri, qui explique que sur le marché de l’immobilier, il n’existe pas de barème fixe des prix, notamment pour les locations de courte durée.
Des prix en folie
Effectivement, en matière de prix, il n’existe pas de place aux sentiments. Ils sont fixés au bon gré du propriétaire ou de l’intermédiaire dans la transaction, qu’il soit courtier informel ou agence immobilière. Sur le site Ouedkniss, les prix de la location longue durée pour un appartement F3 vont de 40 000 DA jusqu’à 120 000 DA. A vu d’œil, les prix varient selon l’endroit et le niveau de standing de l’appartement. Meriem est courtier immobilier, elle a hérité le métier de son père qui est agent immobilier depuis plus d’une vingtaine d’années. «Le marché de l’immobilier stagne depuis pratiquement 2019. Les prix chutent chaque année sans pour autant trouver de preneurs. Dans ce secteur, nous en voyons de toutes les couleurs et les propriétaires des biens immobiliers n’arrivent pas encore à croire que les choses ont changé. A titre d’exemple, nous avons une villa de 12 pièces à Dély Ibrahim. Son propriétaire demande un loyer de 800 000 DA/mois. Un prix exorbitant que nous n’arrivons pas à faire baisser. Il reste persuadé que ce prix est abordable par rapport à la valeur réelle de sa villa, qui réellement n’est pas d’un très haut standing», raconte-t-elle, avant de confier que n’était la ténacité de son père et son amour pour ce métier, elle aurait remis l’agrément et fermé l’agence. Dans ce sens, M. Menaceri, le président de la FNAI, souligne que plusieurs facteurs sont intervenus dans la baise des prix. Il cite justement l’arrivée de la Covid-19. «Cette période de confinement a complètement gelé le marché de l’immobilier. Sans compter la distribution massive de logements tous types confondus. De plus, durant cette période de la Covid, beaucoup de multinationales ont quitté le pays à cause de l’instabilité sanitaire et économique. Ces entreprises arrivaient à maintenir un niveau assez élevé pour les prix de la location, notamment des villas dans des régions dites chics. Cela dit, la location, grosso modo, n’a pas de barème fixe. Elle est tributaire des prix de la vente. En tant qu’agent immobilier, notre baromètre est le prix d’un appartement F3, qui est aujourd’hui stagnant. Avec le réouverture de certains marchés à l’international, tels que celui de l’automobile, les prix pourraient connaître une certaine augmentation dans les prochains mois, notamment pour la location», dévoile-t-il. Il considère que ce marché ne pourra être régulé que par la valorisation de la fonction d’agent immobilier. Il remet au goût du jour sa proposition d’imposer le passage obligé par l’agent immobilier. Il explique qu’il ne s’agit pas ici de faire passer la transaction en elle-même, mais l’obligation de la présence du cachet de l’agent immobilier qui aura la mission de vérifier la concordance du prix. Selon le président de la Fédération nationale des agents immobiliers, la question de l’anarchie des prix sera réglée définitivement en un laps de 3 à 5 ans.