Cinéma : Hiam Abbass, mémoire(s) palestinienne(s)

17/02/2024 mis à jour: 21:47
AFP
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 Pour la première fois, l’actrice palestinienne Hiam Abbass s’est sentie mal à l’aise devant la caméra. La raison ? On ne lui demandait pas de jouer un rôle mais de se raconter et raconter l’histoire de sa famille déchirée par l’exil de 1948.

Exit le bling-bling hollywoodien pour l’actrice de 63 ans que le public a notamment pu voir dans la série américaine à succès Succession. La voici à l’affiche d’un documentaire intimiste, Bye bye Tibériade, réalisé par sa fille, Lina Soualem, en salles en France mercredi. Lorsque nous avons commencé à filmer, je me suis dis : «Oh là là, qu’est-ce que je vais dire et surtout qu’est-ce que je ne vais pas dire ?», a-t-elle confie l’AFP. 

 Le documentaire, qui prend comme point de départ la Nakba, la «catastrophe» qu’a constituée pour les Palestiniens la création d’Israël en 1948, a fait la tournée des festivals, dont celui du film international de Toronto, avant d’atterrir début décembre sur arte.tv. Aux Etats-Unis, il a été projeté à New York et Los Angeles en janvier. Il doit sortir à San Franciso en mars.
 

«Soulagement»  

L’appréhension initiale d’Hiam Abbass a vite laissé place au «soulagement». «J’ai toujours rêvé d’éterniser ma mère et ma grand-mère à travers leur récit, leur histoire et leur combat de femme», détaille celle qui a notamment joué sous la direction de Jim Jarmusch. Mais, à chaque fois, «j’avais l’impression d’être empêchée», confie-t-elle. «J’étais empêchée parce que je n’ai jamais réalisé de documentaire et aussi parce qu’il me paraissait difficile d’aller creuser dans cette l’histoire qui est trop proche et dont je suis la première héritière». C’est à sa fille, qui a réalisé un documentaire sur la branche paternelle de ses origines, Leur Algérie, qu’elle fait confiance. «J’ai l’impression que Lina m’a mis dans un endroit de responsabilité, avec la nécessité de raconter l’histoire familiale», assure-t-elle. Cette histoire, c’est la dislocation d’une famille qui a dû fuir son village en 1948 et se reconstruire ailleurs avec certains membres qui se sont retrouvés aussi en Syrie.
 

«Bye bye les gars» 

Née en 1960 dans le village israélien de Deir Hanna, Hiam Abbass grandit avec un sentimen d’étouffement, d’abord dû au milieu traditionnel dont elle est issue mais aussi au climat politique. «On vivait une forme de malaise», se remémore-t-elle. Un malaise lié au fait d’être considérée comme une «Arabe israélienne», appellation qu’elle a toujours rejetée car elle «nie la complexité des choses». «C’était comme s’il  fallait effacer notre identité (de Palestinien, ndlr) pour qu’on s’intègre dans un nouveau monde politique, dans une nouvelle démocratie», dit-elle. «Troublée», elle se réfugie dans l’écriture et la poésie. 

Enfant, elle le sait déjà, son départ à elle sera volontaire. Elle étudie la photographie, fait du théâtre, avant de s’envoler pour l’Angleterre, puis de rejoindre la France. «A un moment, j’ai dit : les gars, bye bye, je prends ma vie en main. Ca ne veut pas dire que je ne vous aime pas, ça ne veut pas dire que je vous quitte à jamais, mais je pars», raconte-t-elle. 

La suite ? Une carrière à l’international. En 2004, elle travaille avec le réalisateur mexicain Alejandro Iñarritu pour diriger ses acteurs dans «Babel». Elle fera de même pour le film «Munich» de la légende hollywoodienne Steven Spielberg. Sans oublier ses rôles de femmes fortes dans des productions arabes. En 2020, elle était à l’affiche de la comédie dramatique des frères Nasser «Ghaza mon amour», ancrée dans le territoire palestinien où la guerre entre Israël et  le Hamas se poursuit.  

Elle a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent du Hamas dans le sud d’Israël. «Arrêtons cette guerre», implore l’actrice, qui dit encore et toujours croire en la paix.   En attendant, souligne Lina Soualem, l’important est aussi de «pouvoir se raconter à travers nos propres mots». 
 

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