Cherté des fruits et légumes : Le constat amer des associations de consommateurs

04/04/2022 mis à jour: 01:17
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Beaucoup de produits de large consommation sont hors de prix / Photo : H. Lyès

Des associations de consommateurs proposent de «boycotter certains produits excessivement chers, rationaliser les achats et opter pour une consommation raisonnable pour affronter la vague parfois justifiée et parfois injustifiée des prix élevés des pseudo-commerçants opportunistes».

Le premier jour du Ramadhan, la mercuriale a connu une envolée spectaculaire. Un rituel qui revient chaque année et qui lamine davantage le pouvoir d’achat des consommateurs. Très vite, les budgets sont dépassés.

«La vie est trop trop chère, les prix ont grimpé. Beaucoup de gens, même de la classe moyenne, s’abstiennent d’acheter certains produits parce qu’ils coûtent excessivement cher. La viande, n’en parlons pas ! Les fruits, c’est carrément du luxe», résume une dame du côté du marché d’El Biar. Il «y a des gens qui regardent avec leurs yeux, mais ne peuvent pas acheter, notamment les retraités et les bas salaires». D’autres trimbalent un couffin presque vide. Sur les différents marchés de la capitale, pratiquement les mêmes prix sont affichés : carotte à 120 DA, courgette à 160 DA, poivron à 200 DA et même la laitue à 120 DA.

Malgré l’augmentation notable des prix des viandes rouge et blanche, le consommateur se trouve obligé d’acheter, bien qu’en petite quantité, car la viande rouge coûte environ 1900 DA le kg, le poulet 420 DA le kg et les œufs 18 DA.

Les associations des consommateurs tentent d’expliquer ce phénomène, mais restent impuissantes à peser sur les grandes décisions prises par les pouvoirs publics.

Elles ne sont que rarement consultées. Hacene Menouar, président de l’association El Aman, n’y va pas avec le dos de la cuillère : «C’est un désastre. Tout le monde s’attendait à ce qu’il y est cette flambée des prix, parce que depuis longtemps déjà, on a observé qu’il y avait une non-maîtrise du domaine de la commercialisation des produits agricoles. Ce qui est malheureux, c’est que le ministère de l’Agriculture jette la balle au ministère du Commerce et le ministère du Commerce rejette la même balle vers celui de l’Agriculture. Ils ne sont pas arrivés à élaborer un plan, un programme ou une carte pour pouvoir fournir les produits dont ont besoin les Algériens à chaque Ramadhan. Ce mois sacré revient chaque année, malheureusement, on ne s’y prépare pas.»

Il poursuit : «Normalement, on le fait des mois avant pour arriver à satisfaire la demande et offrir autant de légumes et de fruits que la demande l’exige. Par ailleurs, il y a des décisions prises en haut lieu qui ont fait que les gens ont peur de trop investir d’une manière réglementaire, ils versent vers l’informel parce qu’ils ne sont pas soumis aux contrôles, aux enquêtes, notamment pour ceux qui font la régulation.

Beaucoup ont abandonné leur activité, parce qu’ils sont soumis à beaucoup de pressions par les services de sécurité et de contrôle, les accusant de faire de la spéculation négative, et ils restent sous la menace d’aller en prison. Ils ont lâché le marché aux mandataires qui font la loi et aux intermédiaires illicites. On n’a pas une production programmée avec une carte agricole pour savoir qu’est-ce qu’il faudrait planter, produire et à quelle période de l’année». Le marché est ainsi désorganisé et anarchique.

Nous nous retrouvons avec la pomme de terre qui ne descend pas de 120 DA depuis quelques semaine. Elle se maintient à ce prix, ce n’est pas normal. Le prix des carottes et des navets aussi ont augmenté. Selon notre interlocuteur, «il y a aussi le comportement du consommateur à chaque début de Ramadhan, il vide les étalages, créé une crise qui profite à certains mafieux.

Cette situation ne va pas durer trop longtemps, au début de la deuxième semaine de Ramadhan, logiquement ça va se stabiliser. Il faut faire notre autocritique : on est beaucoup plus égoïstes que solidaires entre nous.

La solidarité, on la voit dans les images du couffin et du resto de la rahma, mais aucun commerçant ou organisation de commerçants n’a annoncé une baisse de prix même symbolique pour rendre la quiétude aux Algériens. Chacun voudrait tout avoir pour lui. Si on a 9 millions de ménages, on doit avoir quelque 18 millions de bidons d’huile rangés dans les placards ainsi que 9 millions de sacs de semoule».

Marchés de proximité

Ces constats sont confirmés sur la page Facebook par Mustapha Zebdi, président de l’Association de protection du consommateur (Apoce). «En 24 heures, le marché s’est retourné et notre comportement reste la meilleure des thérapies.» Selon lui, de nombreux «marchés de la rahma», constitués essentiellement de tentes étaient vides en ce début de Ramadhan en raison de leur implantation dans des zones non étudiées, loin des centres urbains et des marchés de gros.

Il a expliqué que ces marchés ont connu déjà l’an dernier un échec, de l’aveu même du ministère du Commerce, qui a annoncé 222 marchés de quartier, alors que le nombre réel est bien inférieur, d’autant plus que le ministère du Commerce a obligé leur ouverture 15 jours avant le Ramadhan. Les réactions des consommateurs sur les réseaux sociaux sont nombreuses. «C’est dû à une absence de conscience et à la grande avidité des commerçants», écrit l’un d’eux.

«Le consommateur est la première cause de cette situation, parce qu’il achète à n’importe quel prix et en plus grande quantité qu’il n’en a besoin, sans parler des marchands des crises et des opportunistes, c’est une question de mentalités et des commerçants qui recherchent le profit rapide», souligne un autre.

Tous proposent de «boycotter certains produits excessivement chers, rationaliser les achats et opter pour une consommation raisonnable pour affronter la vague parfois justifiée et parfois injustifiée des prix élevés des pseudo-commerçants opportunistes».

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