«Cela va tuer des enfants» : la lutte contre la malnutrition dans la tourmente financière

12/04/2025 mis à jour: 07:35
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Après le retrait des financements de l’USAID par Donald Trump, de nombreuses ONG assistent, impuissantes, à l’effondrement de leurs trésoreries.

Les coupes budgétaires décidées par Donald Trump ont eu des effets dévastateurs, notamment dans le domaine de la lutte contre la malnutrition infantile. Pour de nombreux professionnels, la situation est alarmante : la suppression de l’aide américaine et la réduction des fonds destinés au développement menacent directement la vie de milliers d’enfants. Adeline Lescanne, à la tête de l’entreprise française Nutriset, qui fabrique le Plumpy’Nut, un aliment thérapeutique destiné aux enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère, décrit un véritable bouleversement. Depuis la mise sur le marché de ce produit en 1999, il a permis de multiplier par 90 le nombre d’enfants pris en charge, passant de 100 000 au début des années 2000 à 9 millions aujourd’hui, selon Médecins sans Frontières.

Nutriset, qui fournit la moitié de la production mondiale d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi en travaillant avec l’ONU, des ONG et des gouvernements, est directement touchée par les coupes américaines. La réduction drastique des financements de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a entraîné l’annulation de nombreuses commandes et l’accumulation de stocks inutilisés. Les clients manquent de fonds, notamment l’Unicef, qui alerte sur une possible rupture de ses réserves de produits dans les prochains mois. Or, les États-Unis étaient jusqu’en 2023 les principaux contributeurs du Programme alimentaire mondial, de la FAO, de l’Unicef et de l’OMS.

D’ici fin 2025, plus de 2,4 millions d’enfants pourraient être privés d’aliments thérapeutiques si aucun financement n’est débloqué. L’Unicef prévient que des milliers de centres de traitement risquent de fermer ou de réduire fortement leurs activités. Les ONG, elles aussi, ressentent l’impact : Action contre la Faim souligne que plus de 30 % de son financement global provenait des États-Unis. En 2023, près de 229 000 enfants ont été pris en charge, mais désormais, de nouveaux arrivants ne peuvent plus être accueillis dans les centres.

La situation est tout aussi critique pour Solidarités Internationales, dont les programmes au Mozambique et au Yémen vont s’interrompre, privant plus de 200 000 personnes d’aide humanitaire. Si le retrait américain est particulièrement brutal, il s’inscrit dans un contexte plus large de recul de l’aide publique au développement dans plusieurs pays européens. L’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, la France et le Royaume-Uni ont tous réduit leurs engagements, en raison de pressions budgétaires ou d’une hausse des dépenses militaires.

La France, par exemple, prévoit une baisse de 2,1 milliards d’euros dans son projet de loi de finances 2025, soit un tiers du budget alloué l’année précédente. En Belgique, l’aide diminuera de 25 % sur cinq ans, en Allemagne de moitié, et le Royaume-Uni a renoncé à respecter l’objectif de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à cette aide. Pourtant, la Banque mondiale estime à 13 milliards de dollars par an les besoins pour lutter efficacement contre toutes les formes de malnutrition. Lors d’un sommet tenu à Paris fin mars, 27,55 milliards de dollars ont été promis pour une période de quatre ans. Les États-Unis n’étaient pas présents.

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