Boumerdès : Le foncier agricole face à l’avancée du béton

29/04/2023 mis à jour: 06:16
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Des terres à haute valeur agricole ont été déclassées pour construire des cités d’habitation - Photo : D. R.

Tous les textes de loi insistent sur l’impératif de préserver le foncier agricole afin de garantir la sécurité alimentaire du pays.

Considérée comme une wilaya agricole par excellence, Boumerdès risque-t-elle de perdre sa vocation dans les décennies à venir ? C’est la question qui vient à l’esprit, quand on voit la cadence de «bétonisation» que subit le foncier agricole à travers la région.

En l’espace de 15 ans, plus de 2000 ha de ce précieux patrimoine ont changé de vocation, souligne un responsable de la direction des services agricoles. Le béton avance à un rythme effréné aussi bien à l’ouest de la Mitidja que dans les autres localités à haut rendement agricole, comme Boudouaou El Bahri, Zemmouri, Bordj Ménaiel, Issers, etc. Pourtant, toutes les lois et les instruments d’urbanisme, à commencer par le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT), insistent sur l’impératif de préserver ce foncier pour garantir la sécurité alimentaire du pays.

Mais la réalité est tout autre. Il n’y a pas longtemps, plusieurs parcelles devant abriter des cultures maraîchères ont été désignées pour abriter un projet de 1120 logements à Zemmouri. A Boudouaou, six terrains relevant du domaine agricole ont subi le même sort au grand désarroi des paysans. «3050 logements AADL sont en cours de construction sur des terrains agricoles à Helaimia, Benyamina, Benmerzouga et au lieudit Plateau.

Les autorités auraient dû orienter ces programmes d’urbanisation vers les piémonts de Keddara et Kherrouba. A l’avenir, on risque de ne pas trouver où cultiver une patate», s’indigne un ancien président d’une coopérative agricole. «Si cette politique d’urbanisation irréfléchie se poursuit, il y a des craintes de ne plus trouver de champs agricoles entre Si Mustapha, les Issers, Bordj Ménaiel ou Naciria.

Ces villes pourraient alors former un seul ensemble urbain où l’agriculture n’a plus droit au chapitre», prévient B. Bouzad, architecte de profession. A Bordj Menaiel, même la ferme pilote Ghanem Saïd se réduit comme une peau de chagrin à cause des dépassements multiformes dont elle fait l’objet. «Les autorités locales justifient le recours à ces terres nourricières par le fait qu’elles sont situées à l’intérieur des PDAU, mais cet argument ne tient pas la route, puisque le SNAT recommande d’orienter les programmes d’urbanisation vers les piémonts afin de stopper l’exode rural et préserver les terres agricoles», explique notre interlocuteur.

Et d’ajouter : «Certes, le problème n’est pas propre à la wilaya de Boumerdès, mais il est tout de même anormal que ce soient les communes à vocation agricole qui bénéficient des plus grands quotas de logements sociaux par rapport aux localités rurales». L’année passée, la production agricole à travers la wilaya a dépassé 5 millions de quintaux, soit 21% du total de la production enregistrée au niveau des wilayas du Centre.

La région est connue pour ses rendements en raisins de table, mais aussi en cultures maraîchères. Avec l’avancée du béton, il n’est pas sûr de garantir de tels résultats. Les voix qui, jadis, dénonçaient le détournement des terres agricoles, semblent éteintes à jamais aussi bien à l’APW ou au sein des associations d’agriculteurs.

Examiné en 2022, le PDAU intercommunal de Boumerdès est passé comme une lettre à la poste bien qu’il prévoit l’urbanisation de 325 ha à l’horizon 2033. Aujourd’hui, même les excroissances constatées au niveau des 244 haouchs dénombrés à travers la wilaya ne suscitant pas réaction.

A défaut d’agir et de sévir, beaucoup de responsables se contentent de déclarations. Un ancien ministre de l’Agriculture avait raison de rappeler que la préservation des terres agricoles de l’envahissement du béton ne relève pas du seul ressort de son ministère, mais de la responsabilité de toutes les institutions de l’Etat.

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