Bafta des jeux vidéo: les développeurs britanniques indépendants à l'honneur

31/03/2023 mis à jour: 01:27
AFP
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Les Bafta Games Awards, versant vidéo-ludique des récompenses des écrans britanniques, ont fait la part belle aux jeux de studios indépendants, célébrant les petits créateurs dans une industrie où les budgets des grosses productions enflent. Le jeu de l'année est Vampire Survivors, au graphisme léché mais minimaliste, créé initialement par un seul développeur, qui s'est imposé face à des jeux comme Elden Ring ou God of War Ragnarok, sur lesquels des équipes de centaines de personnes ont travaillé des années. "Nous n'avons pas besoin d'être AAA", comme l'industrie surnomme les jeux aux budgets les plus importants, se réjouit Sam McGarry, ancien développeur web qui a quitté son travail pour rejoindre la petite équipe qui conçoit désormais Vampire Survivors et le présente aux amateurs lors du London Games Festival. Paradoxe de l'industrie des jeux vidéo, si les budgets des AAA s'évaluent parfois en centaines de millions de dollars, de nouveaux outils ont "permis à n'importe qui de créer son jeu gratuitement", se félicite Simon Byron, chargé de l'investissement pour Yogcast, qui publie des jeux indépendants. Pour concurrencer les titans du secteur, "nous ne pouvons pas rivaliser sur les graphismes ou le budget, nous devons innover un peu", euphémise Jay Armstrong, directeur de la conception du jeu "Cult of the Lamb", qui était aussi nommé aux Bafta. Des amateurs observent, fascinés, à l'écran, un attendrissant agneau au graphisme enfantin présider au sacrifice d'un autre petit animal pendant que des symboles sataniques flottent à leurs côtés. "Vous jouez le rôle d'un agneau possédé, qui parcourt le monde pour endoctriner des petites créatures mignonnes dans votre culte et les sacrifier", résume M. Armstrong, dont le studio, Massive Monster, ne compte que dix personnes.

700 studios londoniens

Selon Michael French, directeur du London Games Festival, Londres est l'une des villes qui abrite le plus de développeurs de jeux vidéo et ce grâce à la vivacité de sa scène indépendante, avec "plus de 700" studios parsemés à travers la capitale britannique. Les îles britanniques peuvent aussi compter sur des poids lourds, comme Rockstar North, branche de l'américain Take-Two. Le studio développe à Edimbourg, en Écosse, la célèbre saga "Grand Theft Auto", GTA, dont le cinquième opus s'est vendu à plus de 175 millions d'exemplaires depuis sa sortie en 2013 et a généré des milliards de dollars. Le Royaume-Uni dispute à l'Allemagne la place de premier marché des jeux vidéo en Europe, et derrière les États-Unis et le Japon. Selon l'organisme professionnel Ukie, le marché des jeux vidéo britannique a encore augmenté en 2022 et a contribué 5,26 milliards de livres à l'économie. Avant l'application du Brexit, certains studios craignaient que les travailleurs européens peinent à rejoindre la scène britannique et pénalisent l'industrie. C'est "un obstacle", reconnaît M. French, même si selon lui, "les gens veulent toujours rejoindre ïleursû studios".

Babysitting dans l'espace

Une catégorie "Meilleur jeu britannique" des Bafta met en valeur certaines des productions nationales, parmi lesquelles était nommé "Citizen Sleeper", un jeu conçu par Gareth Damian Martin, avec l'aide d'un graphiste et d'un compositeur de musique. Les grosses productions "coûtent tant d'argent! Mais les joueurs veulent de nouvelles expériences et ce n'est pas une question de main d'oeuvre ou de technologie, mais de manière de raconter des histoires", explique Gareth Damian Martin, qui a développé le jeu et souhaite être désigné par le néologisme neutre "iel". "Citizen Sleeper" est un jeu de rôle au graphisme relativement statique, constitué de longs textes car "c'est la partie +low cost+ de la production d'un jeu", plaisante Gareth Damian Martin. Mais à travers l'histoire du personnage contrôlé par le joueur, qui lutte pour se libérer d'une entreprise contrôlant son existence sur une station spatiale dans un futur dystopique, Gareth Damian Martin a voulu évoquer son expérience et le Londres des travailleurs précaires. "Ce serait difficile d'aller voir (le géant français des jeux vidéo) Ubisoft et de dire, je veux 1.000 développeurs et 200 millions de dollars pour une histoire où on fait du babysitting dans l'espace et où on travaille dans des bars". 

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