Automédication, un fléau oublié

29/01/2022 mis à jour: 02:01
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La multiplication des pharmacies dans les villes ne peut être un bon signe pour l’état général de la santé publique dans le pays. Depuis de nombreuses années, cette tendance s’est accentuée sans soulever des questionnements sur les implications de la distribution massive des médicaments aux citoyens souvent sans requérir la prescription médicale.

Dans les officines, gagnant de l’espace et étoffant le personnel, l’affluence ne faiblit jamais. L’épidémie de coronavirus a amplifié le fléau de l’automédication et a révélé à ce sujet des données statistiques qui donnent le tournis. Les chiffres faisant état de millions d’unités de vente (UV), ou plus prosaïquement des boîtes de médicaments, disponibles en pharmacie, ont rythmé le débat public ces derniers jours. 16 millions d’UV de Paracétamol ont été mises sur le marché depuis novembre et 35 millions à la fin février. Quasiment chaque Algérien aura eu sa boîte d’antalgique pendant cette période couvrant la 4e vague de l’épidémie de coronavirus. 

Les antibiotiques, servis invariablement sans ordonnance, sont également mis sur le marché en grandes quantités. Des responsables locaux, s’appuyant sur l’avis des comités sanitaires, prennent les devants et autorisent les pharmacies à ouvrir jusqu’à minuit. Il y a un «ministre de la santé» dans chaque administration et celui du Commerce se retrouve mobilisé dans un secteur où il n’a aucune compétence ni vocation. La courbe de l’irrationnel ne retombe pas et connaît des proportions surprenantes, lorsqu’on apprend la mise en place de brigades mixtes pour prévenir les pratiques de «spéculation, de rétention ou de vente concomitante», dans un créneau où l’on ne conçoit que déontologie et conscience professionnelle. 

La ruée vers les pharmacies est sans cesse renouvelée, annonçant chaque jour un produit médical, ainsi que les prix y afférents, à un moment où le pouvoir d’achat du citoyen moyen oscille entre l’incertitude et les signaux de détresse. L’intérêt porté au test antigénique, disponible désormais en pharmacie, est tel, qu’il n’est pas loin d’être perçu comme un remède. L’avis médical a perdu du terrain, alors qu’il doit être revalorisé et rester cardinal dans les moments de reflux de l’épidémie. 

Avant de précipiter le patient dans l’engrenage de l’automédication, il est plus raisonnable de réaffirmer le rôle du praticien de santé, et l’exigence vitale de renouer avec ses conseils et ses prescriptions. La voix de la raison, un remède oublié, commence à poindre dans les milieux spécialisés, à la faveur notamment de la baisse de la virulence des nouveaux variants apparus ces dernières semaines. 

Le repos et le sommeil suffisant sont ainsi recommandés dans la majorité des cas, en lieu et place de la course éperdue vers les pharmacies et l’achat de «kits» de traitement délivrés sans ordonnance. Le douloureux paradoxe serait de guérir du coronavirus pour retomber dans l’intoxication médicamenteuse, et d’aggraver le problème de la résistance aux antibiotiques, l’un des risques encore lancinants qui planent sur la santé publique dans le monde.

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