Assises régionales sur le cinéma algérien à Oran : Etat des lieux sur la situation du 7e art

13/03/2023 mis à jour: 16:02
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Samedi dernier a été donné, à la Cinémathèque d’Oran, le coup d’envoi des Assises régionales sur l’industrie cinématographique en Algérie, qui se dérouleront, également jusqu’à la fin du mois, dans quatre autres wilayas du pays, à savoir Constantine, Biskra, Béjaïa et Tipaza. 

Ces rencontres régionales, qui ambitionnent de donner la parole aux gens du métier et autres cinéphiles et «faire remonter leurs préoccupations et recommandations aux autorités compétentes», sont organisées en perspective des assises nationales, qui se tiendront à Alger les 29 et 30 avril prochain. 

L’objectif est de donner corps, après avoir écouté les doléances des uns et des autres, au projet de loi sur l’industrie du cinéma, et cela suite aux directives du président de la République à ce sujet. La rencontre de samedi dernier à Oran a été animée par les membres d’une commission, installée à cet effet le 26 février dernier par Soraya Mouloudji, ministre de la Culture et des Arts, à savoir Fayçal Sahbi, Ilyes Boukhmoucha, Chedad Beziie, Nabil Hadji et Hocine Saadi.

 Le règlement de l’épineuse question des salles obscures fermées depuis des décennies, l’accès  aux nombreux films algériens tournés ces dernières années et non projetés (ou si peu), la propagation des agences de casting un peu partout à travers le pays (et pas seulement à Alger), la nécessité de faire un état des lieux sur la situation du 7e art en Algérie ou encore élaborer des études sociétales pour cerner le goût et les attentes du public algérien sont parmi les recommandations préconisées par les intervenants qui ont pris la parole à tour de rôle. Abdelhafid Boualem, président du bureau d’Oran l’Unac, scénariste et script-doctor, a préconisé, pour ce qui est de la question de la diffusion des films, d’élaborer une loi obligeant toutes les chaînes de télévision algérienne, qu’elles soient étatiques ou privées, «à financer, coproduire, acheter et diffuser un nombre déterminé de films et téléfilms et ceci annuellement». 

Pour ce qui est de la manière d’attirer les investisseurs privés dans le secteur cinématographique, il recommande ni plus ni moins l’inclusion de l’investissement cinématographique dans le dispositif Andi. «On ne va pas réinventer la roue ! Il y a une loi qui a montré son efficacité, c’est celle de l’Andi. Il faut inclure l’investissement cinématographique dans le dispositif Andi» et ainsi appliquer tous les mécanismes et avantages fiscaux, fonciers et financiers du dispositif de l’aide à l’investissement au domaine du cinéma (que ce soit la production, la distribution, la création de multiplexes, l’importation de matériel de tournage ou des équipements de studio de post-production, l’importation et la diffusion de films étrangers, l’exportation de produits audiovisuels algériens à l’étranger, etc.). 

Par l’exonération de taxes, de TVA, de droit de douane, pour tous les privés qui veulent investir dans le domaine cinématographique, cela devra, à ses dires, attirer le privé vers le cinéma. «Si l’investisseur voit qu’il a l’appui des banques, l’accès au foncier pour faire un studio, la possibilité d’importer le matériel pour faire un studio de post-production sans payer de droit de douanes, le privé ira alors vers l’investissement, sans être échaudé par des lois bureaucratiques», conclut-t-il. Ilyes Benziane, chercheur et journaliste à Canal Algérie, a abondé en ce sens en parlant de la promotion du tournage étranger en Algérie.

 Il a cité le cas de la Jordanie, qui a eu un net succès ces dernières années en proposant une baisse des charges fiscales pour les équipes de tournage étrangères et qui sont venues exploiter le désert jordanien. Trois films à gros budget ont d’ores et déjà été tournés là-bas. «Avec le désert algérien immense, c’est tout un décor de cinéma à ciel ouvert que nous avons. 

Ce sont des entrées d’argent importantes pour le pays sans compter les milliers d’emplois directs ou indirects que ça générera», a-t-il argué. Il a aussi préconisé de se pencher sur le nouveau concept en vogue ces dernières années : la notion du tourisme cinématographique. «Il y a actuellement une nouvelle tendance du tourisme qui consiste à revenir sur divers lieux de tournage de films un peu partout dans le monde. La Nouvelle-Zélande a montré l’exemple en développant toute une nouvelle industrie grâce au tourisme cinématographique. 

Donc, en collaboration avec le ministère du Tourisme, je pense qu’on pourrait proposer des circuits sur divers lieux de tournage ici en Algérie qui ont servi à des films qui ont eu une aura internationale. Je pense par exemple à La Casbah d’Alger dans le cadre du film La Bataille d’Alger, de Gillo Pontecorvo (1966), les ruines de Timgad pour Patton, de Franklin Schaffner (1970), le jardin d’essai pour Tarzan (1932), etc». Il a aussi soulevé la question de l’exploitation des œuvres cinématographiques algériennes numérisées sur des plateformes connues. «Si on prend l’exemple de Netflix par exemple, il y a une qualité (nldr : de numérisation) qui est requise par cette plateforme.

 C’est clair qu’un film numérisé n’est pas (nldr : forcément) assez éligible pour être déposé sur la plateforme.» Il recommande enfin l’élaboration d’une étude sociétale, sérieuse et exhaustive, pour avoir une idée assez nette sur les attentes du public algérien de la production cinématographique. Quel genre veut-il voir en salle ? Des films d’action ? Des comédies ? etc.

 En prenant la parole, le comédien Djamel Aoued a préconisé, lui, la délocalisation des agences de casting, mais aussi la création de plusieurs multiplexes afin que les films nouvellement tournés en Algérie aient une visibilité optimale auprès du public algérien, et ce, à travers toutes les wilayas. «A quoi ça sert de tourner un film pour qu’il reste dans les tiroirs ou ne soit projeté qu’au gré des festivals ? Si on investit dans les multiplexes, on peut proposer au public pourquoi pas des blockbusters américains, des films d’animation, des films pour les familles mais en même temps un film récent algérien.» Prenant son cas en exemple, il se désole qu’un film où il a joué, ayant coûté 120 milliards de centimes, est passé aux oubliettes après une petite projection en avant-première. 

Enfin, Chakib Trigui, le gérant du cinégold, le seul multiplexe ouvert en Algérie a apporté, sans le vouloir, un démenti net à ceux qui disent que la culture de voir un film en salle est perdue à jamais en Algérie, certifiant que les trois salles composant son multiplexe, ouvertes 7 sur 7 et proposant plusieurs séances journellement, de 13h à 22h, ont accueilli, en l’espace d’à peine un an, plus de 100 000 spectateurs.  

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