Annaba, jadis perle de l’Est algérien, sombre aujourd’hui dans une gestion municipale désordonnée, marquée par le gaspillage des fonds publics, l’incurie administrative et l’incapacité chronique à assurer des services de base.
L’un des scandales les plus flagrants est celui des marchés de proximité. Conçus pour désengorger les rues du commerce informel qui envahit même le chef-lieu de wilaya, ces marchés flambant neufs sont aujourd’hui à l’abandon, vidés de toute activité. A la cité El Abtal, Bouzred Hocine (ex-Cofel), cité Seybouse (ex-Joinnonville), Oued Forcha et même à la Place d’Armes, ces infrastructures, ayant coûté plusieurs milliards au Trésor public, sont désertées et délabrés.
«Faute d’une gestion cohérente et d’une attractivité économique, ces marchés ne servent qu’à illustrer l’amateurisme d’une administration incapable d’optimiser l’utilisation de ses ressources», regrettent plusieurs économistes locaux. La gabegie ne s’arrête pas là. Les deux plus grands marchés de la ville, El Hattab et celui central, dit «Francis», font face à un taux alarmant de non-paiement des loyers.
Depuis que l’ancien maire Youcef Chouchène avait décidé une augmentation de 300% des loyers, la majorité des commerçants refusent de payer ou le font de manière irrégulière. Même problème à la gare routière, gérée par la société Sogral qui est exploitée, jusqu’à preuve du contraire, sans contrepartie au grand dam de la trésorerie communale.
Selon les chiffres obtenus par El Watan, le montant total des loyers impayés par les locataires et exploitants de ces deux infrastructures commerciales s’élevait à quelque 36 millions de dinars jusqu’en décembre 2023, sans compter les pénalités de retard qui hisseraient le montant à quelque 40 millions de dinars. Un manque à gagner colossal qui prive la ville de fonds essentiels pour son entretien et son développement urbain.
Autre aberration : le cas du parking Stambouli, situé en plein centre-ville. Adjugé en février 2023 à un jeune exploitant pour un montant de plus de 17,29 millions de dinars sur trois ans, ce parking affiche complet à longueur d’année, affiche également un taux de non-paiement de 100%. Malgré une clause contractuelle stipulant des pénalités et la résiliation en cas de non-paiement prolongé, l’exploitant continue d’opérer en toute impunité, démontrant une fois de plus l’incapacité de l’APC à faire respecter ses propres contrats, dont le payement en quatre échéanciers le montant adjugé. Alors que la commune affiche un déficit budgétaire, ses besoins en entretien et en aménagement urbain ne cessent de croître.
Pire encore, la ville est envahie en plein hiver par les moustiques, transformant la vie des habitants en calvaire. Les immeubles AADL de la Plaine Ouest en sont un exemple édifiant : entre marchés informels, eaux usées stagnantes et prolifération de diptères, la situation sanitaire se dégrade dans l’indifférence totale des autorités. A cette crise, s’ajoute une paralysie administrative.
De nombreux responsables municipaux, dont le chef de service des marchés et le directeur des domaines communaux, sont soit en congé maladie, soit en congé normal. Une absence généralisée de cadres qui illustre l’état de décomposition avancée de la gestion municipale.
«Face à cette situation catastrophique, il devient impératif d’exiger des comptes aux responsables de cette gestion calamiteuse. Le laisser-faire qui gangrène la commune de Annaba ne peut plus durer. La ville a besoin d’une gouvernance transparente, efficace et tournée vers l’intérêt des citoyens», estiment des membres de la société civile. Tant que l’opacité, l’incompétence et le gaspillage des ressources publiques prévaudront, Annaba continuera de sombrer dans le chaos.
Une prise de conscience collective et une mobilisation citoyenne sont plus que jamais nécessaires pour sauver cette ville de la faillite administrative et financière. A suivre… M.-F. Gaïdi