Art et engagement : Quand Roger Waters déchaîne les nouveaux fascistes

17/06/2023 mis à jour: 23:42
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 Là où il va, Roger Waters remplit les grandes salles grâce à son show musical riche et impressionnant, mais aussi à cause de son engagement pour les droits des Palestiniens et contre l’oppression que pratique le gouvernement de Tel Avivet Tsahal. 

Sa tournée mondiale d’adieu s’est jouée à guichets fermés, tout en suscitant des polémiques à cause de son penchant politique en faveur de causes, à contre-courant de la pensée mainstream.

Cette semaine encore, des incidents ont eu lieu à Londres, lors du concert organisé à la salle O2 Arena. Des Israéliens, menés par la fille d’une ancienne victime des camps nazis, ont tenté de perturber le spectacle en brandissant des drapeaux israéliens près de la scène. Ils ont vite été empêchés et escortés à l’extérieur par les agents de sécurité.

L’incident n’est pas important en lui-même, mais tel que rapporté par la presse israélienne, il donne la mesure du mal ressenti par l’entité sioniste à cause de la pertinence de l’action de Waters et l’ensemble du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement, sanctions) dont l’ancien bassiste des Pink Floyd est une figure emblématique.

Le journal The Times of Israël ne rate pas cette (petite) occasion pour qualifier le spectacle de Waters de «fasciste» et ajouter une louche de désinformation idéologique en liant l’opposition à la politique d’Israël, à la haine des juifs. Un glissement de langage qui opère par le matraquage, mais ne résiste pas aux faits.

Seuls les défenseurs inconditionnels d’Israël peuvent prétendre que Roger Waters est un antisémite. Les autres s’interrogent cependant : l’est-il vraiment ou est-ce juste un artiste connu qui utilise son aura artistique pour supporter une cause humaniste ?

Dans une interview accordée au journal allemand Berliner Zeitung et publiée le 4 février dernier, Waters s’en défend tout en confirmant la comparaison qu’il avait établie entre l’Etat d’Israël et l’Allemagne nazie. 

«Lobby israélien»

«Les israéliens commettent un génocide. Tout comme la Grande-Bretagne l’a fait pendant notre période coloniale, soit dit en passant. (…)  nous, les Britanniques, avons aussi assassiné et pillé en Inde, en Asie du Sud-Est, en Chine… Nous nous croyions intrinsèquement supérieurs aux peuples indigènes, tout comme les Israéliens en Palestine. Eh bien, nous ne l’étions pas et les Juifs israéliens non plus», a-t-il affirmé.

Waters a qualifié cette interview de courageuse. «Dans le contexte de la campagne de diffamation scandaleuse et ignoble du lobby israélien pour me dénoncer comme antisémite, ce que je ne suis pas, n’ai jamais été et ne sera jamais.

Dans un contexte où ils essaient de me faire taire parce que je prête ma voix au combat de soixante-quinze ans pour l’égalité des droits de l’homme pour tous mes frères et sœurs en Palestine/Israël, quelle que soit leur origine ethnique, leur religion ou leur nationalité. Dans le contexte où le lobby israélien tente d’annuler ma série de concerts à 85% sold out en Allemagne», écrit-il sur son propre site internet.

Avant de rentrer à Londres, le musicien de 79 ans avait bouclé une tournée en Allemagne, couronnée par un grand succès musical. Ce n’est pas l’avis de la bien-pensance allemande, puisque les milieux politiques et les médias ont parlé presque avec une seule voix pour dénoncer ces spectacles considérés comme une «violation de la civilisation» et des vecteurs de «la haine des juifs».

La police a même ouvert une enquête contre le musicien pour «incitation à la haine», alors que le gouvernement du Land de Hesse, dont dépend Frankfurt, avait annulé le concert que la ville devait accueillir le 28 mai.

Laquelle décision a été invalidée par un tribunal au bout d’une bataille juridique. Les lobbies n’aiment pas Waters uniquement à cause de ses critiques envers Israël, mais aussi à cause de sa position concernant la guerre en Ukraine, franchement opposée à l’unanimisme des gouvernements occidentaux.

Son histoire, son talent et son charisme aidant font craindre aux lobbies une influence fatale sur l’opinion publique. Il devient donc une voix à taire, d’où les violentes campagnes de calomnies qu’il essuie et les méthodes de plus en plus musclées pour empêcher ses spectacles.De Guernica, la puissante fresque de Picasso, au concert joué en 1988 à Wembley pour la libération de Nelson Mandela et la fin de l’apartheid, l’art a été un instrument efficace pour dénoncer les fascismes et soutenir les causes justes.

Un engagement évidemment remis en cause aujourd’hui par les détenteurs du pouvoir mondial, coupables de reproduction du fascisme.

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