La volonté de Merz de durcir ces contrôles en renvoyant tous les étrangers s'y présentant, y compris les demandeurs d'asile, provoque cependant des tensions, cette semaine, dans les négociations entre conservateurs et socio-démocrates pour former un gouvernement.
Ils se sentent engagés dans une «course contre la montre». Des demandeurs d'asile en Allemagne redoutent d'être renvoyés dans leur pays avec l'arrivée au pouvoir du conservateur Friedrich Merz, qui veut durcir la politique migratoire. Quelques jours après les élections législatives du 23 février, une trentaine de Syriens assistent à un point d'information sur le gel des procédures d'asile les concernant, à la mairie de Norderstedt, près de Hambourg (nord).
Cette ville de 84 000 habitants compte plus de 2000 réfugiés, logés pour la plupart dans des centres d'hébergement d'urgence. Arrivés en tête du scrutin, les conservateurs de la CDU ont promis d'accélérer les rapatriements des déboutés du droit d'asile, en reprenant les expulsions vers la Syrie et l'Afghanistan, gelées en raison des conflits dans ces pays.
Et de mettre fin au regroupement familial pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire, un statut intermédiaire à celui de réfugié. C'est la situation de Mohammad Bitar, arrivé en Allemagne il y a un an et demi et qui voudrait que sa femme, restée en Syrie, puisse le rejoindre. Ce docteur en droit international âgé de 34 ans a désormais «peur que la situation change» et qu'on lui dise : «On ne veut plus de vous ici», confie-t-il à l'AFP.
Arrivé en Allemagne alors qu'il était enfant, en 2018, Mouayad Hamzeh Alamam, aujourd'hui âgé de 16 ans, a obtenu un passeport allemand. Mais il «se fait du souci» pour sa mère, qui n'a qu'un titre de séjour. Pour cet adolescent parfaitement germanophone, «quelque chose est en train de changer» en Allemagne, notamment depuis le vote, en janvier, d'une motion parlementaire sur l'immigration initiée par la CDU. Son adoption grâce au soutien de l'extrême droite, une première depuis la fin de la guerre, a provoqué un séisme politique dans le pays.
Pour les Syriens, la décision de l'Allemagne, comme de nombreux pays européens, de suspendre les examens des demandes d'asile après la chute du président Bachar Al Assad en décembre, ajoute encore à l'incertitude. La première économie européenne a accueilli plus d'un million de réfugiés, dont de très nombreux Syriens et Afghans, lors de la crise migratoire de 2015-2016. Mais elle a depuis tourné cette page, associée à l'ex-chancelière Angela Merkel (2005-2021).
En 2024, le rétablissement des contrôles aux frontières par le gouvernement sortant d'Olaf Scholz a fait baisser le nombre de nouveaux demandeurs d'asile de 43% sur un an. La volonté de Merz de durcir ces contrôles en renvoyant tous les étrangers s'y présentant, y compris les demandeurs d'asile, provoque cependant des tensions, cette semaine, dans les négociations entre conservateurs et sociaux-démocrates pour former un gouvernement.
Main-d'oeuvre
Ces derniers mois, une série d'attaques mortelles, imputées notamment à des demandeurs d'asile syriens et afghans, ont électrisé le débat. Arsalan Qurishy, un Afghan de 28 ans, condamnent ces actes qui «font du tort aux autres Afghans». Se présentant comme fils d'un procureur qui a fui le régime des talibans, il refuse de retourner dans un pays où il n'a «pas d'avenir, pas de sécurité, rien».
Il attend depuis deux ans une réponse à sa demande d'asile en Allemagne. Avec les durcissements voulus par la CDU, les demandeurs d'asile en attente d'une première décision, comme Arsalan, vivent «une course contre la montre» pour s'intégrer, estime Raphaela Shorina, conseillère au centre de Norderstedt pour l'organisation caritative Diakonie.
Cette professionnelle souhaiterait que le traite-ment des dossiers, l'accès aux cours d'allemand ou aux soins soient plus faciles. C'est «le manque de consultations psychologiques qui conduit à ce que les gens disjonctent, avec tout ce qu'ils portent» comme traumatismes, affirme-t-elle en référence aux violences commises par des étrangers qui font la Une de l'actualité.
Une fois obtenu son titre de séjour, Mohammad Bitar dit avoir «dû attendre presque un an» pour obtenir une place dans les fameux «cours d'intégration». Il a bien essayé de «chercher un travail» dans son domaine, mais «c'était vraiment trop difficile sans l'allemand», explique-t-il. Au lieu de "couper les financements pour les cours de langue", les autorités feraient mieux de soutenir «des personnes formidables» qui «ont de bonnes perspectives» dans un pays vieillissant qui manque cruellement de main d'oeuvre, estime Raphaela Shorina.