Un des ténors du barreau d’Alger, en l’occurrence Me Khaled Bourayou, s’est éteint hier, chez lui, dans son sommeil, après une longue maladie. Durant plus de trois décennies, il a fait vibrer les salles d’audience par sa présence et ses pertinentes plaidoiries. Défenseur acharné des droits et des libertés, notamment de la presse, il a marqué des générations d’avocats mais aussi de magistrats qui lui vouent un profond respect.
Après 36 ans au barreau, Me Khaled Bourayou, un des ténors de la corporation des avocats, a tiré sa révérence hier au lever du jour. Affaibli par la maladie, il avait déserté le prétoire durant ces trois dernières années, sans couper avec la profession en suivant ses dossiers, de sa maison mais aussi de son bureau, au centre-ville d’Alger. Il est mort dans son sommeil.
Son départ sur la pointe des pieds a fait l’effet d’un séisme au sein de sa corporation mais aussi dans les milieux journalistiques, militants et associatifs. Maître Khaled Bourayou, celui qui faisait vibrer les murs des salles d’audience, par sa voix, sa pertinence et son audace, a marqué les esprits et laissé une empreinte unique et indélébile. Ancien fonctionnaire du ministère de la Communication, il avait rejoint la corporation des avocats, avec l’avènement du multipartisme, vers la fin des années 1980 et début 1990.
Aussitôt, il s’est engagé pour la liberté de la presse, en assurant la défense et de manière très militante de nombreux journaux privés dont El Watan, El Khabar, puis Liberté et le Matin, pour ne citer que ceux-là, faisant face aux nombreux procès intentés contre les journalistes qui osaient franchir les lignes rouges du pouvoir. Ses plaidoiries étaient, pour bon nombre d’avocats, des cours de procédure et de droit. Il arrivait à capter l’attention des plus désintéressés dans la salle d’audience et savait comment jongler avec les mots, aussi bien en arabe qu’en français, pour mettre mal à l’aise les juges en face de lui, souvent ses amis, en dehors des tribunaux.
Me Bourayou s’impliquait à fond dans la stratégie de défense et ne laissait planer aucun doute. Il a magistralement défendu les journaux dans l’affaire qui a opposé ces derniers à un des chefs de l’organisation terroriste, l’Armée islamique du salut (AIS), créée par les dirigeants du parti dissous au début des années 1990, qui leur reprochait de l’avoir présenté comme un terroriste repenti, après sa reddition à la faveur de loi sur la réconciliation nationale.
Exemple de droiture
Me Bourayou a plaidé en véritable militant de la liberté d’expression, lors des procès ayant opposé El Watan aux ministères de la Défense nationale et de l’Intérieur pour des affaires de corruption, mai aussi au défunt patron de la police et à l’ancien chef de la 2e Région militaire, le général-major Kamel Abderrahmane, pour ne citer que ceux-là.
Il répondait toujours présent et était désintéressé pour défendre les dossiers les plus complexes, comme ceux de feu général Hocine Benhadid, du général Hacene Ait Ouarabi, du général Ali Ghediri (en détention), du général de corps d’armée, Mohamed Medienne, dit Toufik, mais aussi de l’homme d’affaires Ali Haddad ou encore de celui de Issir Idir, ancien responsable de l’agence BDL de Staouéli, qui était au centre du scandale de Khalifa Bank. Il faut dire qu’il était l’un des rares avocats qui compilait autant d’affaires politiques et de corruption.
Devenu incontournable, il était toujours sollicité pour son expertise, ses analyses pertinentes et ses connaissances en matière de droit. Dès le début des années 2000, il a joué un grand rôle dans la commission de réforme de justice, présidée par Mohand Isaad, son ami de longue date, dont de nombreux points des conclusions n’ont jamais été appliqués suscitant de vives critiques de sa part.
Parti sur la pointe des pieds, il a laissé une empreinte très particulière. Même si sa voix ne résonnera plus, son ombre hantera pendant longtemps les salles d’audience. Exemple de droiture et défenseur acharné des droits et des libertés, il sera certainement un exemple à suivre pour les jeunes avocats du barreau d’Alger,