Annulation des accords commerciaux UE-Maroc : Bruxelles évoque la nécessité de se conformer aux décisions de la Cour de justice

06/02/2025 mis à jour: 13:10
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La Grande Chambre de la CJUE s'est prononcée sur quatre recours introduits par le Conseil et la Commission de l'UE - Photo : D. R.

La CJUE a confirmé, dans ses arrêts, que les accords de commerce et de pêche UE-Maroc ont été illégalement étendus au Sahara occidental sans le consentement de son peuple, contrairement à ce qu'exige le droit international.

Le Conseil de l'Union européenne (UE) a reconnu sa défaite devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui a invalidé, en octobre 2024, deux accords commerciaux conclus entre le Maroc et l'UE sur la pêche et l'agriculture, soulignant la nécessité de se conformer aux décisions de la Cour. C’est ce qu’a révélé une note de son service juridique dévoilée le 31 janvier par l'observatoire international Western Sahara Resource Watch (WSRW), cité mardi par l’APS.

«Dans une note juridique, le Conseil de l'UE admet que la plus haute juridiction de l'UE a définitivement annulé les accords de commerce et de pêche UE-Maroc tels qu'ils s'appliquaient au Sahara occidental, marquant une victoire claire pour la lutte du peuple sahraoui pour l'autodétermination», s'est félicité l'observatoire sur son site internet.

Le 4 octobre 2024, la Grande Chambre de la CJUE s'est prononcée sur quatre recours introduits par le Conseil et la Commission de l'UE, soutenus par plusieurs Etats membres et entités marocaines, contre des arrêts antérieurs du Tribunal qui avaient annulé les accords.

En effet, la CJUE a confirmé, dans ses arrêts, que les accords de commerce et de pêche UE-Maroc ont été illégalement étendus au Sahara occidental sans le consentement de son peuple, contrairement à ce qu'exige le droit international. Pendant des années, l'UE a ignoré les décisions de ses propres tribunaux qui ont conclu que ses accords avec le Maroc couvrant le Sahara occidental étaient illégaux.

Dans une note d'information datée du 11 novembre 2024, le service juridique du Conseil lui-même reconnaît, pour la première fois, que le peuple sahraoui a gagné devant les tribunaux. «Il s'agit d'un moment politique et juridique important dans la longue lutte du peuple sahraoui contre l'occupation marocaine et la complicité de l'UE», a déclaré Sara Eyckmans de Western Sahara Resource Watch.

«Occupation illégale»

Elle a exprimé, à ce titre, son souhait de voir l'UE «agir désormais strictement en conformité avec le droit international et cesser enfin de chercher de nouveaux moyens de contourner les décisions». «Nous espérons que cette analyse réalisée par le service juridique du Conseil marquera un tournant dans l'approche de l'UE à l'égard du Sahara occidental», a-t-elle ajouté.

Le service juridique du Conseil confirme, dans sa note, que les institutions de l'UE doivent désormais prendre des mesures pour se conformer aux arrêts de la CJUE. Selon l'article 266 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), l'UE est légalement tenue de rectifier ses accords illicites et d'adopter des mesures de sauvegarde contre les importations de produits agricoles mal étiquetés originaires du Sahara occidental.

Le service juridique du Conseil de l'UE admet que la Cour a réaffirmé des principes-clés du droit international. Alors que la Commission européenne tente de contourner le Front Polisario et de négocier avec le Maroc, qui n'a ni souveraineté ni pouvoir administratif sur le Sahara occidental, le service juridique du Conseil de l'UE reconnaît un précédent juridique crucial : le Front Polisario, le représentant reconnu par l'ONU du peuple sahraoui, a le droit de contester les accords de l'UE qui affectent le Sahara occidental.

Par ailleurs, l’ambassadeur de la République sahraouie  aux Etats-Unis, Mouloud Saïd, et coprésident de la Campagne américaine pour le Sahara occidental, une  organisation qui milite pour le droit des Sahraouis à l'autodétermination, et Bill Fletcher Jr. ont animé lundi une conférence à la faculté de droit de l’université américaine Harvard sur la question de la lutte du peuple sahraoui pour son indépendance.

Lors de son intervention, l'ambassadeur sahraoui a affirmé que le Maroc n'a aucune preuve de sa prétendue souveraineté sur les territoires sahraouis. «Il n'y a pas un seul document que le Maroc peut montrer prouvant une quelconque légitimité» de ses revendications sur les territoires du Sahara occidental, a-t-il  déclaré. «Il s'agit d'une occupation illégale du Sahara occidental par le Maroc», a soutenu le conférencier, précisant que le Makhzen violait clairement le droit international.

Le Sahara occidental est désigné par les Nations unies comme «territoire non autonome», a-t-il signalé, rappelant que l'ONU a soutenu le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. La question du Sahara occidental est «à l'ordre du jour de l'ONU depuis les années 1960», a-t-il fait savoir.

Les Nations unies «insistent toujours sur le fait que toute solution doit être basée sur le respect du droit du peuple à l'autodétermination, ce que le Maroc, bien sûr, ignore», a ajouté le diplomate. Ce dernier a critiqué le soutien assuré par les Etats-Unis et la France à l'occupant marocain.

Il a pointé du doigt la France tout particulièrement. «Le vrai problème que nous avons dans la région, le problème numéro un que nous avons, ce sont les Français», a-t-il assuré. Prenant la parole à son tour, Bill Fletcher Jr. a rappelé que des décisions annoncées par des institutions internationales, à l'image de la Cour de justice de l'Union européenne, confortent les Sahraouis dans leur lutte pour l'indépendance.

«Ces décisions internationales sont importantes sur le plan idéologique et démontrent que nous sommes du bon côté de l'histoire», s'est réjoui Fletcher. Il a appelé à davantage d'actions sur le terrain pour faire connaître la justesse de la cause sahraouie. «Nous avons besoin de mouvements populaires en France et aux Etats-Unis» en faveur de la cause sahraouie, a-t-il dit.

 

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