Revigoré par les excellents résultats réalisés en 2021, notamment à l’export, le complexe sidérurgique Tosyali Algérie, basé à Oran, se fixe «comme objectif de dépasser un milliard de dollars d’exportations en 2022». C’est ce qu’a annoncé, dans un entretien accordé à El Watan, Alp Topcuoglu, membre du conseil d’administration de ce complexe sidérurgique, qui exporte vers 25 pays situés en Afrique, en Europe, en Amérique et en Asie. L’heure est désormais au renforcement des capacités de production en projetant de lourds investissements car la demande est vigoureuse.
Propos recueillis par Cherif Lahdiri
- L’objectif du complexe sidérurgique de Tosyali Algérie de dépasser 700 millions de dollars de revenus à l’export en 2021 a-t-il été atteint ?
Nous avons largement dépassé cet objectif. L’année 2021 s’est soldée avec 760 millions de dollars de revenus nets à l’export. Au premier trimestre 2022, nos exportations ont atteint 320 millions de dollars net. L’année 2022 enregistrera un score d’exportation de plus d’un milliard de dollars de revenus. Alors oui, nous avons réussi à atteindre nos objectifs tracés au début de l’année 2021 et nous comptons même aller au-delà de nos prévisions, et ce, malgré les épineuses difficultés qui caractérisent l’activité de l’acier dans le monde.
- Votre activité a-t-elle été impactée par la conjoncture mondiale actuelle, marquée par le conflit en Ukraine ?
Nous sommes très tristes de ce qui se passe dans la région évidemment. Cette malheureuse crise a eu des effets mitigés du fait de la perturbation que connaît le marché sur les matières premières, aussi bien pour les industries de transformation que d’autres secteurs de première nécessité pour les pays. Aujourd’hui, le monde vit une situation de force majeure. Tous les secteurs sont impactés à travers le monde, s’agissant de notre activité. La Russie et l’Ukraine qui sont les plus grands fournisseurs de matière première, que ce soit en minerai de fer ou en produits finis, se retrouvent actuellement hors-circuit commercial dans lequel nous activons, c’est-à-dire, en Méditerranée, en Afrique, en Europe et aux Etats-Unis. Ces deux grands pays (la Russie et l’Ukraine, nldr) représentent 35% de nos approvisionnements en minerai de fer. Une très grande quantité de l’offre a quitté le marché global.
- Cette baisse de l’offre explique-t-elle la flambée des prix du fer sur le marché mondial ?
Oui, tout à fait. L’augmentation des prix du fer liée à la forte baisse de l’offre est une réalité. Actuellement, le minerai de fer manque sur le marché. Il est très difficile d’en trouver, ce qui explique la flambée des prix à l’instar d’autres matières, tels que le cuivre et l’aluminium pour ne citer que ces exemples d’intrant à nos industries… Ce manque de produits nous interpelle puisque l’Algérie dépend fortement de l’importation du minerai de fer, dont le prix a flambé.
En attendant la mise en exploitation du gisement de Ghar Djebilet, nos industries demeurent tributaires des autres marchés, avec tous les aléas des instabilités qui les caractérisent, ayant induit des effets sur les prix, sur les circuits des approvisionnements, c’est-à-dire la logistique (coûts du fret maritime). N’oublions pas que ces surcoûts subissent à ce jour les répercussions de la crise sanitaire. Notre dernier prix de vente du rond à béton à l’export en Belgique, a été hier (interview réalisée le 29 mars 2022, nldr) de 1070 dollars, coût et fret (CNF).
Par comparaison, notre complexe en Turquie affiche actuellement un prix de vente de 1050 dollars. Ce ne sont pas les mêmes prix en Algérie. Tosyali Algérie est donc en train de vendre le fer le moins cher dans tout le bassin méditerranéen. S’il n’y avait pas eu une hausse significative de la production nationale, ces dernières années, les prix auraient pu être beaucoup plus élevés que ceux en vigueur actuellement. Grâce à cette production locale, l’Algérie dispose, aujourd’hui, de l’acier le moins cher du bassin méditerranéen. Notre prix de vente sur le marché local en Algérie est de 895 dollars, en hors taxes, soit 17% moins cher que sur le marché mondial. Cela a été rendu possible grâce aux exportations qui nous permettent de soutenir nos prix sur le marché local.
- Les sidérurgistes activant en Algérie ont-ils la capacité de satisfaire la demande domestique ?
Oui tout à fait. Les deux sites de production qui activent en Algérie ont la capacité de satisfaire la demande locale au meilleur prix. Notre priorité à Tosyali Algérie est d’être toujours concurrentiels.
- Prévoyez-vous des investissements futurs en cas de renchérissement de la demande ?
Depuis son installation en 2007, en Algérie, Tosyali a toujours réinvesti 100% de ses bénéfices et n’a redistribué aucun dollar de dividendes. Grâce à cette politique de réinvestissement, nous sommes en train de lancer plusieurs projets. Une usine d’enrichissement de minerai de fer sera opérationnelle dès la mi-avril. Cet investissement nous a coûté 150 millions de dollars avec à la clé la création de 250 emplois directs. Cette usine nous permettra d’augmenter notre taux d’intégration et d’augmenter notre portefeuille fournisseurs. Nous pourrons ainsi enrichir différentes qualités de minerai de fer au prix plus compétitif et quelques soit leurs provenance. Cette nouvelle usine nous permettra d’acheter du minerai ayant des teneurs en fer bas et donc bon marché, car nous pouvons l’enrichir.
- Un de vos projets en cours à Oran consiste en un site de production de l’acier plat, destiné à améliorer l’intégration de l’industrie de l’électroménager et de la filière automobile. Sera-t-il opérationnel dans les délais prévus ?
Ce projet, dont l’investissement avoisine 1,5 milliard de dollars et qui permettra de créer 2000 emplois directs, sera opérationnel dans deux ans. Le chantier avance bien. La fabrication des équipements a commencé. Ce projet a une dimension majeure dans l’industrialisation du pays. Nos produits seront destinés à la transformation pour les besoins de diversification de l’économie du pays et ils remplaceront les importations actuelles des aciers plats.
- Au plus haut du pic pandémique de la Covid-19, Tosyali Algérie a renforcé les capacités de production de l’oxygène à usage médical. Êtes-vous en capacité de faire face à une éventuelle future crise ?
Avant tout, nous espérons que la crise du Covid disparaisse. Mais si le besoin en oxygène se fait davantage sentir, bien-sûr que nous répondrons à la demande comme nous l’avons déjà fait. Les capacités de nos deux unités de production d’oxygène médical ont effectivement été renforcées. Nous sommes prêts naturellement à satisfaire les besoins des hôpitaux Algériens. Nous sommes capables de leur fournir 45 000 litres d’oxygène par jour.
- Vous avez récemment signé une convention, dans le cadre de la zone de libre-échange africaine, pour booster vos exportations sur le continent. En prévision de la promulgation des textes d’application, vous souhaitez l’intégration de la sidérurgie dans la liste des activités bénéficiant de l’exonération des tarifs douaniers….
Non seulement l’intégration de la sidérurgie dans la liste des activités bénéficiant de l’exonération des tarifs douaniers sera bénéfique pour nous, mais aussi pour l’Algérie qui pourra ainsi attirer les investisseurs étrangers dans ce domaine. La zone de libre-échange africaine est une opportunité inestimable pour toutes les productions algériennes de qualités concurrentielles. Ces dernières doivent répondre en priorité à la demande nationale de manière continue et satisfaisante, tant qu’elles ont les capacités à fournir des produits au marché africain.
Le commerce interrégional africain est un marché de consommation qui ne peut pas échapper à l’Algérie, de par sa proximité par son appartenance en grande partie à l’Afrique grâce à ses excellentes relations avec les Etats africains, Le pays a de quoi se prévaloir pour marquer sa présence économique en Afrique dans un processus gagnant-gagnant.