Alors que le verdict sera connu le 6 juin : Saïd Bouteflika et Ali Haddad plaident l’innocence

01/06/2022 mis à jour: 10:07
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Saïd Bouteflika et Ali Haddad lors de l’enterrement du défunt Redha Malek

Après le lourd réquisitoire du parquet du pôle financier près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, la défense de Saïd Bouteflika, frère conseiller du défunt président déchu, et Ali Haddad, patron du groupe ETRHB, a plaidé la relaxe en tentant, lundi en fin de journée, de faire tomber les griefs de «blanchiment d’argent», «trafic d’influence», «abus de fonction», «enrichissement illicite», «non-déclaration de patrimoine», «dissipation de biens considérés comme produit de la corruption» et «financement occulte de parti politique», en ce qui concerne Saïd Bouteflika, et «blanchiment d’argent», «dissipation de produit de la corruption» et «financement occulte de parti politique», pour Ali Haddad. 

Des faits liés à l’affaire du financement de la chaîne de télévision privée Istimraria (continuité), dédiée à la campagne électorale du défunt candidat, Abdelaziz Bouteflika, pour un 5e mandat. 
 

Juste avant que le président ne mette l’affaire en délibéré pour le 6 juin, il invite les prévenus à dire un dernier mot. Saïd Bouteflika : «Je suis blessé mais rassuré. 

Mon capital, c’est ma probité. Je suis devant vous pour défendre mon honneur et ma personne. Si mon défunt frère avait démissionné et que j’avais pris ma retraite, l’accusation de corruption m’aurait suivi le restant de ma vie. 

Mais Dieu m’a donné l’occasion de me défendre devant vous et devant le peuple, qui a commis une erreur à mon égard. Que Dieu pardonne à ceux qui m’ont diffamé.» Il poursuit : «Si je suis coupable, condamnez-moi sévèrement, mais si je suis innocent, rendez-moi justice. 

C’est très grave qu’un juge dissimule 52 commissions rogatoires négatives. Ce dossier est une affaire politique par excellence. Le but étant de maintenir Saïd en prison à vie.» De la prison de Khenchela, Ali Haddad, assisté d’un avocat, commence par présenter ses excuses au juge pour la colère exprimée au début de l’audience, puis clame son innocence, mais aussi la relaxe, que le collectif des avocats a également demandée. 
 

Les avocats de Saïd Bouteflika ont commencé, quant à eux, par parler de «dossier vide», voire «d’une affaire politique n’ayant aucun lien avec les faits contenus dans l’ordonnance de renvoi». 

Composée des avocats Salim Hadjouti, Miloud Brahimi, Nabil Benouaret et de Khaled Bourayou, la défense de Bouteflika a contesté tous les faits. «L’inculpation d’enrichissement illicite ajoutée à la liste des griefs à la dernière minute, avant que l’affaire ne soit renvoyée devant le tribunal, repose sur des faits non avérés. Bouteflika ne possède que deux appartements. 

Le premier à El Biar, acquis en 1985 dans le cadre de la cession des biens de l’Etat, et le second à Ben Aknoun, acheté en 2012, avec trois box pour véhicules, que l’OPGI a transformé en 7 box», déclare Me Hadjouti. L’avocat s’insurge : «Comment peut-on poursuivre quelqu’un pour des biens hérités de sa mère et de son frère décédés ?» 

Puis, il ajoute : «Il y a eu 52 commissions rogatoires revenues toutes négatives et sont donc en faveur de Bouteflika, mais n’ont pas été citées par l’ordonnance de renvoi et que le juge a dissimulées. 

Il s’est malheureusement basé sur le résultat d’une commission rogatoire rédigée par les services de la sécurité intérieure, qui ont amplifié les biens de Saïd Bouteflika, alors que la Conservation des Domaines de la daïra de Bouzaréah a contesté ces informations et déclaré que ces biens ne pouvaient être saisis.» 
 

«Sept inculpations, un seul fait»
 

Me Hadjouti rappelle, par ailleurs, que son mandant est poursuivi pour sept inculpations «sur la base d’un seul fait», précisant que «dans de pareils cas, l’article 132 du code pénal préconise la qualification la plus sévère. La chaîne Istimraria, qui devait être lancée, n’est pas une chaîne de télévision classique. 

Il s’agissait d’une web-TV qui diffuse sur les réseaux sociaux. Pour ce qui est du financement de la campagne électorale, l’ordonnance de renvoi n’a cité aucun fait qui le prouve, et le matériel au centre de cette poursuite n’a fait l’objet d’aucun document qui prouve qu’il était au siège de la campagne électorale à Hydra». 

L’avocat note, par ailleurs, que «le sens politique de Saïd Bouteflika et de son défunt frère, Abdelaziz Bouteflika, ne permet pas d’utiliser le mot ‘‘istimraria’’, à l’ombre de la contestation populaire du 22 février 2019. 

C’est une aberration difficile à admettre». Me Hadjouti demande au président d’innocenter Saïd Bouteflika de tous les griefs et de lui restituer ses biens saisis et son passeport. Lui emboîtant le pas, Me Nabil Benouaret s’en prend au procureur qui réclamait une peine de 10 ans de prison ferme contre Saïd Bouteflika, «sans qu’il n’apporte, dit-il, la moindre preuve». 

L’avocat affirme : «Peut-on croire que l’héritage soit illégal pour que Bouteflika soit poursuivi pour enrichissement illicite ? C’est une honte pour la justice.» Me Benouaret revient lui aussi sur les 52 commissions rogatoires négatives «non remises à la défense», et dénonce «une violation des articles 62 et 62 bis du code de procédure pénale». 
 

Composée des Mes Nabila Abrous et Nadir Lakhdari, la défense de Ali Haddad commence par faire remarquer que l’homme d’affaires a déjà été condamné «à plusieurs reprises et définitivement» pour le délit de «financement occulte de parti politique» et, de ce fait, «il n’y a pas lieu de le prendre en compte lors des délibérés, et ce, en vertu du premier article du code de procédure pénale, mais aussi de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui interdit de poursuivre une personne plusieurs fois pour les mêmes faits». Revenant aux faits, Me Lakhdari estime que son mandant n’est poursuivi que pour «le financement de la campagne électorale» du défunt président déchu. 

«Délit pour lequel le parquet a requis 10 ans de prison ferme, sans pour autant respecter les principes et droits consacrés par la Constitution, en présentant le moindre élément qui prouve directement ou indirectement que Ali Haddad a réellement financé la campagne électorale.» 

Abordant la question du matériel audio-visuel, objet de cette affaire, l’avocat explique qu’il était destiné à un projet de création d’une chaîne de télévision pour la diffusion des matchs de football pour lesquels la chaîne Dzair TV avait obtenu les droits de diffusion. 

«C’est sur cette base que Ali Haddad a transféré le montant de 75 millions de dinars pour l’acquisition du matériel, qui s’est faite en 2018, bien avant que le défunt président n’annonce sa candidature pour un 5e mandat.» 

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