Alors que la loi permet aux prisonniers de bénéficier de la liberté conditionnelle ou provisoire : De nombreux détenus hospitalisés pour maladies graves

18/08/2022 mis à jour: 04:02
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Après avoir passé plusieurs séjours au pavillon pénitentiaire de l’hôpital Mustapha Pacha, à Alger, l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal, âgé de 75 ans, a été évacué, dimanche dernier, de la prison de Koléa vers la même structure pour des soins intenses liés à des problèmes cardiovasculaires, qui se sont aggravés depuis quelques mois. Il n’est pas le seul à y être admis. D’autres détenus y ont été transférés en urgence. 

Parmi eux, les anciens ministres Tayeb Louh, Abdelghani Zaâlane, l’ex-patron de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel, l’homme d’affaires Laïd Benamor, mais aussi l’ancien secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, et Rachid Tahkout, (frère de l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout), qui avaient tous les deux subi de lourdes opérations chirurgicales. Ces cas ne reflètent pas la réalité du nombre de détenus à la santé fragile, car l’évacuation vers les établissements hospitaliers ne se fait qu’en cas d’extrême urgence. Les lits des infirmeries des prisons affichent souvent complet en raison du nombre important de détenus nécessitant des soins particuliers et un suivi permanent par une équipe médicale. 
 

A El Harrach par exemple, et après de nombreux séjours au pavillon pénitentiaire de l’hôpital Mustapha Pacha, l’ancien ministre de la Solidarité et secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, âgé de 89 ans, cardiopathe, est sous observation à l’infirmerie, comme l’été avant lui, l’ancien ministre du Travail, Mohamed Ghazi, condamné à une peine définitive de 10 ans de prison ferme et un million de dinars d’amende, dans le cadre de l’affaire de «Mme Maya», de son vrai nom Zoulikha Nachinèche (présumée fille du défunt Président déchu), avant qu’il ne bénéficie d’une liberté pour des raisons médicales au début du mois en cours, pour de graves maladies neurologiques. 

Contactés, de nombreux avocats affirment que «la loi permet aux juges d’application des peines ou au juge du siège de limiter les souffrances des détenus très malades en leur permettant de quitter la prison, mais rares sont ceux qui en bénéficient». Me Benallègue plaide pour une «humanisation» de la justice, en rappelant que la législation prévoit l’élargissement pour des raisons médicales. «Le pavillon pénitentiaire de l’hôpital Mustapha, pour ne citer que celui-là, est toujours plein. Ainsi Ayadhi, ancien wali de Médéa, condamné à 3 ans ferme et qui souffre d’une grave maladie, est tout le temps sous observation. Dans moins de trois mois, il aura purgé sa peine, mais la demande de mise en liberté n’a pas eu de réponse. Il risque de mourir en prison avant que son procès ne soit programmé», dit-il, précisant par ailleurs que «l’ancien ministre des Transports, Boudjemaa Talai, qui était lui aussi atteint d’une lourde pathologie, serait mort en prison si sa peine n’avait pas été revue à la baisse avec un sursis. Il est mort le 6 août, moins d’un mois après sa libération». 

Abondant dans le même sens, Me Khader revient sur le cas de son mandant, Abdelmalek Sellal, qui avait été évacué à l’hôpital Mustapha dimanche dernier. «Sa santé s’est détériorée. Il souffre de maladie cardiaque et de l’hypertension, sans compter un cancer en veille du pancréas. Comment peut-il résister alors qu’il a 75 ans ? Il a une seule condamnation définitive de 12 ans de prison ferme. Même dans ce cas, la loi lui permet de bénéficier de la liberté pour des raisons médicales. Pourquoi n’y a-t-il pas droit ? Il n’est pas le seul. Rachid Tahkout a subi deux lourdes opérations en prison et lui reste 8 mois à purger, mais sa demande de liberté pour des raisons médicales n’a pas eu de réponse», déclare Me Khader. 
 

Pour l’avocat, il y a une question qui revient souvent : pourquoi garde-t-on des détenus très âgés et malades en prison ? Quel intérêt a l’Etat de laisser mourir un détenu dont le pronostic de survie est engagé, mourir loin de sa famille ? 
 

«De nombreux détenus souffrent de lourdes maladies dans les prisons»
 

Les mêmes questionnements sont exprimés par Me Allouche, précisant toutefois qu’«il y a de nombreux détenus de droit commun n’ayant pas la chance d’être connus, qui souffrent de maladies dans les prisons. Un de mes mandants condamné à une lourde peine est atteint d’une sclérose en plaques très aiguë. J’avais demandé une expertise médicale qui m’a été refusée, et il a fallu attendre 5 ans pour que la Cour suprême accepte ma demande. La loi donne le droit au justiciable qui a fait la moitié de sa peine définitive de demander la liberté conditionnelle. Une commission au niveau de l’administration pénitentiaire statue généralement deux fois par an sur ces cas, bien sûr après le paiement des amendes et des sommes qui reviennent à la partie civile. Pour ce qui est de la liberté provisoire, c’est au  niveau du juge de siège que la demande du détenu est déposée ou au niveau de la Cour suprême lorsque son affaire est en cassation. 

Pourquoi ces demandes restent souvent sans réponse ? Certains détenus laissent toute leur santé en prison et, parmi eux, il y en a qui ne vivent pas longtemps après leur libération». Avocat de Djamel Ould Abbès, Farouk Ksentini affirme que son mandant est dans un «état assez inquiétant. Il a dépassé les 89 ans et traîne de nombreuses maladies qui l’obligent à rester en permanence en infirmerie sous observation médicale. Il a une condamnation définitive de 6 ans, dans le procès lié à sa gestion du département de la Solidarité. Les demandes de mise en liberté pour des raisons médicales n’ont toujours pas eu de réponse. Il risque de laisser sa vie en prison. Il est tout le temps alité et ne peut plus marcher. A son âge, il devrait être rendu à sa famille». M. Ksentini plaide pour une gestion «plus humaine» des détenus malades et âgés. Selon lui, «la loi le permet, il n’y a donc aucune objection à ce que le justiciable puisse bénéficier d’une liberté conditionnelle ou provisoire». 

Le défenseur de l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, incarcéré à la prison d’Abadla à Béchar, revient de son côté sur la commission chargée par l’administration pénitentiaire de statuer sur les cas de mise en liberté provisoire ou conditionnelle pour des raisons médicales. «C’est elle qui donne un avis sur les demandes après étude du dossier médical, lorsqu’il s’agit de liberté pour des raisons médicales et provisoires, mais la décision finale revient au magistrat de siège ou à celui de l’application des peines. Il y a nécessité de se pencher sur les cas des détenus malades qui nécessitent des soins particuliers qui, parfois, ne sont pas disponibles dans le secteur public, ou ceux dont l’état est irréversible.» Tous les avis se rejoignent pour interpeller les autorités judiciaires sur le maintien des détenus gravement malades en détention. La crainte de décès en milieu carcéral est omniprésente. 

La mort de l’ancien ministre des Télécommunication Moussa Hammadi, du médecin Ali Lakhdari, trésorier de l’association Paix et solidarité (que présidait l’ex-ministre de la Solidarité, Djamel Ould Abbès), de Kamel Eddine Fekhar, sans compter celle, quelques années plus tôt, du journaliste Mohamed Tamalt et d’autres personnes enterrées anonymement ont fait tache d’huile et mis l’administration pénitentiaire et la justice dans l’embarras. Non pas parce qu’ils sont morts, mais justement parce qu’ils auraient pu bénéficier de la liberté pour des raisons médicales en raison de la dégradation de leur état de santé durant leur détention. 
 

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