Alerte à l’ailante, il envahit les villes

23/06/2022 mis à jour: 11:02
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Photo : D. R.

Vous le connaissez bien, vous ne pouvez pas l’avoir raté. Il est partout, il pousse vite, là où il y a une motte de terre, entre les vieilles pierres ou dans les anfractuosités des nouvelles constructions, un talus, une friche, un jardin abandonné, un parc non entretenu. Une fois installé, on ne peut plus s’en débarrasser. L’ailante envahit nos villes.

Rien ne sert de le déraciner, c’est pire que le chiendent. Il drageonne, c’est-à-dire que les nouvelles pousses auxquelles il donne naissance proviennent des racines, pas du tronc comme les rejets, et que les arracher ne sert à rien, elles repoussent. Tout recépage, abattage, bêchage autour de cet arbre provoque la remontée des drageons. Une zone entière peut ainsi être rapidement envahie, au détriment des autres végétaux, tués peu à peu par sa toxicité. Cette vivacité s’explique par sa courte durée de vie qui n’est que de 50 ans.

C’est Ailanteglanduleux ou Ailante tout court, une plante, un arbre, originaire d’Asie, encore appelé Faux-vernis du Japon, Vernis de Chine, Frêne puant parce que ses feuilles froissées dégagent une odeur nauséabonde. Son nom scientifique est Ailanthusaltissima, «altissama» parce que rapidement, en mois de 25 ans, il peut atteindre 15 mètres de haut.

Introduit en Europe dès le XVIIIe siècle pour ornementer les avenues et les parcs, à commencer par le Chelsea Garden de Londres en 1751 et au Jardin botanique de Padoue vers 1760, et hôte du Bombyx de l’ailante, un papillon de nuit utilisé pour la production d’une substance analogue à la soie, il s’est fortement implanté ensuite sur le pourtour méditerranéen. Il y a trouvé des conditions semblables aux forêts tempérées de Chine, de Corée et de Taïwan d’où il vient.

Depuis, l’espèce a été mise en place dans de nombreuses autres régions au-delà de son aire d’origine. Malgré ses nombreux défauts, odeur désagréable, bois sans valeur, pouvoir allergisant de sa sève et un miel qui sent l’urine de chat, c’est devenu un élément du paysage arboré européen et une partie de la culture occidentale comme dans le best-seller américain A Tree Grows in Brooklyn de Betty Smith.

Espèces envahissantes

Aujourd’hui, l’Ailante est en tête des espèces dites envahissantes. Il s’est établi à grande échelle dans les villes, le long de voies ferrées, en bordure des routes et le long des cours d’eau même pollués, des talus, des terrains vagues, sur tous les types de sols dans une vaste gamme d’habitats. Il ne laisse aucune place à la végétation indigène et domine les sites où il s’établit grâce à sa croissance rapide, à son drageonnement vigoureux et à sa production de substances chimiques qui empêchent les autres végétaux de croître.

Ses racines puissantes peuvent endommager les égouts, les fondations et les trottoirs. Les seuls moyens connus pour s’endébarrasser c’est soit arracher les jeunes plants mais obligatoirement avec les racines pour ne pas provoquer de repousse et à plus grande échelle, par l’encerclage qui consiste à entailler et à écorcer le tronc de l’Ailante sur une profondeur de 3 à 5 cm au plus près du sol, pour que la sève ne circule plus et que l’arbre meurt au bout d’un an ou deux.

A Constantine, Abdelwahab Kara Ali, un forestier de la Conservation de Constantine, à la retraite, a constaté une progression fulgurante de la plante en une décennie. Il lance dès cette époque des alertes par ses écrits et vidéos mais, se désole-t-il, il n’y a aucune réaction à ce qu’il qualifie d’effroyable et qui exige déjà un travail colossal rien que pour contenir la progression. Il a pu constater le remplacement des chênes liège par l’Ailante dans la forêt du plateau de Mansourah, de Djenane Dardar, sur les talus de Sidi Mcid.

Il a poussé partout où le sol a été perturbé, notamment dans les zones de déblais ouvertes pour la réalisation du nouveau pont géant et ajoute-t-il jusqu’en dans le jardin du Bardo en cours de réalisation. A Alger, nous révèle Karim Tedjani, militant écologiste, l’Ailante est présente au Jardin d’essais où on a du mal à la contrôler et au Bois des arcades. 

Personne n’en parle aussi à Alger s’étonne Karim Tedjani alors qu’elle est visible partout. Il ajoute que c’est un arbre qui a beaucoup d’inconvénients mais également quelques avantages dont il faut savoir tirer profit, il pousse vite et sans préférence pour le support.

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