La démarche alerte, le teint basané, la silhouette décharnée, Laid, la cinquantaine bien consommée, vit de la vente de matériaux recyclables qu’il récupère des dépotoirs de la ville d’Akbou.
Une vie de galérien, à laquelle il a dû se résoudre après la fermeture de l’entreprise de bâtiment, où il exerçait comme veilleur de nuit. «Du jour au lendemain, je me suis retrouvé dans un trou noir, sans le sou, avec une femme et deux enfants sur les bras », se remémore-t-il. L’agglomération d’Akbou et les pôles urbains alentours comptent des dizaines de ces collecteurs de déchets. Travailleurs précarisés, jeunes désœuvrés, chômeurs de longue durée, ont fait de cette activité leur gagne-pain. Chaque jour que Dieu fait, ils font les poubelles et les niches à ordures du centre-ville et des quartiers résidentiels, fouillent et farfouillent les dépotoirs sauvages qui pullulent un peu partout.
D’autres ramasseurs préfèrent investir les sites à gros gisement de déchets, que sont les décharges publiques. Bouteilles plastiques, papier, carton, canettes en aluminium et déchets ferreux, sont soigneusement triés, empilés et refilés contre des clopinettes à des intermédiaires, qui les commercialisent à leur tour auprès des recycleurs industriels. « C’est un labeur sale, ingrat et risqué. Même en bossant de l’aube au crépuscule, je n’arrive parfois qu’à gagner une poignée de dinars. Sans compter le danger d’être contaminé par un quelconque déchet toxique ou de marcher sur un objet contondant. Je n’ai qu’une paire de gants de fortune pour protéger un tant soit peu mes mains », maugrée un jeune collecteur, un ballot en jute sur le dos. « Quand j’ai investi ce créneau, il y a un peu plus de six ans, il y avait des déchets ferreux à la pelle dans les décharges et un peu partout dans la nature. Aujourd’hui, le nombre important de recycleurs a rendu ce matériau rare. Il faut ratisser large et récupérer tous les types de déchets, qui ont la moindre valeur marchande, pour récolter de quoi couvrir ses besoins vitaux », se désole notre interlocuteur. Le visage marqué par les stigmates de l’âge, un ramasseur de « pépites », la quarantaine, achève de fouiller le dernier bidon d’un quartier populaire d’Akbou. « L’Etat devrait songer à nous aider en légalisant cette activité. Nous avons besoin de considération et de protection. Nous ne cherchons qu’à faire vivre nos familles, tout en contribuant à protéger l’environnement et à améliorer le cadre de vie du citoyen », dira-t-il, sur un ton fier mais acrimonieux. L’activité de ces ramasseurs a permis, néanmoins, à l’aval l’émergence d’une flopée de recycleurs clandestins.
Une véritable industrie interlope, une activité que l’Etat doit organiser. Ces recycleurs informels se font livrer les matériaux par les collecteurs ou s’approvisionnent dans les entrepôts de déchets installés aux abords de la RN 26.