Aïn Témouchent : Festival Lire en fête, une manifestation à recadrer

06/06/2022 mis à jour: 06:02
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Photo : D. R.

Le festival «Lire en fête», qui draine chaque année beaucoup d’élèves en bas âge, gagnerait à être recadré pour se recentrer sur son objectif initial : contribuer à inculquer aux enfants le plaisir de la lecture, et les familiariser au monde des livres.

Coïncidant avec la fin de l’année scolaire et la célébration de la journée de l’enfance, la manifestation Lire en fête se déroule depuis le 1er juin à la bibliothèque de lecture publique pour durer une semaine. Des clowns, des animateurs déguisés en personnages de dessins animés déambulent ravissant le public juvénile. Sur le parvis, en des espaces couverts, des jouets sont disponibles. Ailleurs, des animatrices griment les enfants. On chante à tue tête, s’éclatant comme on peut.

A l’intérieur, dans l’immense hall, des étals proposent de la littérature enfantine. Il y a de tout, même des livres en braille. Un étal est également là pour accueillir des dons de livres. Dans un coin, Mohamed, 14 ans, en digne petit-fils du comédien Aïssa Moulferaa, fait des tours de magie qui interloquent les gamins et même les adultes. Dans la salle de spectacles qui voisine le hall, deux animateurs, Ammari et Sid Ahmed Zerhouni, les tiennent en main avant le début d’un spectacle de théâtre.

Ils les taquinent, les amusent et les font chanter. Tout a été fait pour que la fête soit, à l’instar de ce qu’il en est en toutes les manifestations du festival «Lire en fête» à travers le pays. Les encadreurs font ce qu’ils savent faire habituellement.

Cependant, force est de constater qu’ils n’ont pas été formés, tout comme partout ailleurs à travers le pays, que toutes les activités programmées ne valent pas pour elles mêmes mais en ce qu’elles peuvent promouvoir l’acte lexique chez les enfants. D’évidence, le ministère de la Culture devrait faire le bilan de ce festival et rectifier le tir en vue de le recadrer sur son objectif, celui de contribuer à amoindrir l’échec de l’école à inculquer le plaisir et l’envie de lire chez les enfants.

Tout spécialiste a fait le constat que cet échec se poursuit toujours même avec la disparition de l’école fondamentale dans la mesure où la même pédagogie qui y sévissait a été maintenue, celle de l’apprentissage d’une langue simplifiée en substitution à la langue authentique des écrivains, celle de la complexité et de la transmission d’un patrimoine culturel.

Dans les textes fabriqués pour l’enseignement, la narration est réduite à sa plus simple expression, sans un récit captivant, ni des personnages attachants entrainés dans des aventures attrayantes. C’est exactement ce que proposent les pseudos livres de littérature enfantine que personne n’achète. En Europe, l’anthologie de textes d’auteurs qui était proposée a été remplacée par une liste de titres d’œuvres complètes qui a pour objectif de forger la culture du jeune enfant.

En Algérie, c’est un manuel qui est imposé et qui tout au plus confronte à une cinquantaine de mots nouveaux alors qu’en Europe un seul titre enrichi l’enfant de 1000 à 2000 mots par an selon Malika Boudalia Bouchenak, une psychopédagogue de renom. Or, rappelle-t-elle, «c’est avec des mots que l’être humain peut raisonner» et qu’en conséquence, «limiter le vocabulaire de l’enfant, c’est le priver des moyens pour exprimer une idée abstraite ou une réflexion complexe».            

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