L’Algérie fait face à un immense défi : comment promouvoir une agriculture durable et respectueuse des ressources naturelles et être capable également de nourrir sainement une population croissante.
De plus en plus de voix plaident pour l’adoption de bonnes pratiques permettant une gestion raisonnée des produits phytosanitaires et l’utilisation de méthodes durables pour garantir une agriculture saine. «Les institutions algériennes ont la volonté d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Je m’inscris tout à fait dans cette démarche. Mais comment atteindre l’autosuffisance ?
Devrons-nous atteindre l’autosuffisance à tout prix ? Allons-nous continuer à adopter l’agriculture chimique qui n’est pas durable et qui va finir par appauvrir et détruire nos sols et polluer nos nappes phréatiques ?» s’interroge Fayçal Anseur, un Oranais passionné d’écologie, diplômé d’Etat en maraîchage biologique à Paris, entrepreneur et formateur en Permaculture.
«Des études menées par des médecins algériens ont clairement établi une corrélation entre l’alimentation contenant des résidus chimiques et le développement des cancers. L’objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire est tout à fait louable et légitime, mais il faut adopter des solutions durables. Le facteur écologique doit être pris en compte», plaide Fayçal Anseur.
Ce dernier a donné un coup de projecteur sur un concept jusque-là inédit en Algérie : la permaculture, qui vient de la contraction entre «permanent» et «agriculture». Ce concept, appuyé sur les idées de l’agroécologie, a pour but de reproduire tout simplement le fonctionnement de la nature. Ce concept exclut la monoculture et mise a contrario sur une pertinente association de plantes, un arrosage modéré et le moins de désherbage possible.
L’exploitation de synergies naturelles permet un bon niveau de productivité, tout en protégeant l’environnement et la santé. Il s’agit d’une approche éthique et durable qui mise sur l’utilisation de ce que la nature fait seule. Elle est basée sur les lois de la nature pour en dériver des principes d’efficacité énergétique. «La permaculture est une conception de l’agriculture durable, fondée sur l’inspiration des écosystèmes et des cycles naturels», souligne Fayçal, qui est aussi formateur et intervenant en permaculture pour le compte du CFPPA de Bougainville (France). «Le concept s’inspire des fonctionnements des écosystèmes naturels (les forêts par exemple) pour promouvoir une agriculture saine, rentable et résiliente, conjuguant savoir-faire des anciens et progrès scientifiques (botanique, pédologie, biologie, etc.)», souligne Fayçal.
Faut-il adapter les concepts d’agroécologie et de permaculture à la réalité algérienne ? «Tout à fait. Tous ces concepts doivent être adaptés à la réalité algérienne sur différents paramètres. Il y a le critère pédoclimatique (quel type de sol et quel type de climat) et le critère immatériel (connaissance). Il faut commencer par sensibiliser les agriculteurs, mais aussi les chercheurs, les universitaires et les scientifiques. L’idée est d’adapter les techniques aux conditions pédoclimatiques, culturelles, économiques etc.» soutient ce militant écologiste.
La formation au cœur des défis
«L’agriculture naturelle est intégrée dans la permaculture. C’est un savoir-faire empirique, transmis de père en fils. J’ai rencontré des agriculteurs en Algérie qui font de la permaculture sans le savoir», estime Fayçal, qui explique que «la permaculture est une science, mais elle est avant tout un état d’esprit, un art de vie. C’est la recherche permanente de solutions durables et efficaces aux problèmes de l’humanité et de la planète.»
Des offres de formation à la permaculture commencent à émerger en Algérie. Fayçal Anseur a lancé, il y a trois ans, une tournée de formation et de sensibilisation en permaculture. Il a animé des stages en immersion à l’ITMAS d’Alger, à Aïn Témouchent et dans une ferme aux Andalouses, une station balnéaire oranaise. Une formation en permaculture s’est déroulée, récemment, à l’Institut de développement des ressources humaines (IDRH) basé à Canastel, à Oran. Les participants, qui ont appris les rudiments de base sur comment cultiver un jardin en permaculture, sont accompagnés dans une démarche holistique pour le design et la réalisation de leurs projets. «L’objectif des formations est de sensibiliser à la pratique de la permaculture à travers différents types d’écosystèmes algériens.
La formation cible la société civile, les agriculteurs et les acteurs institutionnels», explique Fayçal. «Ces formations se sont déroulées dans les Instituts de technologie agricole. Nous misons sur une approche holistique en ciblant le maximum de monde. Nous comptons faire une tournée avec 11 sessions qui vont se dérouler dans le Sud, en Kabylie, en Oranie...» se projette ce militant écologiste.
Les stagiaires sont encadrés par un permaculteur, un pédologue et une pharmacienne spécialisée dans les plantes médicinales et l’ethnobotanique, avec la participation d’une association dans le domaine de la biodiversité marine et du développement durable et l’écotourisme. «Se former à la permaculture, c’est réfléchir à une alternative équitable et pérenne pour répondre aux défis écologiques et socioéconomiques nationaux, continentaux et mondiaux», estime Fayçal, fondateur d’Agroperma, un bureau de conseil de formation design, installation et suivi de projet en France et en Algérie.
«La deuxième étape est de trouver un terrain où s’installer pour lancer une ferme expérimentale avec un laboratoire de recherche qui va intégrer les potentiels porteurs de projets», dit-il. «L’objectif est de créer un réseau algérien qui ne sera pas uniquement lié à l’agro-écologie et à la permaculture, mais englobant une approche holistique. Notre démarche s’inscrit dans la globalité en incluant l’agronomie, l’économie, l’artisanat, l’architecture traditionnelle, l’écotourisme, etc. C’est un projet de société économique, culturel et agronomique», précise-t-il.
Que faire pour intégrer la permaculture dans les cursus de formation institutionnelle en Algérie ? «L’IDRH d’Oran est très motivé et intéressé par le projet de pouvoir proposer des offres de formation variées, qu’elles soient générales ou spécifiques pour les agriculteurs et pour les acteurs institutionnels», se réjouit Fayçal. «De plus en plus de chercheurs et d’enseignants universitaires sont intéressés par cette approche d’une agriculture saine. Ils ont suivi notre formation soit à titre personnel ou via les ITMAS. Il y a un intérêt certain. Il y a eu des rencontres très intéressantes avec les acteurs institutionnels.
Il y a eu d’excellents échanges. Après une formation assurée à l’ITMAS d’Alger, des responsables ont affiché leur volonté d’intégrer la permaculture dans le cursus de formation», dit-il l’air satisfait. «Toutefois, nous considérons qu’il faut d’abord appliquer la permaculture sur le terrain pour mieux convaincre. Nous sommes justement à la recherche d’un terrain agricole à Oran pour mettre en pratique la permaculture. C’est ce que je fais en France, où je gère des fermes. Je fais de la production, de l’expérimentation et de la recherche», souligne Fayçal Anseur.