Affaire du chef des services spéciaux tunisien Lazhar Loungou : Les réseaux des islamistes d’Ennahdha aux abois

23/07/2022 mis à jour: 21:53
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Le président tunisien, Kaïs Saïed, a mis en place un système politique qui ne laisse pas de place à l'islamisme politique

Le haut sécuritaire Lazhar Loungou remis aux autorités tunisiennes par leurs collègues algériennes, le 21 Juillet 2022, serait l’un des maillons forts du réseau des islamistes d’Ennahdha dans les hautes sphères de la sécurité. 

Loungou assurait, jusqu’au 25 juillet 2021, la fonction de Directeur général des Services spéciaux. Il fut l’un des premiers à être limogé et assigné à résidence par le président de la République depuis le 5 août 2021, quelques jours après le coup de force du 25 juillet 2021. Loungou a été empêché le 6 mars 2022 de prendre l’avion pour Paris, alors qu’il était en salle d’embarquement de l’aéroport Tunis Carthage. Un gros poisson entre les mains des autorités tunisiennes. 
 

Les islamistes d’Ennahdha ont cherché durant la dernière décennie à disposer d’un réseau de soutien dans tous les centres névralgiques de l’Etat et à la tête de plusieurs entreprises nationales pour faciliter la mainmise sur l’Etat. Ils ont utilisé divers cadres et agents, des ministres aux simples commis de l’Etat. Ils se sont permis d’élever de simples ingénieurs, ou administrateurs, aux grades de directeurs, voire même directeurs généraux. Lazhar Loungou était l’une des pièces maîtresses d’Ennahdha au ministère de l’Intérieur. Loungou a occupé le poste d’attaché sécuritaire à l’ambassade de Tunisie à Paris, avant de revenir, en avril 2021, au poste de Directeur central des renseignements. C’était la lune de miel entre Ennahdha et l’ex-chef de gouvernement, Hichem Mechichi. 
 

Le ministère de l’Intérieur fut donc l’une des cibles des islamistes. Ils ont composé, avec leurs partenaires dans la sphère politique, pour avoir des ministres dociles qui n’échappent pas à leur contrôle, même s’ils ne sont pas des nahdhaouis  pure souche, comme avec Ali Laâreyedh en 2012-13. Ce fut le cas des Lotfi Ben Jeddou, Najem Gharsalli, Hédi Majdoub, ou encore Hichem Fourati. Lotfi Brahem a passé à ce poste de ministre de l’Intérieur moins de neuf mois (septembre 2017-juin 2018) parce qu’il a cherché à ouvrir certains dossiers sécuritaires qui dérangent les nahdhaouis. Lotfi Brahem a tenté d’ouvrir les dossiers examinés aujourd’hui par le ministre Taoufik Charfeddine. Avec les autres ministres, se succédant depuis 2012, ce fut le calme plat pour Ennahdha. Et ce sont ces maillons forts intermédiaires, comme Lazhar Loungou, qui permettaient cette mainmise. 
 

Dessous
 

Plusieurs affaires reviennent ces jours-ci au-devant de la scène tunisienne en matière de lutte antiterroriste et de blanchiment d’argent, notamment celles du réseau secret d’Ennahdha, de l’affaire dite Instalingo et l’autre en rapport avec l’ONG Namaa. Il y a des liens évidents avec Doha et Ankara dans les trois affaires. Déjà, pour Instalingo, cette firme spécialisée dans la production et le développement de contenus numériques, il y a la garde à vue depuis le 17 juin 2022 de Mohamed Ali Aroui, l’ex-porte-parole du ministère de l’Intérieur, avant de passer attaché sécuritaire auprès de l’ambassade de Tunisie à Ankara. En plus, Lazhar Loungou devrait comparaître dans le cadre de la même affaire, selon une source sécuritaire citée par Radio Mosaïque Fm. Par ailleurs, le principal accusé Haythem K’hili est basé en Turquie depuis 2015 et fait partie d’un vaste réseau en lien avec les Frères musulmans. 
 

L’affaire Instalingo n’est pas indépendante de l’affaire «Namaa Tounes», dirigée par le beau-fils de l’ex-chef de gouvernement, Hamadi Jebali. Ce suspect est lui-aussi basé en Turquie. Le principal délit reproché à Namaa Tounes consiste en l’absence d’adéquation entre les fonds reçus par l’ONG et ses activités déclarées. On la soupçonne d’être complice dans l’envoi de plusieurs milliers de jeunes Tunisiens en Syrie et en Libye. 
 

Le beau-fils de Jebali aurait bénéficié des circuits de l’Etat pour permettre à ces jeunes de disposer rapidement de passeports afin de partir sur des vols affrétés par l’ONG, auprès de la compagnie Syphax, propriété d’un député d’Ennahdha. Lazhar Loungou est également au courant de ces départs vers la Syrie. Il est également partie prenante dans l’affaire Imed Achour, l’ex-chef du renseignement et de l’antiterrorisme, arrêté durant 18 mois. Achour est parvenu à limoger 256 agents infiltrés par Ennahdha dans sa direction. Loungou serait associé à l’affaire montée contre Achour. Ce Loungou connaissait trop de choses et il a préféré «déguerpir». 
 

Tunis 
De notre correspondant  Mourad Sellami

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