Affaire de l’exfiltrtation d’Amira Bouraoui : Pourquoi les canaux de concertation entre Paris et Alger n’ont pas fonctionné ?

12/02/2023 mis à jour: 21:16
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Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron

Retour à la case départ : les relations entre l’Algérie et la France tiennent beaucoup de la mythologie du rocher de Sisyphe, toujours prompt à refaire le chemin inverse, une fois parvenue au sommet, au prix de laborieux efforts.

La dernière brouille entre Paris et Alger, fin 2021, à peine surmontée, qu’une autre vague violente s’invite dans les eaux profondes tumultueuses des relations bilatérales. Cette nouvelle crise de confiance entre Paris et Alger fournit, une fois de plus, la démonstration de la complexité et de la fragilité des relations entre les deux pays. Des rapports alternant le chaud et le froid, quand le courant ne passe plus ou mal entre les deux parties, comme c’est le cas avec la crise diplomatique générée par l’exfiltration par les services consulaires français de l’activiste franco-algérienne Amira Bouraoui de la Tunisie vers la France. Personne n’aurait imaginé que l’idylle que semblait vivre le couple France-Algérie, auréolée par la signature d’un «partenariat stratégique renouvelé» salué, de part et d’autre, comme le signe d’un nouveau départ dans les relations entre les deux pays, aurait pu connaître une nouvelle sortie de route, aussi violente qu’inattendue. D’autant que les signaux d’une entente cordiale au sommet entre les deux chefs d’Etat Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron paraissaient tous au vert. Les contacts téléphoniques entre les deux dirigeants sont réguliers et marqués, officiellement, du sceau de l’amitié et de la volonté politique partagée d’aplanir tous les dossiers qui sont encore pendants entre les deux pays. Le président Tebboune s’apprêtait à effectuer au mois de mai prochain une visite d’Etat en France, qualifiée d’historique par les analystes. Le chef d’état-major, le général d’armée Saïd Chanegriha vient de séjourner en France dans le cadre de la coopération militaire bilatérale, une première dans ce domaine qui fait suite à la réunion conjointe tenue en Algérie entre les états-majors des deux pays dans le cadre de la visite de la Première ministre française, Elisabeth Borne, en Algérie. Que s’est-il alors passé pour qu’un froid polaire s’installe à nouveau entre les deux capitales ? Avec la batterie d’accords et de mémorandums d’entente signés, dans nombre de secteurs, y compris sécuritaire, entre les deux parties lors des différentes rencontres à un haut niveau, et encore tout récemment, dans le cadre de la réunion de la 5e session du Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) algéro-français qui s’était s'est tenue les 9 et 10 octobre 2022, à Alger,  on était fondé à croire que tout était réglé comme du papier à musique et que les situations conflictuelles, les crises majeures qui ont opposé auparavant les deux pays appartiennent au passé. Eh bien Non ! Au-delà des arguments présentés par Alger et Paris face à cette affaire d’exfiltration d’Amira Bouraoui vers la France au départ de Tunis, l’Algérie accusant la France de violation de la souveraineté nationale, en passant outre une décision de la justice algérienne, et l’Hexagone justifiant son acte par l’exercice d’un droit régalien relatif à la protection consulaire due à une ressortissante française, il est un fait que les rapports de confiance laborieusement rétablis après le coup de grisou de l’automne 2021 sont de nouveaux rompus. Dans cette affaire, les autorités algériennes se sont senties plus que flouées, trahies, au plus haut niveau des centres décisionnels de l’Etat français pour n’avoir pas actionné les canaux de concertation existants, y compris les contacts directs et personnels entre les deux chefs d’Etat, pour examiner, dans la sérénité et le respect des lois et de la souveraineté de chaque pays, les voies et moyens diplomatiques appropriés pour trouver une solution à cette crise dans le respect des lois internes à chaque pays et du droit international. Que la décision ait reçu l’onction de l’Elysée ou qu’elle ait été prise en dehors de ses murs, par d’autres relais, diplomatiques et sécuritaires, ce qui parait peu probable, compte tenu de la particularité et de la sensibilité des rapports algéro-français, ne change rien au fond de la crise qui s’est installée entre les deux capitales.

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