Actrice algérienne Lyna Khoudri : Le cinéma comme instinct

13/03/2023 mis à jour: 01:26
AFP
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En 2020, elle remportait le César du  meilleur espoir féminin, depuis, Lyna Khoudri s’est imposée comme une valeur sûre du cinéma français.

 

Son secret ? Un magnétisme à toute épreuve et un «instinct» dans le choix de ses rôles. Pour parler à l’actrice de 30 ans, il faut s’armer de patience et ne pas s’y méprendre: si son visage poupon et ses grands yeux en amande donnent l’image d’une jeune femme pas tout à fait sortie de l’adolescence. Il n’en est, en réalité, rien. 

C’est une femme affirmée, parfois tranchante, que l’AFP rencontre à Paris lors de la promotion du film Houria de Mounia Meddour, en salles mercredi. Elle y campe une ballerine algéroise dont le destin bascule après une agression par un islamiste qui se dit repenti. Un film sombre, avec en toile de fond la situation de l’Algérie contemporaine: manque de liberté et de perspectives pour la jeunesse, carcan religieux... mais aussi et surtout la blessure des années de terrorisme (1992-2000).     


«Une certaine présence» 


De la noirceur du film se dégage pourtant une certaine lumière. Cette lumière, c’est Lyna Khoudri. «Il était évident que le rôle était pour elle», confie la réalisatrice à l’AFP, qui loue «une certaine présence à l’écran». Entre la candeur et la force, l’actrice habite l’écran. Une présence saluée en 2017 par le prix de l’interprétation féminine dans la section Orizzonti à la Mostra de Venise, pour son rôle dans  Les Bienheureux de Sofia Djama. Depuis, tout le monde se l’arrache, jusqu’à l’Américain Wes Anderson qui lui a confié un rôle dans «The French Dispatch» (2021), où elle a côtoyé Léa Seydoux, Timothée Chalamet ou Tilda Swinton. L’année 2023 ne fera pas exception. Elle est à l’affiche du film Les trois mousquetaires, en salles en avril, aux côtés de piliers du cinéma tricolore. Née en Algérie, d’un père journaliste et d’une mère professeur de violon, Lyna Khoudri arrive en France, enfant, alors que l’Algérie sombre dans le chaos de la décennie noire. Elle grandit en banlieue parisienne, passe son bac puis intègre le Théâtre national de Strasbourg, dont elle ne sort pas diplômé, happée par le 7e art. 

De son rôle d’orthophoniste dans Hors normes d’Olivier Nakache et Éric Toledano à la jeune femme rom qu’elle interprète dans Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, en passant par le témoin clé qui a permis la capture d’Abdelhamid Abaaoud (chef opérationnel des attentats du 13 novembre 2015) dans Novembre de Cédric Jimenez, la comédienne cumule les rôles de personnages pivot. «J’ai besoin de rôles qui font avancer le récit, sinon je ne vois pas l’intérêt», dit-elle d’une phrase qui tombe comme un couperet. «C’est très instinctif, poursuit-elle, il y a des fois où je sais qu’il faut que j’y aille et, des fois, je ne peux pas dire que le rôle n’est pas beau mais c’est juste que je me vois pas jouer ça». 

Et de citer le cinéma de John Cassavetes où «l’acteur est au centre». Quel avenir s’imagine-t-elle ? «Ce que je veux, c’est faire des choses que je n’ai jamais faites, qui vont me faire peur et où je vais me dire ‘‘tiens, comment je vais faire ça ?’’», affirme-t-elle. Comme en février, lorsqu’elle monte seule sur la scène des Bouffes du Nord à Paris dans la peau d’une jeune femme en colère, dans un texte écrit pour elle par Pascal Rambert. «J’aimais le texte, j’aimais le personnage, j’aimais ce que ça défendait et j›aimais le challenge de rester une heure toute seule sur scène», se remémore-t-elle. Si les sollicitations ne manquent pas, l’actrice assure «avoir très envie de raconter d’où je viens». «A part Gagarine, tout ce que j’ai lu ou touché du doigt, ça n’était pas au bon endroit. Pas au bon endroit parce qu’il y a encore une espèce de fantasme autour de la banlieue et de l’homme et la femme  arabe».   

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