Achat de céréales auprès des agriculteurs : «Le relèvement des prix améliorera la collecte mais pas la production»

18/01/2022 mis à jour: 15:11
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Une chute drastique des collectes de céréales / Photo : D. R.

Le blé dur sera donc acheté désormais à 6000 DA le quintal (contre 4500 DA auparavant), alors que le blé tendre sera vendu par les producteurs aux Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS) au prix de 5000 Da (contre 3500 Da).

L’augmentation du prix d’achat du blé dur et du blé tendre auprès des agriculteurs est l’une des décisions phares du dernier Conseil des ministre. Ainsi, après la chute drastique des niveaux de collectes des céréales par l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) durant la saison 2020/2021 qui ont atteint seulement 13 millions de quintaux (q), le gouvernement tente de redresser la barre en révisant à la hausse les prix à l’achat.

Le blé dur sera désormais acheté à 6000 Da le quintal (contre 4500 DA auparavant) alors que le blé tendre sera vendu par les producteurs aux Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS) au prix de 5000 Da (contre 3500 Da). L’orge passera à 3400 Da (contre 2500 Da) ainsi que l’avoine (contre 1800 Da auparavant). «L’objectif à travers une telle mesure étant d’encourager les producteurs à doubler la production en vue de réaliser la sécurité alimentaire», tel que précisé dans le communiqué rendu public à l’issue du Conseil des ministres.

Mais qu’en sera-t-il réellement et quel impact attendre de la mise en œuvre de cette mesure sur la production ? «Il est sûr que le relèvement des prix à l’achat des récoltes céréalières aura un impact certain sur la collecte mais pas sur la production, surtout que pour l’orge, notamment, les agriculteurs préfèrent écouler leurs récoltes sur le marché libre avec l’accentuation de la crise de l’alimentation des cheptels», nous dit d’emblée Ali Kader, ingénieur agricole et ancien directeur des services agricoles (DSA) en réponse à cette question.

Pour notre spécialiste, ces augmentations ne ramèneront rien dans leur sillage pour ce qui est des blés dur et tendre si elles «ne sont pas adossées à des niveaux minimums de production». Autrement dit, à la prise en charge des facteurs de performance.

Un avis que partage également l’expert agricole Aïssa Manseur. Sollicité à cet effet, il estime que la révision à la hausse des prix d’achat n’est pas suffisante. «A  elle seule, cette mesure ne peut en aucun cas améliorer significativement les rendements», nous dit-il.

Et de souligner : «La décision du gouvernement est très positive dans la mesure où ces prix n’ont pas été révisés depuis presque deux décennies alors que ceux des intrants ne cessent de croître, ces dernières années.» C’est le cas notamment pour les engrais, dont la hausse des prix sur le marché mondial a eu un impact important sur le marché national.

Ce qui fait que les céréaliculteurs rencontrent des difficultés à couvrir leurs charges de production. «Cette mesure peut donc encourager les producteurs à ne pas abandonner et changer de plans de culture. L’incitation financière est certes importante, mais l’incitation technique est un facteur limitant les rendements  !» nous explique M. Manseur.

Et de préciser : «Les agriculteurs doivent impérativement maîtriser la conduite de ces cultures, traduire fidèlement l’itinéraire technique dont elles ont besoin !» «La céréaliculture est tout un système avec des exigences à satisfaire, des exigences en amont et en aval, allant du choix de la semence jusqu’à la moisson, c’est un tout !» résumera notre interlocuteur, pour qui la collecte est impérativement liée au niveau de production mais également des capacités de stockage.

«Actuellement, ces capacités sont insuffisantes et même les entrepôts existants ne répondent pas aux normes  ! C’est bien de penser à booster la production mais il faut également se soucier du stockage  ! La réalisation d’infrastructures modernes pour le stockage des céréales est plus que nécessaire pour éviter d’importantes pertes», plaidera-t-il.

A noter que les capacités de stockage ne dépassent pas les 28 millions de quintaux aujourd’hui. Des projets ont été lancés pour réaliser de nouvelles structures, mais elles tardent à voir le jour. 

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