Scénariste et réalisateur autant que comédien, auteur d’une dizaine de films, on lui doit Le thé à la menthe (1984), La nuit du destin (1997), Le soleil assassiné (2004) et Jennia (2019). Sélectionné pour l’aide au cinéma en Algérie, il va bientôt entamer son nouveau long métrage, Jawhara, qu’il va tourner à Saïda, sa ville natale.
- Y a-t-il aujourd’hui des thèmes au cinéma plus porteurs que d’autres ? Dans le cas de l’Algérie, comment voyez-vous l’évolution des thématiques ?
Porteur ? Si vous voulez dire que le film répond à une exigence du public, je dirais qu’il n’y a presque plus de public pour le cinéma à cause du manque de salles et de sociétés de distribution dignes de ce nom. Nos films ne passent quasiment plus dans les salles, ne passent plus à la Télévision nationale qui ne participe plus à leur production par des achats des droits de diffusion. Malgré ce vide, un thème qui serait -selon moi- plus porteur que d’autres ce serait La liberté de la femme algérienne.
C’est à n’en point douter un thème que les cinéastes femmes ou hommes ne doivent pas laisser à la discrétion des politiques ou des religieux. Si nous voulons que notre pays fasse un bon en avant, il faut installer la parité homme-femme, partout, dès maintenant. Les thématiques principales du cinéma algérien ont été les films sur la guerre de Libération, les films sur l’option socialiste de l’Algérie, les comédies populaires (Inspecteur Tahar) l’émigration, l’évocation des années noires…
Nous restent les luttes des femmes, personnelles et collectives, pour leur émancipation de la domination masculine… Je ne vois pas d’évolution des thématiques, parce que pour qu’il y ait évolution, il faudrait que les cinéastes puissent tourner autant de films qu’ils ont de sujets. Or, hélas, c’est le marasme aujourd’hui et le cinéma algérien a connu tant, et bien mieux dans les premières décennies d’après l’indépendance.
Il y a autant de thématiques que de cinéastes, même si nous sommes encore dans un cinéma d’intervention où les cinéastes se sentent tenus à rendre compte de l’état de leur société, intervenant symboliquement là où le politique n’arrive pas à créer l’harmonie sociale. En ce qui me concerne, je me dis qu’en Algérie, nous avons besoin de films qui donnent du courage… Et je souhaite un cinéma de fraternité qui unifie ; un cinéma optimiste et exigeant : il y a tout en Algérie, ne manque que la liberté individuelle et totale d’entreprendre. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, plus il y aura de films algériens, moins, il y aura de dissensions sociétales, et plus nous serons unis.
Le cinéma permet d’exprimer l’unité des Algériens, quels qu’ils soient, autour de la notion de liberté et de bien-être ; c’est un drapeau à monter haut et fier : vaste programme et vaste chantier pour chaque Algérienne et chaque Algérien, chacun à sa guise et en fonction de ses possibilités. Car comme partout dans tous les pays du monde, les cinéastes créateurs ne demandent pas mieux que de se lancer à l’assaut des écrans du monde.
- Il y a de bons cinéastes algériens mais un cinéma assez timide. Pourquoi ?
Je ne suis pas d’accord avec l’appréciation de cinéma «timide». Il n’y a pas assez de films, c’est tout. Il n’y a pas encore un cinéma privé et y en aurait-il un, avoir l’autorisation de tournage pour les producteurs serait déjà une prouesse, hélas. Même avec la bénédiction du ministère de la Culture, le cinéma -étant déconsidéré par sa faiblesse actuelle-, n’est plus pris au sérieux. Et les professionnels -les bons comme les très bons- s’étiolent lorsqu’il leur faut cinq à sept ans pour arriver à tourner un film…
Les cinéastes, hommes ou femmes, arrivent souvent- pour ainsi dire-sur une civière au tournage. Le cinéma est un regard porté sur le monde. Sans cinéma national digne de ce nom, nous regarderons toujours ailleurs. Pour vous dire mon sentiment, chaque cinéaste qui, dans notre contexte actuel, réalise un film -court ou long métrage- est un héros.