Dans un tournant historique concernant le conflit du Sahara occidental, la France vient de prendre une position en faveur du plan d’autonomie marocain. Quelle est votre lecture à ce sujet ?
Le gouvernement sahraoui a exprimé sans la moindre ambiguïté sa position à travers un communiqué où il a contesté vivement cette décision. Elle prive la France elle-même d’initiatives pacifiques, ce qui va exacerber incontestablement les tensions.
C’est une décision qui va dans le sens de l’escalade et va jeter toute la région dans l’instabilité. C’est une violation du droit international. La France se dérobe à ses responsabilités, d’autant qu’elle est un membre permanent au Conseil de sécurité qui devait œuvrer pour la stabilité alors qu’elle foule aux pieds toutes les décisions des Nations unies. Par ailleurs, on peut dire que c’est une position «ancienne-nouvelle». Dans toute son histoire, la France a été du côté du régime et de l’occupant marocain de différentes façons, économique, politique, diplomatique, militaire et dans l’espionnage et le renseignement, y compris par le renforcement des actions militaires à travers les avions Jaguar.
La France n’a jamais lésiné sur les moyens au profit du Maroc et contre le peuple sahraoui. Elle le faisait alors qu’elle disait qu’elle était avec les résolutions onusiennes, y compris le droit à l’autodétermination.
Elle adopte le double langage politique dans ses positions. Dans le cadre opérationnel, tout est fait en faveur de l’occupant marocain, et dans les slogans, elle est avec le droit international.
Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? La France s’est détachée de l’application du droit international et elle a pris position d’une manière claire au profit du Maroc. Nous sommes dans un contexte marqué par le recul du droit, aggravé par la loi du plus fort.
Que veut concrètement la France avec cette nouvelle posture ?
Avant, elle était à l’aise dans son double discours en essayant d’être avec la victime et l’agresseur. Mais aujourd’hui, elle s’est précipitée vers une autre direction.
Les causes sont multiples. Selon les observateurs, c’est à cause des dernières élections législatives et la montée de l’extrême droite et la difficulté de nommer un nouveau gouvernement, c’est ce qui ressort des propos de Marine Le Pen du Rassemblement national (RN), qui a approuvé ce nouveau virage dans un communiqué mettant en évidence que le Sahara occidental est une terre marocaine et le Maroc joue le rôle de garant de la stabilité et de la sécurisation de la région, alors que ce pays contribue à semer le désordre et la confusion en transgressant les lois et en propageant la drogue et les psychotropes. On peut citer aussi l’échec du régime marocain, qui a dilapidé l’argent pour acheter des soutiens aux dépens de la population. Il a même vendu les patrimoines sacrés au profit des sionistes et malgré cela, cette cause n’a pas été résolue ! Donc, il a besoin d’une nouvelle position et la France a été chassée d’Afrique, elle est rejetée et se retrouve isolée. Elle rêve qu’avec le Maroc, elle pourra retrouver son influence coloniale en Afrique, au Sahel et au Sahara dans le cadre de la stratégie de partenariat et de coopération des pays de l’Atlantique et ouvrir un couloir aux pays du Sahel et du Sahara. La France ne s’est toujours pas débarrassée de la mentalité du colonisateur et elle met la pression sur tous les pays qui aspirent à la liberté. En somme, la nouvelle décision n’a pas été pour nous une surprise.
Cette position va-t-elle perturber votre combat ?
Absolument pas, notre cause est une véritable conviction. Les Sahraouis après 51 ans de résistance sont déterminés à poursuivre le combat par tous les moyens. La souveraineté n’est pas la propriété de la France, ni celle des Marocains. Elle est entre les mains des Sahraouis et aucune autre puissance ne pourra décider à leur place.
Propos recueillis par Kamel Benelkadi