Le complexe sidérurgique Al Solb El Hadjar (ex-Sider El Hadjar) traverse une période de turbulences majeures.
A l’arrêt depuis plus de six semaines, son haut-fourneau attend impatiemment l’arrivée du navire M.V. Aegea, prévue pour le 4 février courant au port de Annaba, avec à son bord une cargaison de coke métallurgique essentielle à la relance de la production. Selon un communiqué d’Al Solb, plusieurs livraisons de coke étaient attendues dès janvier passé.
Toutefois, les aléas des fournisseurs internationaux ont entraîné de graves perturbations, retardant l’approvisionnement et contraignant l’usine à stopper sa production depuis le 22 décembre dernier. Pendant cet arrêt forcé, des travaux de maintenance ont été réalisés pour assurer une reprise dans de meilleures conditions, précise la direction du complexe.
Cependant, la situation est loin d’être résolue. Le stock de produits semi-finis comme la cadence de la production sont au plus bas, assurant difficilement les livraisons aux clients stratégiques comme Naftal et Sonatrach en attendant que le haut-fourneau ne reprenne pas la production de la fonte.
A cela s’ajoute un contentieux explosif avec Fercometal SAS, l’un des principaux fournisseurs de coke de l’usine. En effet, Fercometal SAS a officiellement saisi le ministère de l’Industrie, la Société nationale des sidérurgies (SNS, ex-Imetal) et la direction d’Al Solb pour dénoncer un litige commercial autour du navire de coke MV Puffin s.
Dans une correspondance dont El Watan détient une copie, la société avance plusieurs hypothèses concernant un différend de non-respect des clauses contractuelles sur une cargaison qui fait partie d’un programme de livraison de coke. «Une accusation lourde qui pourrait déboucher sur une procédure d’arbitrage international. Un tel contentieux risquerait d'affecter durablement la relation entre les deux partenaires et d’aggraver la crise d’approvisionnement du complexe», estime-t-on.
Les fondeurs du haut-fourneau (HF) rappellent que Black Rabbit, l’actuel fournisseur de coke d’Al Solb, a déjà livré une cargaison de 17 000 tonnes «totalement non-conforme au bon de commande». Cette crise d’approvisionnement survient alors que le climat social au sein d’Al Solb est de plus en plus tendu.
Les 6400 sidérurgistes revendiquent, après plusieurs années, une revalorisation salariale. Face à eux, le directeur général par intérim, Messaoud Bellili, a reconnu officiellement qu’une hausse des salaires était à l’étude au niveau du conseil d’administration, mais sans préciser de calendrier d’application.
Objectifs non atteints
Malgré un investissement massif de 400 millions de dollars en 2017, le haut-fourneau d’El Hadjar a enregistré 152 arrêts en 2024, un record mondial dans le secteur. L’usine, qui visait une production de 600 000 tonnes de fonte liquide, n’a pu atteindre que 368 424 tonnes, soit un taux d’atteinte de seulement 61%. Pis encore, la fonte en fosse a explosé, avec 30 000 tonnes perdues cette année, générant des coûts considérables pour son traitement.
Ces dysfonctionnements compromettent directement la durée de vie du haut-fourneau, dont la campagne, initialement prévue pour durer 15 ans, risque d’être réduite à 10 ans. De plus, le manque de consommables stratégiques menace désormais d’autres unités de production.
Le complexe Al Solb traverse une crise sans précédent, accentuée par l’incarcération de son PDG en octobre 2024 pour des affaires de gestion. En attendant la nomination officielle d’un nouveau dirigeant, l’intérim est assuré par un cadre interne.
Face à ces multiples défis, de nombreux experts plaident pour une refonte en profondeur de la stratégie de gestion du complexe. Une meilleure anticipation des besoins en matières premières, une rationalisation des coûts et une stabilisation des relations avec les fournisseurs sont devenues essentielles pour éviter l’effondrement d’une industrie clé pour l’économie nationale.