À Ghaza, cimetières remplis, tombes superposées et fossoyeurs surmenés

19/08/2024 mis à jour: 00:32
AFP
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Sous le soleil, une demi-douzaine d’hommes alignent des parpaings dans le sable pour former une rangée de rectangles : ce sont les tombes des futurs morts de la bande de Ghaza. Avant, Saadi Hassan Barakeh était le fossoyeur en chef de deux cimetières de Deir Al Balah, dans le centre du petit territoire palestinien bombardé par Israël depuis plus de dix mois. «Le cimetière d’Ansar est désormais totalement rempli.

Les martyrs étaient trop nombreux», lâche ce Palestinien de 63 ans, dont 28 passés à creuser des tombes tracées au cordeau. Une fois les trois hectares et demi d’Ansar saturés, il se concentre sur Al Soueid, un autre cimetière, de cinq hectares et demi celui-là.

Mais même avec un seul site contre deux avant la guerre déclenchée par Israël le 7 octobre après l’attaque du Hamas le même jour sur le sol israélien, il n’arrête pas. «De 6h du matin à 18h, tous les jours», raconte-t-il à l’AFPTV.

«Avant la guerre, chaque semaine on avait un ou deux enterrements, grand maximum cinq. Aujourd’hui, il y a des semaines où j’enterre 200 ou 300 personnes, c’est inimaginable», confie le fossoyeur, la tête couverte d’une calotte blanche assortie à sa longue barbe.

Sa jellaba noire est retroussée sur un pantalon qui fut beige avant d’être recouvert de sable et de poussière qu’il remue toute la journée. «Le cimetière est tellement rempli que maintenant on creuse des tombes au-dessus de tombes, on a mis les morts en étage», poursuit celui qui a vécu «toutes les guerres à Ghaza» mais dit n’avoir «jamais vu ça».

Au premier rang du malheur, M. Barakeh continue d’encourager les 12 ouvriers qui l’aident à creuser, agencer et refermer des dizaines de tombes à la journée. Mais, le soir, des images le hantent. «Je n’arrive pas à dormir après avoir vu autant de corps d’enfants déchiquetés et de femmes tuées», explique-t-il, pelle-bêche en main. «Il y a une famille dont j’ai enterré 47 femmes. J’ai enterré beaucoup de femmes et d’enfants, et seulement deux ou trois types du Hamas», assure M. Barakeh.

«Pourquoi les enfants ?»

Si les Israéliens «ont un problème avec Sinwar (le chef du Hamas, ndlr), pourquoi ils s’en prennent aux enfants ? Qu’ils tuent Sinwar et tous les autres, mais pourquoi les femmes et les enfants ?» s’emporte le Ghazaoui.

Autour de lui, des pierres tombales blanches s’étalent à la ronde, tandis que dans les rares espaces encore vides, des hommes s’activent à creuser de nouveaux trous, le visage en sueur. D’autres amènent à la chaîne des parpaings dont le prix a flambé.

«Un shekel avant la guerre contre 10 ou 12 aujourd’hui», dit M. Barakeh, parce que les usines sont à l’arrêt faute d’électricité et de matières premières. Des tas bombés de terre fraîchement retournée témoignent des enterrements des derniers jours.

A l’exception des fossoyeurs et autres manœuvres portant des parpaings, plus personne ne vient. «Avant la guerre, on pouvait avoir un millier de personnes qui assistaient à l’enterrement d’une personne, aujourd’hui, il y a des jours où on enterre 100 personnes et il n’y a même pas 20 personnes pour les mettre en terre», se désole M. Barakeh. Au-dessus de sa tête, le bourdonnement des drones est incessant. Un mementomori de plus à Ghaza.   
 

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